PREMIERE ABDICATION.
~
MARS
i814.
4?S5
de Reims le gros de ses forces. 11 avait sur-le–
champ mis en mouvement Sacken et Langeron
restés en r éscrve derriere Laon, les avait envoyés,
en contournant la ville,
a
l'appui de Kleist et
d'York, et y avait ajouté la plus grande partie
de sa cavalerie qui de ce colé ne pouvai t man–
qucr d'etrc fort uti le. La journée étant trcs-avan–
cée quand ce mouvcment finissait, il n'avait pas
voulu néanmoios s'en tenir
a
des dispositions
préparatoires, et avait songé
a
profiter de l'ob–
scurité pour ordonner une surprise de nuit
cxécutée par sa cavalerie en masse.
Vers minuit, en efiet, tandis que les soldats
de Marmont s'y attendaient le moins, une nuée
de cavaliers se précipitent sur eux en poussant
des cris épouvantables. De vieux soldats, habi–
tués au x accidents de guerre, auraient été moins
surpris, et plus tót réunis
a
leur poste. l\fais une
panique sou daine se répand dans les rangs de
cetle jeune iufanterie, qui s'échappe
a
toutes
jambes. Les artillcurs qui n'avaien t pas disposé
leurs p icccs de maniere
a
les enlever rapide–
ment, s'enfuient sans songer
a
les sauver. L'en–
ncmi lui-mcme au sein de I'obscurité se mele
avec nous , et fait partie de cette cohue, pendant
que son artillerie attclée, galopant sur nos flanes,
lirc
a
milraille, au risque d'atteindre les siens
comme les nótres. On marche ainsi au milieu
d'un désordre indicible, sans savoir que devenir,
et Marmoot cmporté par la foulc s'en va dumeme
pas qu'ellc. Heureusement le
6e
corps, qui fai–
sait le fond des troupes de Marmont, retrouve
un peu de son sang-froid, et s'arretc
a
ces h au–
tcurs de Festieux, ou il aurait été si facilc de se
procurcr pour la nuit une position sure. L'cn–
ncmi n'osaot pas s'engager plus loin suspcod sa
poursuilc , et nos soldats délivrés de sa préecncc
fini ssent par se rallier, et par se l'emcttre en
ordre.
Cet accidcnt, l'un des plus facheux qui soien t
jamais arrivés
a
un géoéraJ, surto:ut
a
cause des
conséquenccs dont
il
fut suivi, ne nous avait
couté malériellemcnt que quelqucs pieces de
canon, 2 ou 5 cents hommes mis hors de combat,
et un millicr de prisonniers, qui revinrent en
partie le lcndcmain ; mais il ruinait notre cntre–
prise déja si difficile et si compliquée. En apprc–
nanl dans la nuit cette déplorable échaufiourée,
Napoléon s'em.porta contre le maréchal l\far–
mont, mais s'emporter ne r éparait rien, et
il
s'occu pa imméd iatement du partí
a
prendre.
Renoncer
a
son attaque et se retirer, c'était
commencer une r ctraitc 'qui devait aboutir a la
ruine de Ja France et
a
Ja sienne. Attaqucr, quand
la diversion confiée
a
Marmont n'étai t plus pos–
sible, quand on allait avoir devant soi les masses
de l'cnnemi accumulées entre Laon et la chaussée
de Soissons, était bien téméraire. Tous les partis
mcnaicnt presque
a
périr. N'écoutant que l'é–
nergie de son ame, Napoléon voulut cssayer sur
Laon une tentative désespérée, pour voir si le
hasard, qui est si fécond
a
la guerre, ne lui vau–
drait pas ce que n'avaient pu lui procurer les
plus savantes combinaisons.
Il allait se précipiter sur Laon lorsque Blucher
le prévínt. Ce dernier avait songé d'abord a jeter
sur Marmont une moitié de son armée, le pre–
nant pour notre colonae principalc. l\lais dans
son état-major des voix nombreuses s'étaient éle–
vées contre ce projet, et on luí avait prouvé qu'il
fallait aya ut tout tenir tete
a
Napoléon devant la
viHc de Laon. Blucher, malade ce jour-la , et
cédant plus que de eoutume
a
l'avis de ses lieu–
tenanls , avait done suspendu le mouvcment
prcscrit, et s'était décidé
a
dirigcr son cfr'ort
d.roit devant lui, sur Clacy no tammcnt., par
ou
Napoléon menai;ait de le tourner.
Au moment ou Napoléon ébranlait ses trou–
pes pour renouveler ses attaques, trois divisions
de l'infantcrie de
·w
oronzofi' se portant
a
notre
gauche, se · déployerent autour du village de
Clacy avec l'intention de l'enlever. Le général
Charpenticr, qui avait remplacé Víctor, était
a
Clacy avec sa division de jeunc gardc et cclle du
général Boyer, fort décimées l'une et l'autre par
les dernicrs combats. Ney arnit de son cóté
appuyé
a
gauche pour soutenir le général Char–
pcnticr, et avait disposé son artillerie un pcu en
arriere et
a
mi-cóte, de ma niere
a
prendre d'é–
charpe les masses russes qui al!aicnt se jeler sur
Clacy. Des neuf hcUl'es du matin une lutte opi–
niatre recommern;a autour de cet infortuné vil–
lagc, dont la position, heureusement pour nous,
étaiL légerement dominante. Le génfral Char–
pcntier, qui dans ces journées montra autant
d'énergie que d'habileté, laissa l'infanterie russe
s'avancer
a
petite portée de fusil, et puis l'ac–
cueillit avec un fcu de mousqueterie épouvan–
table. Les officicrs et sous-officiers se prodi–
guaicnt pour suppléer au défaut d'instruction de
leurs jeunes soldats, daos lesquels ils trouvaient
du reste un dévouement sans bornes. La pre–
micre division russe essuya un feu si meurtrier,
qu'elle fut renversée au pied de la position
1
et
immédiatement remplacée par une autre qui ne
fut pas mieux traitée. Les troupes assaillantes