BRIENNE ET MONTMIRAIL. -
FtVRIER
1814.
autre division d'une dizaine de mille hommes.
Ne voulant pas toutefois découvrir Bordeaux,
a
cause de l'importance morale et politiquc de
cette ville,
il
s'était décidé
a
ne fairc cet cm–
prunt au maréchal Soult qu'a la dcrniere extré–
mité. Ses succes actuels lui donnaient licu d'es–
pérer qu'il n'y serait pas réduit.
.Les deux journées passées
a
l\fontcrcau, pen–
dant que les troupes marchaient, avaient été,
comme on le voit, fort utilcment employées.
Avant de partir, Napoléon crut dev.oir répondre
a
la lettre que l'aidc de camp du prince de
Schwarzenberg lui avait apportée.
11 venait enfin d'apprendre ce qui avait cu
Jieu
a
Cbatillon depuis la reprise des conférences.
Le
16
février on avait remis
a
M. de Caulain–
court une lettre particuliere de M. de l\Ietter–
nich, dans laquclle ce ministre l'informant des
efforts qu'il avait cu
a
faire pour surmonter la
mauvaise volonté des cours alliées, lui avouait
qu'il s'était serví pour y parvenir de sa lettre
confidentielle, et lui annorn;ait qu'a Ja condition
d'acceptcr formellcment les bases de Chatillon,
on pourrait tout de suite arreter le
cou.rsdes
hostilités.
l\'I.
de Metternich en finissant enga–
geait tres-instamment M. de Caulaincourt a sai–
sir cette occasion de conclure la paix, car elle
serait, disait-il, Ja derniere. Le lendemain
17
les plénipotcntiaires s'étaient réunis, avaient
déclaré qu'ils reprenaient les conférences, mais
uniqucment sur l'affirmation positive du plé–
nipotentiafre franc;ais qu'il était pret
a
se sou–
mettre aux conditions proposées dans la der–
niere séance. lis avaient présenté ensuitc une
série d'articles préliminaires plus insultants cn–
core, s'il est possible, que le protocole du 9 fé–
vrier. Ces articles portaient que la France ren–
trerait strictement dans ses anciennes limites,
sauf quclques rectifications de frontieres, qui
n'altéreraient en rien le principe posé; qu'elle
ne s'ingérerait aucuncment dans Je sort des ter–
ritoires cédés, ni en géneral dans le rcglement
du sort des États européens; qu'on se bornait
a
lui annoncer que l'Allemagne composerait un
État fédératif, que la Hollande accrue de la Bcl–
gique serait eonstituée en royaume, que l'ltalie
serait indépendante de la France, et.que l'Au–
triche y aurait des possessions dont les cours
alliées détermineraient plus tard l'étendue; que
l'Espagne continentale serait restituée
a
Ferdi-.,..
nand VII; qu'en retour de ces sacrifices l'Angle–
terre rendrait la l\fartiniquc, et de plus la Gua–
dcloupc si la Suede voulait la rétrocéder, mais
qu'elle garderait l'ile de France et l'ile Bourbon.
Quant au Cap, a l'ile de Malte, aux iles Ioniennes,
il n'en était pas plus parlé que de toutes les
possessions abandonnées par Ja France en Italie,
en Allemagne, en Pologne.
Tcls furent ces articles qui étaient déja con–
tenus dans Je protocole du 9 février, mais d'une
maniere moins explicite et moins offensante, et
qui étaient proposés ceLte fois comme condition
d'une suspension d'armes, que la France n'avait
pas officiellement demandée, et surtout pas
promis de payer d' un tel prix.
M. de Caulaincourt les écouta avcc calme. en
disant qu'apparemment on ne voulait p;s la
paix, puisque au fond des choses déja si fiicheux
on ajoutait des formes si outrageantes, qu'il re–
ccvait du reste communication de ces articles
pour en référer
a
son souverain, et qu'il s'expli–
querait
a
leur sujet lorsqu'il en serait temps. On
Jui demanda alors un contre-projet. ll répondit
qu'il en préscnterait un plus tard, et
il
fautdire,
malgré le respect du
a
un homme qui se dé–
vouait par pur patriotisme au róle Je plus <lou–
loureux, que Ja crainte de compromettre la paix
l'empecha trop peut-etre de manifester son indi–
gnation. Les diplomates qui lui étaient opposés
crurent en effet que, tout en trouvant ces condi–
tions désolantes, il les acceptcrait, et que si elles
rencontraient des obstacles, ce ne serait que
dans le caractere indomptablc de Napoléou. 11
aurait mieux valu que M. de Caulaincourt se
montrat indigné comme Napoléon Jui-meme au–
rait pu l'etre. Cette conduitc aurait ¡.iu compro–
mettre non point la paix, toujours assurée
a
de
telles condilions, mais le tróne impérial, et il
fallait fairc comme Napoléon, préférer l'honneur
au tróne. Ajoutons cependant que si Napoléon
pouvait raisonner de la sorte, M. de Caulain–
court son ministre n'y était pas également auto–
risé, et qu'aprcs la France, Je tróne de son
maitre devait avoir le premier rang dans sa sol–
licitude. Quoi qu'il en soit,
l\'J.
de Cau]aincourt
adressa les conseils les plus sages
a
Napoléon. 11
lui dit que ces conditions, il le rcconnaissait,
n'étaient point
acceptable~,
mais qu'il y aurait
moyen de ]es améliorer; qu'a la vérité on n'ob–
tiendrait jamais les bases de Francfort,
a
moins
de précipiter les coalisés dans le Rbin, mais que
si on profitait des victoires actuelles pour transi–
ger,
il
serait possible,
l'Angleterr1~
satisfaite,
d'obtenir mieux que les limites de
1790,
jamais
toutefois ce qu'on entendait par les limites na–
turelles. 11 était possible effectivemcnt en aban-