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LIVRE CINQUANTE-DEUXIEME.
soldats qui venaient de gagner la bataille de
Roverbella, s'il avait pu les joindre a 20 mille
soldats du maréchal Suchet, ce qui aurait fait
50 mille hommes de vieilles troupes, et qu'avec
une force pareille il fút tombé par Dijon sur
les derrieres du prince de Schwarzenberg,
il
est
probable qu'aucun des alliés n'aurait repassé
le Rhin, et un tel résultat valai t assurément
tous les sacrifices imaginables . Mais Napoléon,
éclairé lrop tard sur le projet des coalisés de
faire une campagne d'hi vcr, n'avait expédi é
au prince Eugene l'ordre de rentrer en France
qu'a la fin de janvier, Jorsque ce prince était
engagé dans les opér ations les plus difficiles, et
qu'il ne pouvait se retirer qu'apres avoir été
victorieux. Actuellementsi on maintenait l'ordre
de rappel,
il
lui serait impossible d'etre a Lyon
ava nt la fin de mars, et a cette époque Napo–
Jéon devait avoir vaincu ou succombé. De plus
celte retraitc était l'abandon volontaire de l'Ita–
lie, c'est-a-dirc la perle d'un gagc qui
a
Chatil–
lon devaiL etre du plus grand prix . Quoique
Napoléon ne se battit plus en ce moment que
pour la Iigne du Rhin, avoir en ses mains le
:Mincio et le
Po,
et les bien tenir, était un moyen
de faciliter la concession du Rhin par voie de
compensation. Ayant done peu de chance de
ramenec
a
temps les troupes du prince Eugene,
et bien des chances de conser ver l'Italie, ce qui
était d'une haute importance pour les négocia–
tions, il prit le partí, que le résu ltat rendit
a
jamais rcgrettablc, de ne pas abandonner la
Lombardie. Bien que ses ra1sons cussent une
incontestable valeur, il était évidemmcnt in–
fluencé par la confiance que lui avaicot inspirée
ses dcrniers succes, et c'élait fücheux, car le
plus sur eut été cncorc de rappclcr les 50 mille
hommes du prince Eugene. A la gucrrela chaine
des événemenls s'allonge si aisémcot, qu'on ne
doit jamais renoncer
a
une sage précaution par
la crainte qu'clle ne soit tardive.
Napoléon eut a s'occuper aussi des armées qui
défendaicnt les Pyrénées, et dont le secours lui
aurait été des plus utiles . Le maréchal Sucbet
n'avait cessé de demaoder l'autorisation d'éva –
cuer Barcelone, et quelques-uocs des places de
la Catalogne : quant a celles de la basse Cata–
logne et du r oyaumc de Valence, telles q_ue Sa–
gonte, Peniscola, Tortose, Mequinenza, Lérida,
elles ne pouvaient plus etre évacuées en temps
opportuo. En tirant de Barcelone 7
a
8 mille
hommes, et autant de quelques autres petites
places, en joignant ces
1!)
mille hommes aux
15
mille qui luí restaient apres le départ .de
la division acheminée sur Lyon, le maréchal
Suchet se serait procuré un corps d'environ
50 mille soldats. Avec une force pareille
il
pou–
vait encore décider du sort de Ja France, si on
I'appelait
a
Lyon de sa personne. Il avait attendu
la réponse du ministre de la guerre j usqu'au
11
février, et ne la voyant pas venir
il
avait re–
gagné la frontiere, laissant 8 mille hommes dans
la place de Bareelone qu'il n'avait pas osé aban–
donner sans un ordre forme!. Napoléon essaya
de réparer cette faute, exclusivement imputable
au ministre de la guerre, en donoant au maré–
cbal Suchet l'ordre d'évacuer non-seufoment
Barcelone, mais tous les postes qu'il occupait
encore, et de se eréer ainsi un corps d'armée
avec Jeque! il marcherait sur Lyoo, en ne Iais–
sant dans Perpignan et les places du Roussillon
que les garnisons absolument indispensables.
Le marécbal Soult, grace au systeme tempo–
risaleur de lord Wellington, s'était maiotenu,
non pas sur la Bjdassoa, ni sur la Nive qu'il
avait successivement perdues, mais sur l'Adour
et le gave d'Oloron. 11 avait piacé quatre divi–
sions daos Bayonne sous le général Reille, deux
sur I'Adour sous le général Foy, et qualre der–
riere le gave d'Oloron sous son commandement
direct. Le général
Harisp ~
formait son extreme
gauche
a
Navancins,
il
formait lui-meme le
centre
a
Peyrehorade, au confluent du gave
d'Oloron avec I'Adour; le général Reille formait
sa droite
a
Bayonne. :Maitre de lá navigation de
l'Adour, il pouvait approvisiooner Bayonne, et
pourvoir de vivrcs et de munitions toutes les
parties de son armée. Établi ainsi derriere
l'angle de deux rivicres, avec cnviron 40 mille
hornmcs de vieillcs tl'ou pes (déduction faite des
15 mille expédiés
a
Napoléon) , il eontenait.son
adversaire, qui n'osait ni s'avancer sans les Es–
paguols de peur de n'etre pas assez fort, ni péné–
lrer en France avec eux, de peur qu'íls ne fis–
sent insurger les paysans franc;ais en les pillant.
Le général anglais attendait done, pour prendre
l'offensive, premierement que
les
pluies qui
étaient tres-abondantes cessassent, secondement
que son gouvernement lui envoyat de !'argent
pour payer les Espagnols, scul moyen de con–
servcr parmi eux la discipline.
Napoléon
se
flattant de pouvoir tirer encore
quelques ressources de cette bravc arméc, renou–
vela au maréchal Soult l'iojonction de remplir le
vide de ses cadres avec des eonscrits, et de se
préparer
a
Jui expédier au premier signa! une