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LIVRE CINQUANTE ..
'fROISIEME.
masses de la coalition , désormais réuuies, se
mirent en mouvement, l'armée de Blucher par
la droite, l'armée de Schwarzenberg par la gau–
cbe, l'uneet l'autresedirigeantsur la Fere-Cham–
penoise, route de París entre la Marne et la Seine.
Dans cctte direction, il était impossible qu'on
ne rcncontrat pas beaucoup de corps, malheu–
reusemcnt désunis, qui avaient ordre et désir de
rejoindre Napoléon. Les principaux étaient les
corps des maréchaux Mortier et l\farmont, laissés
en obser'va_tion devant Blucber, et le grand con–
voi de renforts et de matériel cnvoyé sur Sézanne
pour y recevoir l'escortc du général Pacthod.
Voici, jusqu'au 25 mars au matin, ce qui étai t
avenu des uns et des autres.
Napoléon, en quittan t Reims, avait laissé le
maréchal l\Iortier
a
Reims meme pour y servir
d'appui au maréchal l\farmont qui défendait le
pont de l'Aisne
a
Berry-au-Bac, tandis que le gé–
néral Charpenticr avec quelques débris défendait
a
Soissons le deuxieme pont de l'Aisne. Lorsque
Blucher, apres avoir perdu six ou sept jours en
vaines délibérations
a
Laon, voulut marcher sur
l'Aisnc, il trouva le pont de Berry-au-Bac trop
bien gardé pour essayer de l'emporter de VÍ\Te
force. 11 envoya un fort détachemcnt a quelques
licues au-dessus,
a
Neufchatel, ou le passage
était facile , tandis qu'il faisait un simulacre de
passage au-dessous,
a
Pontavert. Des que le dé–
tachement qui avait franchi l'Aisne a Neufcba–
tel fut dcsccndu
a
la bauteur de Berry-au-Bac,
Blucher s'avarn;a le 18 sur ce dernier pont pour
l'attaquer. l\'lais le maréchal l\farmont l'avait
miné, et une aífreuse explosion le
fit
voler dans
les airs sous les yeux de l'armée prussienne .
Marmont se retira alors par Roucy sur Fismcs.
Ce fut une faute et une cause de grands malheurs.
Ce qu'il y aurait eu de plus naturel pour le
marécbal l\farmont, c'eut été de se retirer sur sa
réserve, c'est-a-dire sur le maréchal l\fortier qui
était a Reims. Il est vrai queNapoléon avaitdonné
la double instruction de couvrir París et de se
tenir en communication avec lui. Mais si Fismes
était sur la route de Paris, Reims était aussi,
et on avait l'avantage, en s'y rendant, de réunir
ses forces et de rester en communication immé–
diate avec Napoléo n. 11 fallait done se rendre a
Reims et non
a
Fismes, car en marchant vers
Fismes on s'exposait presque certainement a
etre coupé de Napoléon, ce qui était contraire
a
une moitié de ses ordres, et pouvait amener,
comme on va le voir, de funestes conséquences.
Le marécbal Marmont, probablement influencé
par la vue des corps ennemis qui avaient passé
l'Aisne
a
Neufchatel , et qui étaient d.irigés con–
tre sa droite, se porla instinctivement a gauche,
et c'est par ce rnotif lout macbinal qu'il se replia
sur Fisrnes. Arrivé en cet endroit,
il
se sentit
isolé, et appela
a
luí le maréchal Mortier. Celui–
ci, modeste, nullemcn t jaloux, sachant que le
maréchal Marmont avait plus d'esprit que lui et
oubliant qu'il n'avait pas autant de bon sens, se
fit
un devoir de déférer aux avis de son collegue,
partit le 19 de Reims, et vint le joindre a Fismes,
ce qui prouve que les deux maréchaux auraient
pu se rendre d'abord
a
Reims , sans etre pour
cela coupés de la route de Paris. lis avaient en–
viron 1 5 mille hommes
a
eux deux.
Ils resterent en position sur une hauteur dite
de Saint-Martin jusqu'au lendernain 20 mars au
soir, tant l'ennemi était peu insistant, et tant
il
cut été possible, dans ces premiers jours, de ma–
noouvrer commc on aurait voulu entre Paris et
Napoléon. Le 20, au soir, on re<;ut des dépeches
de Napoléon, écrites de Plancy au moment ou il
partait pour Arcis, qui blamaient le mouvement
sur Fismes, comme séparant les maréchaux de
lui, et prescrivaient de le rejoindre par la route
jugée Ja plus courte et la plus sure. Revenir sur
Reims n'était plus possible, car l'ennemi avait
profité de notre retraite pour l'occuper . De Fis–
mes
a
Épernay, ce qui eUt éLé la route la plus
directe pour se· réunir a Napoléon,
il
n'y avai t
pas de chcmins propres
a
l'artillerie. (Voir
la
carte nº 62.) Il Mlait done descendre sur Cba–
tean-Thierry pour
y
passer la Marne, puis re–
monter entre la lVIarne et la Seine par la route de
l\fontmirail , en perdant deux jours, et en s'expo–
sant a beaucoup de rencontres facheuses. Comme
il n'y avait pas de choix, les deux maréchaux
partirent le soir meme du 20, et arriverent le 21
a
Cbateau-Tbierry. Ils,y rétablirent le passage
de la Marne, et le lendemain 22 ils se porterent
sur Champaubert par deux voies différentes, afin
ne pas s'embarrasser l'un l'autre en suivant le
mcme chcmin. Ils y arriverent dans la soirée.
Le 25, ils se rendirent a Bergeres, et commen–
cerent
a
découvrir les partis ennemis. Alors ils
ne purent plus rnarcher qu'en tatonnant. Ils ap–
prirent la que Napoléon avait eu a Arcis une
affaire sanglan te, qu'il avait repassé
l'
Aube, et.
s'était reporté sur la Marne, aux environs de
Vitry. Le chercher daos cette direction, et tacber
d'arriver jusqu'a lui , était le devoir des maré–
chaux, quelque grand que fUt le péril. En con–
séquence ils résolurent de s'avancer jusqu'a