PREl\IIERE ABDICATJON. -
FtVRIER
mu.
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En conséquencc, lord Castlercagh imagina une
alliancc solennelle entre l'Angleterre, la Russie,
l'Autriche et la Prusse, par laquelle chacune de
ces puissances s'engagerait
a
fournir un contin–
gent permanent de
rno
mille hommes, jusqu'a
ce que la guerre actuelle fUt terminée confor –
mément
a
Jeurs désirs. Les 600 rnille hommes
que ce concours de chacun devait mettre a la
disposition de Ja ligue, étaient indépendants de
tout ce qu'on exigerait des puissances secon–
daires, et devaient par celles-ci etre portés a
800 mille hommes. L'Angleterre ne pouvant pas
cependant fournir
t
50 mille hommes de ses
propres troupes, s'obligeait
a
les donner en
troupes
a
sa solde. Elle en avait déja pres de
J
00 mille en Espagne, y compris les Anglais, les
Portugais, les Espagnols, et
il
luí était facile
avec les Hanovriens, les Allemands de toute ori–
gine, les Hollandais, de réunir un nouveau con–
tingent de 50 mille hommes.
Elle aurait ainsi, indépendamment de son
role maritime, un róle continental presque égal
a
celui de chacune des trois grandes puissances
du continent. Elle y pouvait ajouter-une influence
que seule elle était capable d'exercer, celle de
la richesse, et lord Castlereagh prit sur lui d'of–
frir pour toute la durée de Ja.guerre un subsi<le
annuel de
~
millions de Ji vres sterling
{HSO
mil–
lions de francs), a partager par tiers entre la
Russie, la Prusse et l'Autriche. C'était de Ja part
de l'Angleterre un doublc concours a l'reuvre
commune, triple meme en eomptant sa marine,
qui devait Jui assurer sur toutes les autres puis–
sauees une supériorité décisive, et lui donner la
certitude que les arrangements de la future paix
n'auraient d'autre base que ses désirs.
Moyennant ces stipulations on devait se pro–
mettre les uns aux autres de n'écouter aueune
proposition particuliere, et de ne traiter qu'en
commun avec l'ennemi commun, d'apres des
conditions arretées entre tous. Lord Castlercagh,
voulant en outre pourvoir
~
!'avenir, et enchai–
ner les puissances
a
l'reuvre qu'elles auraient
accomplie,
eon~ut
la pensée de les lier pour
vingt années au dela de la paix prochaine.
Chacune d'elles en effet deYait, la guerre termi–
minée, tenir 60 mille hommes (total 240 mille)
au service de celui des alliés que la France es–
sayerait d'attaq_uer, si, la paix conclue, elle re-
" nouvelait ses agressions eontre ses voisins. C'était
un ·moyen de garantir l'existence des deux
royaumes dont l'Angleterre désirait ardemment
la création, celui des Pays-Bas parce qu'il nous
CONSULAT.
5.
ótait Anvers, celui du Piémont parce qu'il nous
otait Genes.
,
ll y avait meme une idée qui commeni;ait a
germer parmi les diplomates de la coalition,
c'était non-seulement de donner des possessions
sur la gauche du Rhin a la maison d'Orange,
mais d'en donner aussi
a
la
Prussc, afin de la
placer en état perpétuel de jalousie
a
l'égard de
la France. Cette idée s'était offerte des 1805
a
}'esprit de M. Pitt, et recueillie depuis par lord
Castlereagh, elle paraissait un accessoire impor–
tant du nouveau royaume qu'on voulait créer
en réunissant la Belgique
a
la Hollande. Agréa–
ble
a
la Prusse, que cependant elle compromet–
tait envers nous, cette combinaison n'avait pas
de contradiction bien grande
a
craindre, car,
écraser la France, l'enfermer dans un cercle de
fer apres l'avoir écrasée, était alors le vreu, l'es–
pérance, la joie de tout le monde. l\'Iais c'était
aussi pour chacun l'occasion d'cxiger la satisfac–
tion de ses intérets particuliers. Ainsi la Russie,
par exemple, demandait pour prix des arrange–
gements auxquels elle se preterait, que la Hol–
lande la tint quitte des emprunts contractés
a
Amsterdam. L'Angleterre, comme on l'a déja
vu, pour cornpléter son ouvrage, voulait marier
la princesse Charlotte, héritiere de la couronne,
avec le fils du prince d'Orange, et placer en
quelque sorte sous un meme sceptre, outre les
trois royaumes britanniques, la nouvelle monar–
chie des Pays-Bas.
En imposant
a
l'Anglelerre des charges énor–
mes, le nouveau traité luí procurait de si grands
avantages, que le hardi ministre n'avait pas
hésité
a
le proposer, et
a
s'y attacher comme
a
son reuvre essentielle. En conséquence, lord
Castlereagh en présenta le projet aux puissan–
ces avec lesquelles
il
gouvernait les affaires de
l'Europe.
Proclarner une nouvelle alliance pour toute la
durée de Ja guerre, et valable cncore vingt ans
apres la paix, afin de maintenir le nouvel édifice
européen qu'on aurait créé, devait convenir
a
tous les contractants, car memela paix conclue,
on ne cessait pas de craindre les cntreprises
que Ja Frauce pourrait faire ultérieurement. Les
propositions de lord Castlereagh furent done
accueillies et signées
a
Chaumont le
1ermars.Cefut la le fameux traité de Chaumont, qui a serví
de fondement
a
la Sainte-Alliance, et qui, pen–
dant pres de quarante années, a dominé la poli–
tique curopéenne, jusqu'au jour ou l'Europe
s'est enfin aperi;ue qu'il y avait ailleurs qu'en
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