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LIVRE CINQUANTE-TROISlE1'1E.
de Courtacon. (Voir la car te nº 62.) La chose
s'exécuta comme elle avait été résolue. Profitant
de l'obscurité, on se jeta dans la carnpagne
a
gauche, et on parvint
a
gagner Provins, apres
d'affreuses angoisses, et sans avoir essuyé d'autre
perte que celle de quelques caissons. Heureuse–
mcn t on avait sauvé les hommes et les canoas,
et
a
peine en avait-il collté quelques voitures
pour sortir de cette eonjoncture effrayante. Seu–
Iement la route de l'armée était changée, et il
ne restait d'autre moyen d'arriver
a
París que
de suivre le chemin qui borde Ja droite de la
Seine, de Melun
a
Charcnton. Des Jors l'cnnemi,
libre de se porter sur Ja ].\forne, et de la passer
parlout ou il voudrait, n'av:!it d'autre obstacle
a
craindre dans l'accomp1issemcnt de ses des–
seins que
Ja
faible division du général Compans,
qui s'était retirée sur Meaux . Il follait done se
hater pour etre rendu
a
temps sous les murs de
Paris, pour s'y joindre au général Compans s'il
avait pu
~e
sauver, pour se r éunir en un m..Q_t
a
tout ce qu'il y avait de bons citoyens, et défcn–
dre avec eux Ja capitale de notre pays contre
l'Europe avide de vengeance.
Les maréchaux, comprenan t qu'il n'y avait
pas d'autre conduite
a
tcnir ' donncrent aux
troupes un repos qui Ieur était indispensable,
car elles n'avaient cessé depuis trois jours de
marcher memela nuit, et partirent le soir du 27
pour s'approcher de Paris, le maréchal Mar–
mont par la route de Melun, le maréchal Mor–
tier par ceJle de Mormant, afin de ne pas s'em–
barrasser en suivant le meme chemin.
Le Icndemain 28, ils vinrcnt couchcr
a
Ja
méme hauteur, l'un
a
l\fe)un, l'autrc
a
l\formant.
Le 29, ils se réunirent, et passerent la
l\llarne
au
point ou elle se jette dans la Seine, c'est-a-dire
au pont de Charenton. Les cleux maréchaux alle–
r ent prendre les ordres de Joseph et de la Ré–
gente relativement
a
la défense de Ja capita]e.
De son coté, le général Compans, rccueillant
sur son chemin les troupes en retraite, cclles du
général Vincent qui avaient occupé Chateau–
Thierry, celles du général Charpentier qui
avaient occupé Soissons, et qui revenaient les
unes et les autres poussées par Jes masses de la
coalition, fit halle
a
Meaux, en <létruisit les
ponts, en noya ]es poudres, et se replia par
Claye et Bondy sur Paris.
Les deux armées de Silésie et de Boheme,
parvenues au bord de la .Marne, avaient
a
pren–
dre leurs dispositions pour se présenter devant
París. Cette grande capitale, connue du monde
cntier, est, comme on sait, située au-dessous du
confluent de la Marnc avec la Seine (voir ·la
carte nº 62), et c'est sa partie la plus considé–
rable, la plus pcuplée, qui s'offl]e
a
l'ennemi
venant du nord-est. Elle n'avait d'autre protec–
tion, a l'époque dont nous racontons l'histoire,
c¡ue les hauteurs de Romaínville, de Saint-Chau–
mont et de l\fontillartre. 11 fallait done que les
alliés franchissent la I\Jarne en masse pour venir
forccr nos dernieres défenses, et venger vingt
années d'humiliations. Ils passerent cette riviere
au-dessus et au-dessous de Meaux, et se distrí–
buerent comme
il
suit dans leur marche sur
París.
D'abord ils mirent de garde
a
Meaux les corps
de Sacken et de Wrede pour y couvrir leurs
derrieres contre une attaque inopinée, précau -
tion toute naturelle quand on avait Jaissé Napo–
léon
a
Saint-Dízier. Blucher, avec les corps de
Kleist et d'York
confondus ~
en un seul, avec le
corps de 'Voronzoff (précédemment Wintzinge–
r ode), avec eelui de Langeron, comprenant
90 mille hommes
a
eux quatre, dut se portcr
plus
a
droite et gagner la route de Soissons,
pour s'acheminer par le Bourget sur Saint-Denis
et l\fontmartre. (Voir la carte n° 62.) On avait
confié au corps de Bulow le soin de s'emparer
de Soissons. Le prince de Schwarzenberg, avec
le corps de Rajeífsky (précédemment Witt–
genstein) et les réserves, s'élevant en tout
a
50 mille hommes , dut venir par la route de
Mcaux, Claye et Bondy sur Pantin, la Villettc et
les hauteurs de Romainvi'lle. Le prince royal de
'Vurtembcrg, avec son corps et celui de Giulay,
forts de 30 mille hommes environ, dut venir par
Chelles, Nogent-sur-1\Iarne et Vincennes, sur
l\Ionlreuil·etCharonne. Les trois colonnes avaient
ordrc de se trouver le 29 au soir devant París,
afin d'et·re en mesure d'attaqucr le 50. Elles se
rnirent en effet en marche pour arriver au jour
convenu sous les murs de la grande capitnlc,
vieil objet de leur haine et de leur ambition.
On devine, sans qu'il soit nécessaire de le díre,
les émotions <lont Ja population parisienne était
agitée. Enfin, il n'y avait plus a en douter, les ar–
mées réunies de la coalition avaient pris la résolu–
tion de marcher sur Paris. Napoléon, soitnécessité,
soit combinaison qu'on ne savait comment expli–
quer , était en ce moment éloigné de sa capitale,
et se trouvait dans l'impossibilité de la protéger .
A l'exception de quelques h ommes nveuglés par
l'esprit de partí, la masse des habitants était
saisie de douleur, et elle aurait souhaité un dé-