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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.

recevaient, outre le fcu de Clacy, celui de l'ar–

tillerie du maréchal Ney, laquellc, tres-avanta–

geusement placée, comme nous venons de le

dire, exer<;ait d'affreux ravages. A la vérité,

quelques-uns des projectiles de cette arlillerie

atteignaient nos soldats

a

Clacy, mais dans l'ar–

deur dont on était animé, on ne songeait avant

tout qu'a arreter l'ennemi et

a

le détruire, n'im–

porte a quel prix.

La meme attaque, renouvelée cinq foi par les

Russes, échoua cinq fois devant l'héro'isme du

général Charpentier et de ses soldats. Les Russes

reb utés se replierent alors sur Laon. Napoléon,

reprenant un peu d'espérance , et se flattao t

d'avoir peut-etre fatigué la ténacité de Blucher,

porta les deux divisions de Ney (l\lcunier et

Curial) droit sur Laon , par le faubourg de

Semilly que nous n'avions pas cessé d'occuper.

Nos jcunes soldats, lancés par Ney sur la hau–

teur, renverserent tout devant cux , gravirent

l'une des faces du pie triaogulaire de Laon , et,

profitant de la forme du terraio , crcu-e et ren–

trante en cet endroit, parviorcnt jusqu aux

murailles de la ville. Mais la solide infonterie de

Bulow les arréta au pied du rempart puis les

eriblant de mitraille, les forc;a de rede cendre

de cette hauteur fatale, devant laquelle devait

échouer la fortune de nos armes. Napoléon ce–

pendant, qui ne reoon<;ait pas encore

a

arracher

Blucher de ce poste, envoya fort loin sur nolre

gauche Drouot

a

la tete d'un détachement, pour

voir s'il ne serait pas possible de se porter sur la

routc de la Fere, et d'inquiéter assez l'ennemi

pour lui faire lacher prise.

Drouot apres une hardie reconnaissanee ,

ayant déclaré avec une sincérité qu'on ne mel–

tait jamais en doute , l'impossibilité de cette

derniere tentative, Napoléon se résigna enfin

a

considérer Blucher comme inexpugnable. Depuis

quarante-huit heures ils l'étaient l'un pour

l'autre, et Blucher avait été aussi impuissant

contre les villages de Clacy et de Semilly, que

Na poléon contre la hauteur de Laon. Mais Napo–

léon ne pouvait pas etre inexpugnable vingt–

quatre heures de plus, si Blucher, revenant au

projet de marcher en masse par la route de Laon

a

1-leims, refoulait l\farmont sur Bcrry-au-Bae et

passait l'Aisne sur notre droite. II n'y avait done

pas moyen de demeurer ou l'on était, et il fal–

lait rebrousser chemin pour se replier sur Sois–

sons. Quelque douloureuse que

fU

t cette résolu–

tion, comme elle était indispensable, Napoléon

la prit sans hésiter, et le lendcmain, 11 mars au

matin ,

il

repassa le défilé de Chivy et d'Étou–

velles, pour se reporter sur Soissons, tandis que

l\Iarmont, établi au pont de Berry-au-Bac, dé–

fendait l'Aisne au.dessus de luí. L'ennemi se

garda bien de suivre ce lion irrité, dont les re–

tours faisaient trembler meme un adversaire

victorieux. Napoléon put done regagner Sois–

soos sans etre inquiété.

Ces trois terribles journées du 7

a

Craonne,

du 9 et du 10

a

Laon , avaient couté

a

Napoléon

environ 12 millc hommes, et si elles en avaient

couté 15 mille

a

l'enncmi , c'était une médiocre

consolation, parce qu'il lui restait pres de 90

mille combattants, et que nous n'en avions guere

plus de 40 mille, meme avec la petite division

du duc de Padoue qui était venue r enforcer le

maréchal Marmout. Le pis de tout cela, c'étaient

non la perte numérique mais la perte morale, et ·

les conséquenccs militaircs des dernieres opéra–

tion . Négliger un moment Schwarzenberg pour

-aller de nouveau battre Blucher , et revenir

ensuitc sur Schwarzenberg,

soit

qu'on tombat

directement sur celui-ci, soit qu'on recueillit

auparavant les garnisoos, était la derniere com–

binaison que Napoléon avait imaginée, et qui

devait, si la fortune ne le trahissait pas le

con~

duire

a

expulser le ennemis du territoire. Mais

n'a ant pas battu Blucher, bien qu'il l'eñt rude–

ment traité,

il

allait et1·e suivi par cet infatigable

adversaire en se rejetant sur Schwarzenberg, et

iJ était exposé

a

les

VOÍL'

Se réunir

lOUS

deux

pour l'accabler. Le danger était évident et tres–

difficile

a

conjurer.

Napoléon rentra

~onc

fort triste dans Sois–

sons, mais moins triste que l'armée qui compre–

nait bien la situation et commen<;ait

a

craindre

que tant d'e:fforts ne fussent impuissants pour

sauver la France. l\lais !'inflexible génie de Napo·

léon, éclairé par sa grande expérience, laquelle

luí montrait que les chances de la guerre sont

inépuisables, et qu'il n'y a jamais

a

désespérer

pourvu qu'on persévere, !'inflexible génie de

Napoléon n'était point abattu. II comptait en–

core sur de faux mouvemcnts de l'ennemi, et se

flattait qu'une faute du présomptueux Blucher,

peut-etre du prudent Schwarzenberg lui-meme,

lui rendrait bientót sa fortune perdue. 11 n'avait

pas cessé, au surplus, d'etre placé entre ses deux

adversaires, et en mesure par eonséquent d'em–

pecher leur jonction; il avait encore

a

París

quelques ressources, et, s'il livrait cette capitule

a

elle-memc, pour se porter vers les places,

iI

en devait trouver la de bien plus considérables,