LlVRE CINQUANTE-TROISIEilrE.
ce qu'allaient lui conseiller les événements.
La situation avait en efTet bien changé , mili–
tairemcnt et politiquement, pcndant les dix ou
douze jours qu'il venait d'em ployer
a
se mesurer
avec Blucher. En quittant Troycs il avait laissé
le maréchal Oudinot, le général Gérard, lema–
r échal l\1acdonald,
a
la poursuite du prin ce de
Schwarzenberg, avee ordre de pousser celui-ci
jusqu'au dela de l'Aube, pendant qu'on feignait
de négocier un armistice
a
Lusigny. 11 avait en
mcmc temps ordonné
a
ses lieulenants ' qui
comptaient trente et quclques mille hommcs
a
cux trois, de faire crier
f/ive l'Empereur
!
aux
avant-postes, afio de persuader
a
l'ennemi qu'il
n'était pas parti . Mais une telle illusion n'avait
pas d uré viógt-quatre hcures. La maniere dont
s'était exécutée la poursuite apres son dépa1·t
avait
été
suffisante pour montrcr qu'il n'y était
plus, et le prince de Scbwarzenbcrg, qui avait
promis de reprendre l'offensive aussitót que Na–
poléon se détournerait de lui pour se jcter sur
Blucher, avait tcnu parole des le 27 fé ricr au
matin. Voulant ramener sur l'Aube les lroupe
franc;aiscs qui avaient franchi cetle rivier e
a
sa
suite,
il
avait dirigé le maréchal de Wrede vers
Bar-sur-Aube, et le pr ince de Wittgenstein vcrs
le pont de Dolancour t. (Voir
la
carte nº 62. ) Il
avait gardé sous la main Gi ulay et les réscrvc
autricbiennes .
Le mar écbal Oudinot et le général Gérard
étaient en position sur l'Aube, le maréchal l\Iac–
donald sur la Seine. Les deux premiers, particu–
lierement menacés , ayant apcrc;u le 27 au matin
le retour ofTensif de l'ennemi, s'étaient portés,
le géoéral Gérard
a
Bar-sur-Aube, et le rnaré–
chal Oudinot
a
Dolancourt, pour disputer sur ces
deux points le passage de l'Aube. Le mar échal
Oudinot jugeant mauvaise la position de Dolan–
cour t, car elle était dominée de toute part, pen–
sant de plus qu'un mouvement rétrogradc décc–
lerait trop le départ de Napoléon, avait imaginé
de se tenir en avant de l'Aube, et de défendre
a
outranceles hauteursd'Arsonval et d'Arrentiercs.
Laissant Ja division des gardes nationales Pacthod
pour couvrir Je pont de DoJancourt,
i1
avait
porté sur la hauteur au dela les dcux brigades
de la division Leval, et la brigade qui restait de
!a division Boyer. Ces trois brigades tirées d'Es–
pagnc, ::ippuyées par les dragons venus égale–
men
t
d'füpagoe, et comprenant 7 mille fantassins
et 2 mille chevaux, avee tout au plus trente
boucbes
a
feu amenées du fond de la vallée de
l'Aube, avaient eu grand'peine
a
se soutenir en
présence des cent bouches
a
feu de l'ennemi. Les
brigades l\fontfort et Chassé, mitraillées d'abord,
puis assaillies par les euirassiers autrichiens,
avaient tenu ferme, et repoussé toutes les alta–
ques, tandis que le comte de Valmy, passant
l'Aubc
a
gué, venait
a
leur secours. Ces deux
brigades d'infanterie, complétement enveloppées
san en etre émues, secourues tour
a
tour par
la brigade Pinoteau , et par les dragons d'Es·
pague qui avaicnt ehargé au galop la formidable
artillerie des Autrichiens et tué les canonniers
sur les pieces avaient conservé leur champ de
bataille toute une journéc. Enfin ver" la nuit,
voyaot fondre sur elles le reste de la grande
armée de Boheme, clics avaient quitté les hau .
tcurs, regagné le bord de la rivierc, et opéré
leur retraite dans le meill cur ordre. Ce combat
admirable de 8
a
9 mille hommes contre 50 mille
d'a bord, pui cootrc 40 mille, avait cotité
a
J'ennemi
5
mille hommes, et
a
nous 2 mille. Si
Napoléon n'avait eu que de pareils soldats, le
résultat de cette grande lutte eut été certaine–
ment difl'érent.
Tandis qu'Oudinot avec les tro upes d'E pagne
défcnd ait i bien les hauteur.:; en avant de Do–
lancourt, le général Gérard de son cóté avait
arreté les Bavarois devant Bar-sur-Aube, et leur
avait tué beaucoup d'hommcs tout en perdant
lui-mcme tres-peu de monde, grace aux barri–
cacles do nt
il
s était eouvert. l\Iacdonald, enten–
dant Ja canonnade, avait eouru de la Seine
a
l'Aube, pour coopérer
a
la défense des postes
attaqués.
Bien que ce rude combat, dans lcquel le
prince de W ittgenstein avait été blessé gricve–
wen t et le prince de Schwarzenbcrg légerement,
füt de nature
a
rendrc l'armée de Boheme plus
prudente encore que de coutumc, pourlant il
était facile de reconnaitrc au nombre de troupes
déployées que ce n'élait
la
qu'un rideau, et que
Napoléon était ailleurs. Si le prinee de Schwar–
zcnberg avait pu eonserver eocore un seul doute
a
cet égard, il l'aurait perdu en voyant devant
lui tout au plus 8
a
9 mille hommes. Des lors
ses projets de retraite sur Chaumont avaient du
etr e abandonnés, et soit qu'il füt aiguillon né par
le blame des alliés, soit qu'il füt jaloux de tenir
la parole donnée
a
l'armée de Silésie,
il
avait
r ésolu de se reporter en avant, et de reprenare
la position de Troyes au moins, pendant que
Blucher continuait
a
courir les hasards d'une
marche isolée. Le 28 done il s'était remis en
mouvement , et les trois généraux
fran~ais,
ju-