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LIVRE
CINQUANTE-DE~XIEME.
grand besoin du temps qui luí était laissé, car ce
n'était pas seulement des troupes placées directe–
ment soussesordres qu'ilavaita s'occuper pcndant
ces deux jours, mais de cclles qui défendaient les
diverses frontieres de France, et qui n'exigeaient
pas moins que les nutres sa surveillance, et sur–
toutsa forte impulsion. Le général Maison, envoyé
en Belgique pour y remplacer le général Decaen
auquel Napoléon reprochait d'avoir abandonné
Willemstadt et Bréda, s'était efforcé de faire face
aux périls de tout genre dont il était environné.
Profitant de l'instant oú il avait asa disposition les
divisions dejeune garde Roguct et Barrois, il avait
fondu sur les Anglais du général Graham et sur les
Prussiens du· général Bulow, et les avait obligés
a s'éloigner d'Anvers. Mais bientót privé de la
division Roguet, réduit
a
la division Barrois et a
quelques bataillons organisés
a
la bate daos les
dépóts de l'ancien
1cr
corps, disposant tout au
plus de 7 a 8 mille hommes de troupes actives,
il s'était vu dans l'alternalive ou de rester en–
fermé dans Anvers, ou de se détacher de cette
place, pour essayer de couvrir la Belgique. TI avait
préféré ce dernier parti, de beaucoup le plus
sage, et avait laissé daos Anvers une garnison de
12 mille hommes, avec l'illustrc Caroot <lont
Napoléon avait accepté les services , noblement
offerts da ns ce moment extreme. 11 s'était reporté
ensuite sur Bruxelles, puis sur Mons et Lille,
jetant <;a et la dans les places du Nord les vivres
qu'il pouvait ramasser, les conscrits
a
demi ve tus,
a
demi armés, qu'il parvenait a tirer de ses dé–
póts. Tandis que Carnot supportait avec une im–
passible fcrmeté un horrible bombardement, qui,
du reste, n'avait point alteint la flotte, objet de
to utes les fureurs del'Angleterre, le général
l\fai–
son manreuvrant avec une poignéc de soldats
entre les autres places du nord de la France,
avait, autant que le permettaient les circon–
stauces, sauvé notre frontiere, et gardé une force
toujours active pour se rucr sur les détachements
ennemis qui se trouvaient
a
sa portée.
au conlraire, on pouvait, grace au coteau <le Survillc qui do–
mínait la rive opposée, s'emparer plus aisémenl du passage;
en outre le ponl étanl en piene ou a1•ail plus <le temps pour
le sauver. L'événemenl p1·ouva que Napoléon avail raíson.
Enlin l'espérancc de saisir le corps qui s'élait avancé jnsqu'a
Fontainebleau était un dernier molif capital ele préférer le
passage
a
Iontcreau. 'apoléon n'en essaya pas moins ele pas–
ser les trois ponls a la fois, en appuyanl elavantage sur le
dernier, qui ful le seul sur le<¡uel on réussiL 11 fil done tout
ce qu'il pouvait faire. Qu<1nl au temps perdu le
i9
el le 20 fé–
vrier, sa corre pondance démontre c¡n'il lrépignait d'impa–
lience pendant les benre employ es
a
lraverser Je ponl el la
pclile ville de :\Jontcreau.
Ca
défilé passé, il fallut la journée
Napoléon qui, daos sa pénible situation, était
fort difficile
a
satisfaire, poussait sans eesse le
général Maison
a
ne pas rester attaché a ses places,
a
prendre par derriere les troupes qui avaient
marché par Cologne sur la Champagne, et tour–
mentait de reproches immérités ce général qui
n'avait pas besoin d'etre excité, car
il
s'était
' montré habile, vigoureux et infatigable daos la
défense de cette frontiere.
Napoléon frappait plus juste en adressant des
reproches
a
Augereau, mais la encore, par l'ha–
bitude de demander plus pour avoir moins,
il
était beaucoup trop exigeant. Augereau, vieux,
fatigué, dégouté meme, avait ccpendant refrouvé
quelquezcleen préscnce du danger qui menac;ait
Ja France, et, en particulier, les hommes com–
promis comme lui dans la révolution . .Mais
il
avait
a
Lyon 5 mille cooscrits jetés da ns de vieux
cadres, et point de magasins, point de vivres,
point d'artillerie, point de chevaux. Malheurcu–
sement il n'était pas doué de cette aetivité créa–
trice avcc laquelleon peut tirer d'une grande
population toutes les ressources qu'elle contient.
11 avait néanmoins taché de fairc nourrir et ha–
biller ses conscrits par la municipalité Iyonnaise,
amené de Valence quelque artilleric, rappelé de
Grenoble la faible division Marchand, et envoyé
des aides de camp a Nimes pour y chercher la
division de réserve qui avait été destinée comme
celle de Bordeaux a passer du midi au nord. 11
était ainsi parvenu , da ns les premiers jours de fé–
vrier, a r éunir, outre les quelques mille hommes
de Lyon , 5 mille hommes venus de Nimes, et,
ce qui valait béaucoup mieux, 10 mille vieux
soldats détachés de l'armée de Catalogoe, et avec
ces forces
il
se préparait
a
cntrer en campagne.
Mais
i1
avait voulu accorder quclques jours de
r epos a ses troupes avant d'aller
a
la rencontre de
l'ennemi . Il était toutefois de la plus grande im·
portancequ'il se montrat, car son apparition vers
Chftlons et Besan<;on pouvait causer un trouble
extreme sur les derrieres des armées alliées, et
<lu 20 pour se concentrc1·
á
gauchc sur Nogent. JI n'y eut,
par conséquent, pas un moment perdu, el Napoléon qui
a
che–
val franchissail en trois heures les espace,; que son armée ne
parcourail qu·en vingl-c¡uatre, pu t reslcr de sa personne
a
Surville pou1· employer la journée du 20
il
ses affaircs géné–
rales, c¡ui n'élaienl pas moins urgentes que cclles qu'il di–
rigeail direclement. On voi t done c¡n'ici commc l?ujours
il
a raison contre ses critiques, lorsqu'il s'agil, bien en–
teudu, d'opél'ations m"ililnires. nlais, pou1· se convaincre de
cette vérité, il faul lire ses ordres el ses correspondances, que
les historiens, en écrivanL son hisloire, n'avaicnt pas eus jus–
qu·íci
a
leur dispositioo.