BRIENNE ET l\IONTl\IIRAIL. -
FtVRIER
1814.
42,1
et affirma, ce qui
étai~
vrai, que le comtc d'Ar–
tois avait été écarté du quarticrgénéral. Cctlc
déclaration
fit
a Napoléon plus de plaisir qu'il
n'en témoigna; il dit qu'il allait s'oecuper de la
proposition qu'on lui adrcssait, et qu'il répon–
drait de la ville meme de Troycs, dans laquelle
il prétendait cntrer immédiatement.
Son assurance, bonne
a
montrer aux Prussiens
et aux Russes, n'avait pas autant d'a-propos a
l'égard des Autrichiens, qui <lésiraient la paix, et
auxquels
il
fallait la laisser cspérer, pour les dis–
poscr
a
la modération dans les vucs, et au moins
a
l'hésitation dans les conseils.
Arrivé aux portes de Troyes, Napoléon y trouva
l'arriere-garde des coalisés décidée
}1
s'y défcndre,
et
mena~ant
meme de brlller la villc si on insis–
tait pour y cntrer tout de suite. Une telle me–
nace de la part des Russes avait quelque chose de
trop sérieux pour qu'on n'en tint pas comptc. Il
fut verbalement convenu que le lcndemain, 24,
les uns
sor~iraicnt
de Troyes, et que les autres y
entrcraient sans coup férir, ou du moins sans
aucun acte d'agression ou de résistance qui put
mettre la vil1e en péril. Le lendemain eífectivc–
ment, les dernieres troupes de la eoalition sor–
tircnt pacifiquement de Troyes, tandis que les
nótres y entrerent de meme, et Napoléon, qui
viogt jours auparavant avait traversé cette villc
presque en vaincu, }'esprit plein de presscnti–
ments sinistres, ne sachant s'il pourrait défendrc
Paris, et réduit
a
ordonner qu'on éloignat de 1a
capitale sa fcmme, son fils, son gouvernement,
son trésor, Napoléon reparaissait maintenant au
milieu de Troyes apres avoir mis avce une poi–
gnée d'hommes les armées de l'Europe en fuite,
et
il
voyait les eoalisés, nagucre si hautains, lui
demander sinon de déposer les armes, du moins
de les laisser reposer quclques jours dans le four–
reau
!
Étrangc changemént de fortune, qui prouve
tout ce qu'un homme de caractere et de génie,
en sachant persévérer a la guerre, pcut quelque–
fois faire sortir de chances imprévues et heu–
reuses d'une situation en apparence désespérée
!
Ce changement de fortune était-il assez décisif
pour qu'on
y
put compter? Doutc cruel , qu'il
appartenait
a
la prudence seule, unie au génio,
de convertir en certitude. 11 fallait en effet
a
l'égard des coalisés joindre
a
la victoire la plus
parfaite mesure, pour abattre la jactance des uns,
sans décourager la modération des autres, et
saisir, pour ainsi dire au vol, l'occasion d'une
transaction bien difficile
a
opércr entre les pru–
positions de Francfort et cellcs de Chatillon
r
La
était le probleme a résoudre. Napoléon malheu–
reusement se fiait trop au retour décidé de
la
fortune pour etre sage, et il est vrai qu'en ce mo–
ment
il
était fondé
a
l'espércr, en ne regardant
qu'a l'extérieur des choses. Que ne pouvons-nous
l'espércr nous-memes, et nous fairc illusion au
moins un instant dans ce triste récit des temps
passés, car en
1814
il
s'a¡;issaitnon d'un homme,
non d'un grand homme, qui est ce qu'il y a de
plus inléressant au monde apres la patrie, mais
de la Frunce,
a
qui on pouvait sauvcr encore la
moitíé de sa grandeur,
a
qui on pouvait conser–
vcr l\Iayence en sacrifiant Anvers
!
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