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LIVRE CINQUANTE-TROISIEJ.\JE.
ses yeux perdre tous les avantages acquis, la
fortune, comme il le croyait, étant alors pro–
noncée pour lui.
M. de Flahaut partit de Troyes le 24, jour
meme ou Napoléon y enlrait , se rendit au vil–
lage de Lusigny, situé
a
trois licues au dela, y
trouva MM. de Schouvaloff pour la Russie, de
Rauch pour la Prusse, et de Langenau pour
l'Autriche. En ce moment le maréebal Oudinot,
poussant l'arriere-gardc enncmie sur Vandreu–
vres, eriblait de halles le lieu meme ou allaient
se réunir les négociateurs. Sur la demande de
M. de Flahaut,
il
fit
porter ailleurs le combat, et
le villnge de Lusigny fut neutralisé.
~
Les envoyés des puissances alliées paraissaient
désirer une prompte solution; M. de Flahaut
énonc;a done sans différcr les conditions dont
il
était porteur, et il proposa deux cboses, pre–
mieremenl la cont.inuation des hosLilités pendant
les pourparlers, et secondemeut l'insertion d'un
préambule qui eonsacrerait les bases de Franc–
fort. Ces deux points n'étaient pas de nature
a
plaire aux commissaires ennemis, car le premier
ótait
a
I'armistiee son principal intéret,
et
le
second lui donnait une portée c9ntraire
a
tous
les desseins de la coalition. Visiblement mécon–
tents, les trois commissaires répondireut qu'ils
n'avaien't aucun pouvoir pour toucher aux ques–
tions diplomatiques. Suspendre momentanément
les hostilités, et fixer la limite temporaire sur
laquelle s'arrcteraient les armées belligérantes,
eonstituait, dirent-ils, leur unique missíon. Ils
voulaient partir sur-le-champ, mais
1\1.
de Fla–
haut les retint, en les erigageant
a
demander de
nouvelles instructions, et en promcLtant d'en
demander lui-meme. Ils consentirent
a
rester
a
Luisgny,
a
eondition ·qu'on écrirait immédiatc–
ment aux deux quartiers généraux pour récla–
mer ces nouvelles instructions.
Napoléon, bien qu'il fllt fermement résolu
a
ne pas se désister des frontieres natureUes, .et
que dans cette vue
il
ne vo uhit pas inte:rrompre
le eours
de
ses sucees
a
moins d'etre assur é des
bases de Francfort, n'était pas indifférent toute-
- fois
a
l'avantage de eonclure un armistice, qui
équivaudrait
a
la signature des préliminaires de
paix, et qui amenerait un apaisement momen–
tané des vives passions soulevées contre lui. Il
renonc;a done
a
ce préambule, qu'il était diffi–
cile d'insérer dans un simple armistice, et il
consentit
a
la continuation des pourparlers, s'il
pouvait par un détour revenir
a
son but. Ainsi,·:
par exemple, si en .déterminant les limites qui
dcvaient séparer les armées,
il
obtenait que les
coalisés lui laissassent Anvers du cóté des Pays–
Bas, Chambéry du coté de la Savoie, il Lirerait
de cette concession une présomption des plus
fortes pour le reglement définitif des frontieres.
En conséquence
il
autorisa M. de Flahaut
a
poursuivre la négociation entamée
a
Lusigny,
sans que
la
mention des bases de Francfort dans
Je préambule fUt accordée, muis a condition que
les armées ennemies rétrograderaient dans les
Pays-Bas jusqu'au dela d'Anvers, et qu'en Sa–
voie
elles
se tiendraient en dehors de Chambéry
dont elles étaient_fort rapprochées. Si les . com–
missaires ennemis acceptaiei:it cette ligne de
démarcation , c'était une présomption en favcur
des fronticres naturelles, qui sans équivaloir
a
Ja mention des bases de Francfort, en était pour
ainsi dire l'acceptation de fait.
C'est d'apres
ces
données que M. de Flahaut
dut continuer
a
parlementer a Lusigny. Le gé–
néral Langenau, tombé malade, avait été rem–
placé par le) général Ducca, porteur des.assu–
rances et des conseils les plus pacifiques de
l'empereur Franc;ois. Le nouveau parlementaire
était chargé d'insister secrctement aupres de
l\f.
de FlahaQt, pour que Napoléon ne s'obstinat
point
a
poursuivre la guerre' car l'occasion
actuelle était la derniere oú il pourrait, sous
l'influence de ses récents succés, traiter avanta–
geusement. Le eonseil était excellent, si moyen–
nant certains sacrifices on pouvait obtenir mieux
que les fronti eres de
17!:>0,
si par e;irnmple en
abandonnant Anvers et Bruxelles, on pouvait
conserver Mayence et Cologne. Mais .si cette
insistance signifiait qu'il fallait, pour sauver
la
·dynastie, abandonner toutes les acquisitions de ·
la France depuis
1790,
le conseil, bon de la
part d'un beau-pere, né valait rien ·pour Napo–
léon, et sa résolutioi;i de périr, meme·en fajsant
tuer encore.bien des.milliers d'hommes, conve–
nait mieux
a
sa gloire et aux véritables intérets
de la France.
.
·
.
D~ns
les conférences officielles, MM. de Schou–
valoff, de ;Raueh, Ducca déclarerent, comme
il
étai~
facile de le pr.évoir, qú'ils
é~aient
réunis
pour·
~ne
simple co:11ventipn militaire, que
t~ute
stip-vlation relative au fond des .cboses devaít
Ieur rester étrangere, .qu'ils .avaient rec;_u
fin-
.·s.truction ·fo¡melle de's'en absten_ir; qQe par con–
séquent le
préambu~e dem~mdé ét~it
inadmis-
sible.
. . . .
·
.
: .cétte déclal"atioñ ·n'a:yant pas provoqué de la
part de M. de Fiahaiii la r,upturé
des
.éonféreilces,