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LIVRE CINQUANTE-TROISIE.l\JE.

Le Conseil fu

t

réuni dans la soirée du 28 mars

sous la présidence de l'Impératrice. U se com–

posait de Joseph, des grands dignitaires Camba–

céres, Lebrun, Talleyrand, des ministres, et des

présidents du Sénat, du Corps législatif, du

Conseil d'État.

Apeine était·on rassemblé aux Tuileries qu'a–

vec la permission de la Régen le le ministre de la

guerre prit la parole, et exposa la situation en

termes

t~istes

et étudiés. II dit qu'on avait pour

unique ressource les corps fort réduits des ma–

réchaux Mortier et l\farmont, quelques troupes

rentrées sous le général Compans , quclqu cs

bataillons péniblement tirés des dépots, une

garde nationale de douze mille bommes dont une

partie seulement avait des fusils, un peuple dis–

posé

a

se batlre, mais désarmé, quelques palis–

sades aux portes de la ville sans aucun ouvragc

défensifs ur les hauteurs, en un xnot vingt·cinq

mille hommes environ, dénués des sccours de

l'art, obligés de tenir tete

a

deux cent mille sol–

dats agucrris et pourvus d'un immense matériel.

Il accompagna cet exposé des expressions du

dévouement le plus absolu

a

la famille impé–

riale, et conclut au départ immédiat de l'Impé–

ratrice et du Roí de Rome qu'il fallait, selon luí ,

envoyer tout de suite sur la Loirc, hors des

atteintes de l'ennemi.

M. Boulay (de la Meurthe), impatient d'émet–

tre son avis en GCOutant le ministre de la guerrc,

s'élcva vivement contre une pareille propositioo,

et en développa avec véhémence les inconvé–

nients faciles

a

saisir au premier

aper~u.

11 dit

que ce serait

a

Ja

fois abandonner et désespérer

la capitale, qui voyait une sorte d'égide dans la

fille et le petit-fils de l'empereur d'Autriche,

qu'en paraissant ne songer qu'a son propresalut,

ce serait inviter chacun

a

suivre cet exemple;

que des lors on pouvait regarder la défense de

Paris comme impossiblc, ses portes comme ou–

vertes d'avance

a

l'ennemi, et que par ce départ

du gouvernement on aurait créé soi-meme le

vide qu'un parti hostile, soutenu par l'étranger,

remplirait en proclamant les Bourbons, ainsi

qu'on venait de le voir

a

Bordeaux. M. Boulay

(de la Meurthe), apres

~voir

développé ces idées,

proposa de faire jouer a Marie-Louise le role de

son illustre a'ieule Marie-Thérese, de la conduire

a

l'hótel de ville avec son fils dans ses bras, et

de faire appel au peuple de Paris, qui four–

nirait au besoin cent mille soldats pour la

défendre.

Cet avis, auquel il n'y aurait pas eu d'objec-

tion

a

opposer,

"Si

on avait eu cent mille fusils

a

donner au peuple de Paris, et si le gouvernement

impérial avait voulu les lui confier, eet avis fut

approuvé par la majorité, notamment par le mi–

nistre de la police, due de Rovigo, et par le vieux

duc de Massa , qui, malgré son age et le délabre–

ment de sa santé, soutint avec éloquence et

presque avec jeunesse l'opinion contrajre au

départ. Le sage et froid duc de Cadore trouva

lui-meme une sorte de chaleur pour appuyer

l'avis de resler

a

París et de s'y défendre énergi–

quemen t. Au milieu de cette sorte d'unanimité,

Joseph paraissant approuver ceux qui combat–

taient la propositiou de quitter Paris, se taisait

pourtant, comme paralysé par une puíssance

inconnue. Le prince Cambacéres, courbé sous le

poids de ses chagrins, se tatsait également.

L'Impératrice, vivement agitée, demandait du

regard un conseil

a.·

tous les assistants.

M. de Talleyrand, avec l'autorité attachéc

a

son nom, prit

a

son tour la parole, et exprima

une opinion vraiment surprenante pour ceux

qui auraient connu ses relations secretes. Avec

cetle gravité lenle, gracieuse et dédaigneuse

it

la fois, qui caractérisait sa maniere de parlcr, il

émit un avis profondément politique, tel qu'il

aurait pu l'émettre s'il avait été entierement

dévoué aux Bonaparte. 11 s'étendit peu sur l'en–

thousiasme qu'on pourrait provoquer

cu

allant

a

l'hótel de ville avec l'Impératrice et le Roi

de Rome, car son esprit n'ajoutait guere foi

a

ce

genre de ressourccs, mais il insista sur le danger

de laisser París vacant. Évacuer la capitale c'é–

tait, selon lui, la livrer aux entreprises qu'un

partí ennemi ne manquerait pas d'y tenter

a

la

prerniere apparition des armées coalisées. Ce

partí ennemi que chacun connaissait, était celui

des Bourbons. La coalition, dont il avait toute la

foveur, approchait. Abandonner Paris, en faire

partir Marie-Louise, c'était débarrasser la coali–

tion de toutes les difficultés qu'elle pouvait ren–

contrer pour opérer une révolution. Telle fut,

non daos les termes, mais quant au sens, l'opinion ·

exprirnée par M. de Talleyrand, et

il

était sin–

gulier d'entendre l'homme qui devait etre le

principal auteur de la prochaine révolution, la

décrire si parfaitement

a

!'avance.

Les gens sans finesse, et qui justement parce

qu'ils n'en ont pasen supposent partout, crurent

dans le mornent, et répéterent que

l\'1.

de Talley–

rand avait soutenu cet avis pour qu'on en suivit

un autre. Ils commettaient la une erreur puérile.

M. de 'falleyrand, consulté

a

l'improviste, avait