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LIVRE CINQUANTE-TROISIEl\fE.
cultés avec le prince royal de Suede. Sur cette
déclaration les inccrtitudes cesserent, et il
fut
décidé que Blucher recevrait l'adj.onction de
Wintzingerode et de Bulow, et pourrait se
mouvoir cutre la Seine et la :Marne de Ja maniere
qu'il croirait la plus conforme
a
l'intérct général
des opérations. Alexandre rcnvoya les émissnires
de Blucher pleins de joie, et du reste en lcur
racontant ce qui s'était passé, exagéra beaucoup
ce que le partí des impatients lui devait en cclte
circonstance.
Quels moycns avnit done lord CasLlercagh
pour tout nrranger ainsi de sa seulc autorilé?
Nous allons Je <lire en peu de mots. D'abord il
avait un esprit simple et net qui le portait
i.\
ad–
metlrc sans hésitcr les choses 11écessaircs. En–
suile
il
tenait dans ses mains la puis anee des
subsides , et c'élait une grande puissaoce dans la
circonstance préscnte, vu que la Suede n'était
pas assez riche pour payer son armée. Avoir ou
n'avoir pas vingt-cinq millions , e'était pour Ber–
nadoLte a\.oir ou n'avoir pas d'armée suédoise.
De plus, la Suede entouréc de tous cótés par la
marine anglaisc, ne pouvait pas se permettre
une fausse démarche impunément. Enfin, lord
Castlcreagh possédai
t
le moyen de consoler l'or–
gueil du prince de Sucde. On avait levé en Ha–
novre et pris
a
la
solde de l'Angleterre un corps
d'Allemands , tirés des divcrses principautés
soustrailes au joug de la France, et s'élevanL
a
2o
mille hommes commandés par le général
Walmoden.
11
y avait en Hollandc 7
a
8 millc
Anglais sous le général Grabam. Le prince
d'Orange s'occupait
a
rcconstituer l'armée hol–
landaise, et avait déja réuni
'10
a 12 mille
hommes qui devaient recevoir aussi leur part des
subsidcs britanniques. Toutcs ces troupes, lord
Castlereagb n'avait qu'a dirc un mot pour les
altribuer
a
tel ou te) général. Il décida qu'clle
seraient placées sous les ordrcs du prince de
Suede, qui réunirait ainsi sous son autorilé,
outre les Sué<lois et meme les Danois auxquels
on venait <l'arracher leur soumission, les Alle–
mands, les Anglais, les Hollandais, le prince
<l'Orange compris. Ces commandernenLs variés
allaient lui donn cr dans le Nord une apparence
de roi des rois, qui devait le satisfaire , et le dé–
dommngcr des forces qu'on lui fa isait perdre.
On luí manda ces dispositions, et on envoya
aux corps de Bulow et de Wintzingerocle l'ordrc
immédiat de se ranger sous le commandement
du maréchal Blucher.
Lord Castlereagh pril occasion de ce qui se
passait en ce moment, pour rendrc a la coalitic:>n
un nouveau service non moins signalé que le
précédent. On sentait vivement le besoin de
l'union parmi les alliés, et on craignait
a
chaque
iostant que la coalition actuelle ne vint
a
se dis–
soudre comme toules celles qui depuis vingt an–
nées avaicnt succombé sous l'épée de Napoléon.
On tremblait
a
cette seule pensée , car, si on
commettait la faute de se diviscr, le tyran de
l'Europe, ainsi qu'on appelait l'Empereur des
Fran<¡ais, redevenu aussi puissant, et en oulre
plus mal disposé quejamais, ferait peser sur lous
les souverains un joug accablant. Bien qu'on
éprouvat cette crainte au plus haut degré, et
qu'elle fUt assez fondée, elle n'empechait dans le
camp des alliés ni les mauvais propos, ni les
mauvais officcs, ni souven t des scenesintérieures
extrcmement vives. Les récentcs lettres de Na–
poléon
a
l'empcrcur Frarn;ois et au prince de
Schwarzenberg, don t le cabinet autrichien avait
cu l'habileté de ne pas fairc un rnystere, avaient
r edoublé
~es
appréhensions, et quoique la fidé–
lité autrichiennc ne parut poiQ.tgébranlée, on
voula it autant que possible ressc1Pcr les liens de
la coalition, et de plus bien convaincrc Napoléon
que sa profonde astuce, pas plus que sa redou–
table épée, ne parvicndraient
a
les briscr.
Lord Castlereagb soogeait done
a
quelque
moycn éclatant de consacrer et de proclamer
coco..re une fois l'union des puissaoces coalisées.
Il s'offrait pour cela une occasion,
a
la fois natu–
rclle et opporlune, c'était la conclusion des nou–
veaux arraogements financiers que les trois
puissances continentales sollicitaient depuis
qu'on s'était décidé
a
portcr la guerre au dela
du Rhin, et pour lesquels le comle Pozzo avait
été envoyé a Londres. On pouvait
a
propos de.
ces arrangements se Iier les uns aux nutres en–
core plus étroitement que par le passé, stipuler
dans quelles vucs , pour quel temps, dans quelle
proportion, chacun contribuerait
a
Ja lultc com–
mune, et meme la lutte_ fini e, quelle nature
d'alliance on formcrait pour en maintenir
les
résultats. C'est d'apres ces données que lord
Castlereagh con<¡ut et
fit
rédigcr un nouveau
traité, qu'il résolut de proposcr
a
la sigoature
<les cours alliées. Ce traité,_outrc le
Jrnt
généyl
de cimenter l'union des puissanccs, avait
u~
but particulier a l'Ángleterre, c'était d'agrandir
singulierement son role continental, et de se
procurer ainsi le moyen certain de faire préva–
loir les diverses créations qui lui tenaient si fort
a creur.