BRIENNE ET 1\IONTMIRAIL. -
FÉVRIER
t8U..
main le prince de Schwarzenberg corps
a
corps, et
de le terrasser. Ses sóldats croyaient de nouveau
a
leur supériorité, lui
a
sa fortune, et ils mar–
chaient tous avcc joie
a
la grande balaille qui
se p1·éparait. Napoléon résolut de se portcr le
lendemain, 25 février, sur Troyes.
Mais tandis qu'il r-echerchait cctte balaille,
son principal ad,·ersaire renonc;ait
a
la
livrer. Le
prince de Schwarzenberg était juslement effrayé
de se trouver en présence de Napoléon qu'il
croyait
a
la tele de forces considérables , et de
risquer en une joumée le sort de la coalition. On
Jui avait fait des rf-lpports exagérés sur le nom–
bre des troupes arrivécs d'Espagne , et quant
a
Jeur valeur,
iI
l'avait éprouvée au combat de
Nangis.
11
n'évaluait pas les forces de Napoléon
a
moins de
80
ou
90
millc hommes, exaltés par
la victoire et par une situation exf.rnordinaire.
Séparé de Blucher qu'il ne savait pas si pres,
il
était réduit
a
t
00
mille hommes, par suite des
combats qui avaient été livrés et des détache–
ments qu'il avait fallu faire. Ces
100
mille hom–
mes b'étaient pas aussi bien concentrés que les
80
mille attribués
a
Napoléon, et
il
ne lui parais–
sait pas sagc, lorsque avec
170
mille on avait été
tcnu en échcc
a
la Rothiere par
1>0
mille (c'était
le nombre qu'on supposaitfaussement
a
Napoléon
dans cette journée), d'en risqucr cent contre
quatre-vingt. Et puis si on était battu, on était
ramené d'un trait sur le Rhin, on perdait en un
jour le fruit des deux campagnes de
t812
et
de
t
815,
et on rendait l'oppresseur commun
plus exigeant, plus uppressif que jamais
!
Pour
les Russcs, pour les Prussiens que la passion
dominait, qui avaient beaucoup
a
gagner au
succes s'ils avaient heaucoup
ñ
perdre au rcvers,
il
pouvait
y
avoir des rnotifs de s'exposer ainsi
aux plus grands risques ; mais pour les Autri–
chiens qui couraicnt Ja chance de pcrdre en un
jour ce qu'ils avaient regagné en un an, ce que
Napoléon leur offrait sans combat, et
a
qui la
victoire ne promettait qu'unc augmentation de
prépondérance chez les Russes, en vérité
le
profit
h
lirer d'une lutte prolongée n'cn valait pas la
peine. La double lettre de Napoléon , tout en
ayant l'inconvénicnt de trop déceler l'intention
de diviser ses ennemis, n'avait pas laissé que de
les diviser un peu, en provoquant chez les Au–
trichiens ces réflexions bien naturelles. Une cir–
constancc inquiétantc s'ajoutait d'ailleurs
a
celles
que l'on faisait valoir en favcur d'une suspension
d'armes. Tandis qu'on avait rec;u la nouvelle
positive d'un puissant détacbement de l'arrnée
d'Espagne arrivé par Orléans
a
Paris, le bruit
d'un autre détachcment plus fort enéore, com–
mandé par le maréchal Suchct en personne, et
venu de Perpignan
a
Lyon, était également tres–
répandu , car
a
la gucrre, oú les impressions sont
extremement vives, on grossit les faits, meme
vrais, au point de les convertir bientót en mcn–
songes. Le comte de Bubna, placé entre Geneve
et Lyon , craignait d'avoir
1>0
a
60
mille hommes
sur les bras, demandait des secours immédiats,
et annonc;ait de grands malheurs si on ne défé–
rait pas
a
ses instances. Que deviendrait-on en
ell'et si une bataille était livrée et perdue en
Franche-Comté sur les derrieres des armées
alliées
?
Il
fallait dcinc, pour prévenir un si
facheux incident, détacher sans retard une ving–
taine de millc hommes au profit du comte de
Bubna, c'est-a-dire se réduirea
80
millehommes,
et demeurer ainsi en face de Napoléon avec des
forces
a
peine égales aux siennes, ce qui était la
plus gravé des imprudenccs. Restait,
il
cst vrai,
Blucher dont on ignorait la force présente, mais
dont on connaissait le caractcre, et dont l'indo–
cilité était telle, que malgré son zele, on ne
pouvait pas se flatter d'avoir
a
sa disposition les
40
ou
!50
mille hommes qu'il amenait peut-etre
avec lui.
Par ces raisons qui avaient leur valeur, le sage–
prince de Schwarzenberg était d'avis d'éviter
une bataillc générale, de rétrograder sur
Brienne, Bar-sur-Aube et Langrcs, d'y attendre
les renforts qui étaient annoncés, d'envoyer en
meme temps par Dijon une vingtaine de mille
hommes au comte de Bubna, et pour se garantir
pendant ce temps des attaques de Napoléon , de
répondre
a
sa double lettre en lui proposant un
armistice , armistice qui amenerait peut-etrc la
paix, ou, s'il ne l'amenait pas, donnerait le temps
d'assurer la victoire.
Ces raisons furent débattues lejour meme, 22,
dans un conseil tenu au quarLier général , en
préscnce des trois souverains, des généraux et
des ministres de
Ja
coalition. Alexandre, naguere
si bouillant, n'osait pas devenir tout
a
coup
l'apótrc de la temporisation, mais il montrait
moins de hauteur de sentiment et de langage.
Le partí ardent, quoique privé de Blucher et de
son état -major qui étaient
a
Méry, trouva ce–
pendat¡tt quelques organes, et il fut dit pour son
compte que rcculer était une faibles e dont
I'effet moral serait certainement funeste; que
dans la position ou l'on était placé
iI
fallait
vain cre ou périr; que par la réunion
a
l'armée