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PRE!\11ERE ABDICATION. -

DIARS

18i4.

485

fenseur quel qu'il füt. Le désir d'ctre débarrassé

du gouvernement de Napoléon n'était rien au–

pres de la crainte d'un assaut, et des horreurs

qui pouvaient s'ensuivre. La garde nationale,

tirée exclusivement de Ja classe moyenne, et ré–

duite

a

12 mille hommes, n'avait pas 5 mille

fusils. Une partie avait des piques qui la ren–

daient ridie\.lle. Le peuple, quoique ennemi de

la conscription et des droits réunis, frémissait a

la vue de l'étranger, et aurait volontiers pris les

armes, si on avait pu lui en donner, et si on

avait voululcs lui confier. 11 errait, oisif, inquiet,

mécontent, daos les faubourgs et sur les boulc–

vards. Aux barrieres se prcssait une foule de

campagnards poussant <levant eux Jeur bétail, et

emportant sur des charrettes ce qu'il avaient pu

sauver de leur modeste mobilier. On n'avait pas

meme songé

a

les dispenser de l'octroi , et quel–

ques-uns étaient obligés de :vendre

a

vil prix une

portion de ce qu'ils apportaient pour acheter le

droitd'abriter le reste da ns Ja capi tale. Les malheu–

reux aussitót entrés allaient encombrer les boule–

vards et les places publiques, et, apres s'etre fait

avec leurs charrettes et leur bétail une espece de

campement, couraient c;a et la, demandant des

nouvelles, les colportant, les exagérant, et gémis–

sant au bruit du canon qui annonc;ait le ravage

de leurs propriétés. Au-dessus de ce peuple si

divers, si confus, si troublé, flottait daos une

sorte de désolation le plus étrange gouverne–

ment du monde. L'Impératrice Régente vive–

ment alarmée pour elle-meme et pour son fils,

eraignant a la fois les soldats de son pere et le

peuple au milieu duquel elle était venue régner,

ne trouvant plus aupres de Cambacéres, frappé

de stupeur, les directions qu'elle était habituée

a en recevoir, se défiant

a

tort de Joseph, doux

et affectueux pour elle, mais signalé a ses yeux

comme un jaloux de l'Empereur, ne sachant des

lors ou ehercher un conseil, un appui, avait été

jetée par

le

bruit du canon daos un état de

trouble extreme. Joseph, que Je canon n'effrayait

point, mais qui, a la vue des trónes de sa famille

tombant les

UDS

apres Jes autres, COIDIDCDc;ait

a

désespérer de celui de France, Joseph, qui sous

les coups d'éperon de l'Empereur, s'était un mo–

ment melé de l'organisation des troupes' mais

sans y ríen entendre, n'avait ni le savoir, ni

l'activité, ni l'autorité nécessaires pour s'em–

parer fortoment des éléments de ré istance exis–

tant eneore dans París. Le ministre de Ja guerre,

Clarke, duc de Feltre, laboricux, mais incapahle,

faible, tres-pres d'etre infidclc, prenant le coutrc-

pied de tous les avis du duc de Rovigo qu'jl dé–

teslait, était

a

peine en état d'exécuter la moitié

des ordres de l'Empereur, lesquels du reste se

rapportaient exclusivement

a

l'armée active. Le

duc de Rovigo , iutelligent, brave, mais décrié

comme l'instrument d'une tyrannie perdue, n'é–

tait écouté de personne. Les autres ministres,

hommes puremcnt spéciaux, ne sortaient pas du

cercle de leurs fonctions, et se bornaient, dans

les circonslances présentes,

a

partager la conster–

nation générale. Enfin le seul homme eapable,

non pas de créer des ressources, car jamais il ne

s'était occupé d'administration, mnis de donner

de boos avis en fait de conduite,

l\J.

de Talley–

rand, souriait des embc.rras de tous ces person–

nages, se moquait d'eux, et leur payait en mé–

pris la défiance qu'il leur inspirait. Tel était

l'assemblage confus de princes et de ministres

qui en ce moment était chargé du salut de la

France

!

Ainsi se retrouvaient partout les tristes

conséquences de la politique de conquete : des

ou rages magnifiques, des armes, des soldats

a

Dantzig,

a

Hambourg,

a

Fléssingue,

a

Palma–

Nova,

a

Venise,

a

Alexandrie, et

a

Paris rien,

rien

!

ni une redoute, ni un soldat, ni un fu sil,

pas meme un gouvernement, et pour toute res–

sourcc, pour diriger l'énergie du plus brave

peuple de l'univers, une femme éplorée, et des

freres, non pas saos courage, mais sans autorité,

parce que tout dans l'État avait été réduit

a

un

homme, et qu e, cet homme absent, la pensée, la

volonté, l'action semblaient s'évanouir au sein

de Ja France paralysée

!

Lorsque le 28 mars on eonnut la prochaine

arrivée des maréchaux, et qu'on ne put conser–

ver aucun doute sur l'approche de l'ennemi,

Josepb, qui était dépositaire des instructions de

Napoléon, soit écrites, soit verbales, relativement

a

ce qu'il faudrait faire de l'Impératrice et du

Roi du Rome en eas d'une attaque contre Paris,

Josepb en

fit

part

a

l'Impératrice,

a

l'archichan~

celier Cambacéres, au ministre Clarke, et il

n'entra daos la pensée d'aucun d'eux de déso–

béir, bien qu'il s'élevat daos ]'esprit de Joseph et

de Cambacéres beaucoup d'objections contre la

me ure prescrite. L'Impératrice, quant

a

elle,

était prete

a

partir, a rester, selon ce qu'on lui

dirait de · volontés de son époux. 11 fut convenu

qu'on a semblerait sur-le-champ le Conseil de

régence, pour lui soumeltre la question, et pro–

voquer de sa part une résolution conforme aux

in ten tion de

N~poléon,

expressément et itérati–

vcm nt cxprimées.