PREl\ffERE ABDICATION. -
MARS
-1814 .
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Il prendrait beaucoup, on prendrait davantage.
Et
puis, ou irait-on, les uns et les autres? Napo–
léon
a
Metz,
a
Strasbourg, ou sa présence ne
décidcrait ríen, et les alliés
a
Paris, oú ils avaient
la certitude d'opérer une révolution, et d'arra–
cher
a
Napoléon le pouvoir qui le rendait si
r edoutable. Le suivrc, c'était obéir a ses vucs,
car c'était évidemmeut ce qu'il avait voulu, en
cxécutant ce mouvement si étrange, si imprévu
vcrs la Lorraine. C'était se laisser détourner du
but essentiel, et s'exposer
a
une nouvelle séric
de hasards militaires, car on le trouverait ren–
forcé par l'adjonction de ses garnisons, on re–
commenecrait avec des armées épuisées, contre
des armées récemment recrutées, le jeu redou–
table des batailles, oú il fallait convenir que
Napoléon était le plus fort; on ser ait entrainé a
des longueurs,
a
des cornplications intermina–
bles, et tres-probablernent on finirai t par tomber
daos quelque piége qu'il aurait eu l'art de tendrc,
qu'on n'aurait pas eu l'art d'éviter, et dans le–
quel on succomberait. Aller
a
París, frapper Na–
poléon au creur, était bien plus court, plus sur
meme en paraissant plus hasardeux ; et en tout
cas, supposé qu'on ne put point en trer dans la
capitale de la France, il restait une ligne de re–
traíte assurée, c'était Ja route de París
a
Lille, Ja
route de Belgique, ou l'on rencontrerait le prince
de Suede arrivant avec 100 mil le Hollandais,
Anglais, Hanovriens et Suédois.
Il n'y avait rien de concluant a opposer
i1
ces
raisons. Tout le monde y céda , et déjoua ainsi
les calculs de Napoléon, car tout le monde con–
sulta les considérations politiques, tandis que lui,
méprisant la polítique dont
il
n'écoutait guere
les avis, n'avait tenu compte que des considéra–
tions militaires. Comme de coutume, ayant mi–
lítairement raison, il avait polítiquement tort,
et
a
se tromper toujours ainsi, il était inévitnble
qu'il finlt par périr
!
Il fut done immédiatement résolu qu'on arre–
leraít tous les corps d'armée sur le Jieu ou ils se
trouvaicnt, et qu'on leur ordonnerait de com–
mencer le lendemain maLin leur marche sur Pa–
ris. Toutefois, on ne pouvait pas laisser Napo–
léon sans aucun surveillant
a
sa suite, so it pour
le harceler' soit pour l'observer' et pour etre
averti de ce qu'il ferait dans le cas ou, sa déter–
mination changeant, il reviendrait sur Paris. On
chargea le général Wintzingerode de s'attacher
a
ses pas avec 1O mille chevaux, quelques mille
hommes d'infanterie légere, et une nombrcuse
artilleric attelée. C'était tout ce qu'il fallait pour
lui causer
<;a
et
la
quelques dommages, mais sur–
tout pour ctre informé de ses résolutions aussi–
tót qu'elles seraient formé es . On aubít voulu, en
s'acheminant vers París, avoir un émissaire qui
précédat l'armée alliée, et qui entrat en rapport
avec
~nr.
de Talleyrand et de Dalberg, sur les–
quels on comptait pour opérer une révolution. Il
y
en avait un de fort indiqué , c'était M. de Vi–
trolles, envoyé par ces chefs des mécontents, et en
le rcnvoyant on n'eut fait que répondre
a
une
ouverture venant de leur part. l\fais on n'avait
plus M. de Vítrolles. Fideles, il fa ut Je reconnai–
tre, aux engagements prisa Cbatillon, les so uve–
rains alliés n'avaie nt pas voulu entendre
1\f.
de
Vitrolles avant la dissolution du congres. Se con–
sidérant cornme libres depuis, ils avai ent conscnti
a
le recevoir et a l'entreteni r, et lui avaientmani–
festé le désir qu'il retournat
a
Paris. l\Jais celuí-ci,
pressé de voir les Bourbons qu'il aimait, et qui
allaient devenir les maitres de la France, avait
préféré se rendre en Lorraine, ou l'on supposait
le comte d'Artois déja arrivé, que de retourner
:\ París, exposé e\ tomber dans les mains du duc
de Rovigo. 11 insista done pour qu'on lui per–
mit de se mettre
a
la reeherche de M. le comte
d'Artois.
JI
y
avait, en effet, bien des choses utiles
a faire aupres de ce prince, car il était urgent,
Je jour meme
Oll
l'on pérlétreraiL dans ce Pa–
rís si redoutable, si redouté, de s'y présenter non
en conquérants, mais en libérateurs, d'avoir pour
cela un gouvernement tout pret, daos les bras
duque! la France pourrait se jeter, et, bien que
les Bourbons ne fussent pas l'objet tl'une préfé–
rence décídée de la part des puissances coalisées,
le retour de ces princcs résultait si naturellemeot
de la force des choses, que s'entendre avec eux
était de la plusgrandeimportance. Les souvcrains
alliés consentirent done au départ de
M.
de Vi–
trolles pour la Lorraine, et il fut convenu
qu'apres a'voir vu le comte d'Artois,
il
reviendrait
au quartier général sous París.
JI
avait été chargé
de dire au comtc d'Artois qu'il fallait, en remet–
tant le pied sur le sol de la France, dépouiller bien
des préjugés, oublier bien des choses et bien des
hommes, et se diriger par le conseilde MM. deDal
0
berg, dcTalleyrand, et autres personnagespareils.
M. de Vitrolles étant ainsi partí avant les événc–
ments d'Arcis-sur-Aube, on n'avait en marchant
sur Paris aucun moyen préparé de communiquer
avec l'intérieur; mais une fois les portes de cette
.capitale ouvertes par le canon, on présumait que
les relatíons seraient fa ciles
a
établir..Le lendc–
main,
2~
mal's, jour de funeste mémoire, les
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