PREl\HERE ABDICATION. -
nri1.ns1814.
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une portion si importante de ses troupes entre
Bayonne et Bordeaux, et ce qui devait motiver
de la part de son lieuteoant les plus énergiques
efforts pour arreter l'armée anglaise. Aussi Na–
poléon avait-il recommandé plusicurs fois au
maréchal Soult de déployer la plus grande vi–
gucur, de faire comme il faisait lui-meme, c'est–
a-dire <l'etrc le premicr et Je dernier au feu, car
lorqu'on avail
a
demander aux troupes un dé–
vouement illimité, le vrai moyen de l'obtenir
c'était de leur en donner soi-meme l'exemple.
Le 26 février, le maréchal Soult avait pris
position un peu en arriere d'Orthez, sur les
hauteurs qui bordent le gave de Pau, ayant
a
sa
droite le général Reille, au centre le comte d'Er–
lon,
a
gauche enfin,
a
Orthez meme, le général
Clausel, chacun avec deux divisions. Ce dernier
couvrait la rou te de Sault de Navailles. La cava–
leric surveillait les bords du gave. Chaque aile
était rangée sur dcux lignes, Ja seconde prete
a
appu ycr la premierc.
J,e 27 février au matin , lord Welliogton avait
passé le gave, et attaqué avec cinq divisions an–
glaises la droite des frarn;ais confiée au général
Reille, tandis qu'a l'extrémité opposéc le général
Hill avec une division anglaise , avec les Portugais
et les Espagnols, abordait le général Clausel
a
Orthez. La lulte avait été longue et acharnée, et
le général Reillc
a
droite comme le général Clau–
sel
i1
gauche avaient dignement soutenu l'hon–
neur de nos armes. Le général Clausel était resté
inébranlable
a
Orlh rz, et le général Reille, obligé
de rétrograder sur une seconde position, avait
néanmoins la certitude de se souteni.r, si par un
vigourcux emploi des deuxiemcs lignes, on recom·
men<;ait le combat contre un ennemi visiblement
épuisé. On pouvait, il est vrai , se trouver vaincu
apres ce oouvel cffort, o'ayant pour réserve, en
dehors des six divisions
engagée~,
que la hriga<le
du général Paris qui était composée d' un reliquat
de tous les corps. 11 pouvait se faire aussi qu'on
ftit
vainqueur: et alors les conséquences eusseot
été considérables. Ce son t la de ces questioos q ne
le caractere seul peut résoudre, car !'esprit s'y
perd. Le
maréch~l
Soult, considérant que cette
armée était la dernie1·e qui restat au midi de
l'Empire, avait jugé plus prudent de se retirer?
et avait opéré sa retraite sur Sault de Navailles,
¡¡pres avoir tué oti blessé environ six mille hom–
mes
a
lord Wellington, et en avoir laissé trois ou
quatre mille sur le champ de bataille. Les troupes
avaient conservé en se retirant un ordre admi–
rable, et inspiré un véritable rcspect
a
l'ennemi.
CONSULAT.
5.
Mais on venait d'abandonner un terrain bien
précieux, et
a
la suite d'une journée qui, sans
etre une bataille perdue, devait en avoir bientót
toute l'apparence, parce que l'ennemi serait au–
torisé
a
l'appeler ainsi en avanc¡ant, et parce
que les populations malveilllantes du Midi ne la
qualificraient pas autrement. Apres cette ba–
taille d'Orthez, il ne rcstait plus de poiot ou
l'on put s'arreter jusqu'a la Garonne. Bordeaux
allait done se trouver
a
découvcrt, et le grand
intéret politique auquel Napoléon avait sacrifié
lf0
mille hommes , qui , sur la Sein c, eussent sauvé
I'Empire, allait etre compromis. ll o'y avait
qu'une ressource, c'était que le maréchal Soult
prit sa ligne d'opération sur Bordeaux, et en fit
le but de sa retraite. On élait condamné, daos
ce cas, a livrer bataille encore une fois , au risque
d'etre battu, et puis, battu ou non ,
il
fallait se
replier sur Bordeaux, établir un vaste camp
r etranché autour de cette ville, et s'y défendre
comme le général Carnot
i1
Anvers. Il est vrai
que Bordeaux n'avait pas les murs d'Anvers;
mais
il
avait mieux ,
il
avait une belle armée,
qui, en s'appuyant sur cette ville, devait y etre
inexpugnable. N'y tint-elle que quinze
a
vingt
jours, c'était assez pour donner
a
Napoléon le
tcmps de décider du destin de la guerre entre
Paris et Langres.
Le maréchal Soult, craignant les renconlres
avec l'armée anglaise, qui avaient été presque
toujours malheureuses (grace, il faul le dirc,
a
nos généraux, et non point
a
nos soldats), avait
imaginé de manreuvrer, et au Jieu de couvrir
directemeot Bordeaux, de remonter vers Tou–
louse, croyant que les Anglais n'oseraient pas
s'acheminer sur Bordeaux, ¡tant qu'íl serait sur
leurs flanes et leurs derrieres. Ce genre de calcul,
convenable
a
Napoléon dont on avait peur, n'était
pas aussi fondé de la part de ses lieutenants, qu'on
ne redoutait pas
a
bcaucoup pres aut:mt que Jui .
L'événement le prouva bientót. En effet, lord
\.Vcllington qui, en atlirant
a
lui une partie des
troupes laissées autour de Bayonne, disposait de
plus de 70 mille hommes , pouvait en détacher
'l O
ou
12
mille vers Bordeaux, ce qui suffisait
pour soulevcr cette ville, et en garder 60 mille
pour suivre le maréchal Soult sur Toulouse.
C'est ce qu'il ne manqua pas de faire. Tandis
que le maréchal Soult prenait le chemin de Tar–
bes, lord Wcllington détacba de Mont-de-1\larsan
le marécbal Béresford avec u·ne coloone de
troupes anglaises et portugaises, et celui-ci trou–
vant. Bordeaux saos défensc y entra le
12
mars.
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