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LIVRE CINQUANTE-DEUXIEl\IE.

soin fut de lanccr sa cavalerie au dela pour

chercher

a

connaitre la position de l'ennemi, et

savoir ce qu'était devcnu le corps autrichien de

Colloredo. Mais déja ce corps avait cu le temps

de revenir sur l'Yonne,

et

il formait en ce mo–

ment l'arriere·garde du prince de Schwarzen–

berg. Il n'était des lors plus possible de l'at–

teindrc avec

des

troupes d'ailleurs fatiguées,

dont les unes, comme celles du 2° corps et de Ja

réserve de París, avaient combattu toute la jour–

née, dont 1e.s autres, comme la garde impériale,

avaient sans cesse marché depuis soixante-douze

heures, faisant double étape pcndant Je jour et

passant la nuit sur des charrettc.s. 11 fallait done

s'arreter, prendre le temps de faire passer l'ar–

mée par le pont reconquis de Montereau, se

porter ensuite en masse sur Je prince de Schwar–

zenberg, pour surprendre et détruire ses divers

détachements si on les trouvait dispersés, pour

lcur livrer bataiJie si on les trouvait concentrés,

bataille qu'on livrerait avec l'ascendant de Ja

victoi re et avec les 60 mille hommes qu'on avait

actuellement sous la main.

Bien que Je pont de Montereau cut été enlevé

douze henres trop tard, Napoléon avait lieunéan–

moins d'étre content de ces huit dernieres jour–

nées. En effet, tandis qu'unesemainc auparavant

il rétrogradal t de Brienne sur Troyes, sans savoir

s'il pourrait défendre París,

il

venait, dans ce

court espace de temps, demcttreen pieces l'armée

de Blucher, et en fui te celle de Schwarzenberg,

et c'était la un changement de situation qui av'ait

de quoi satisfaire l'orgucil meme du vainqueur

d'Austerlitz, d'Iéna, de Friedland! Napoléon

pouvait, s'il ne s'exagérait pas la portée politique

de ses succes, sortir de cette gucrre sinon avec

toutes les conditions de Francfort, du moins

avec quelques-unes des plus essentielles, et sur–

tout avec des stipulations qui ne ressembleraient

en rien aux révoltantes propositions de Cha–

tillon. Cependant, il ne se consolait point de

n'avoir pu recueillir tous les fruits de ses belles

manoouvres, et

il

s'en prenait

a

plusieurs de ses

lieutenants qui n'avaient pas fait, dans ces cir–

constances, tout ce qu'il attendait de leur dé–

vouement. A tort ou

a

raison il se plaignait du

général d'artillerie Digeon, qui avait mal appro–

vi ionné l'artillerie la veille et le jour meme du

combat de Montereau, du général Lhéritier qui

n'avait pas chargé les Bavarois au combat de

Villeneuve, du général Montbrun qui n'avait

pas assez bien défendu le pont de l\Ioret sur le

Loing (ce n'était pas le célebre l\fontbrun , mort,

comme on doit s'en souvenir,

a

la Moskowa),

du maréchal Víctor, auquel

il

reprochait d'avoir

fait une mauvaise retraite de Strasbourg a

Chalons, d'avoir faiblement défendu la Seine,

d'avoir retenu les troupes au combat de Ville–

neuve, d'avoir dormi

a

Salins au Jieu de mar–

chcr a Montereau, de laisser paraitre cnfin en

toute occasion un abattement melé de mauvaise

humeur qui était d'un facheux exemplc. Aux re–

proches adressés

a

ces divers officiers,

il

y

avait

bien des réponses

a

faire : quant au maréchal

Víctor, quoiqu'il ne méritat pas la colere dont

il était l'objet,

il

faut avouer qu'il se montrait

trop découragé, et qu'il ne ,se rctrouvait'

lui–

méme que devant l'ennemi, et sous les ordres

immédiats de Napoléon. 11 faut ajouter que sa

famille était de celles qui témoignaient acluclle–

ment peu d'empressement pour l'Impératrice.

Napoléon Je savait, et c'est sous l'impression de

ces diverses circonstances qu'il avait óté au

maréchal son commandement, pour le conférer

au général Gérard. Ce

COUP1

joint a la blessure

mortelle du général Chataux, avait plongé dans

un profond chagrín le malheureux

Victo~.

11

s'était tenu toute la journée au milieu du feu,

meme apres qu'il n'avait plus d'ordres a donner,

en dévorant les ]armes que lui arrachaient et la

mort de son gendre et l'espece de condamnation

dont

il

était frappé. 11 se rendit le soir meme

au chateau de Surville, ou s'étaít établi Napo–

léon qu'il trouva partagé entre la joie d'un beau

triomphe obtenu, et le .dépit d'un beau triom–

phe manqué. Napoléon ne se contint pas en le

voyant, et oubliant trop la ,journée de la Ro–

thiere, lui reprocha sa conduite pendant les

deux derniers mois, mela

a

ces reproches mili–

taires quelques reproches politiques, et finit par

lui dire que s'il était fatigué ou malade

il

n'a.vait

qu'a prendre du repos, et

a

quitter l'armée. Le

maréchal,

a

qui l'ordre de s'éloigncr en ce mo–

ment paraissait un déshonneur' répondit

a

l'Empereur qu'il allait s'armer d'un fusil, se

ranger dans les bataillons de la vieille garde,

et mourir en soldat

a

cóté de ses anciens compa–

gnons d'armes. Napoléon, vivement touché de

l'émotion du maréchal, luí tendit la main, et

consentit a le garder aupres 'de lui.

Il

ne pouvait

pas retirer au général Gérard le commandement

du 2° corps, qu'il lui avait conféré le matin

meme, et que ce général avait si bien mérité,

mais il dédommagea le maréchal d'une autre

maniere. On venait de faire sortir de París deux

di visions de jeune garde, les dívisions Charpen-