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LIVRE
CINQUANTE-DEUXJEME.
donnant l'Espagne, .l'Italie, toutcs les parties de
l'Allemagne, la Hollandc, la Belgique, d'obtenir
l\fayence, Coblentz, Cologne, en un mot d'avoir
le Rhin en
renon~ant
a
l'Escaut. Et certes une
telle
p~h,
il
valait la peine de la condure, sinon
pour Napoléon, du moins pour la France. Or
avcc une victoirc encore on aurait pu se l'assurer,
et
il
était sage de la conseiller.
M.
de Caulain–
court, sans s'expliquer sur ce qu'il faudrait sa–
crifier des limites naturellcs, supplia Napoléon
de ne poi-nt se montrer absolu, et lui dit avec
raison '.qu'il se trompait s'il croyait que ses vic–
toires l'avaient replacé
a
la hauteur des bases de
Francfort, qu'on pourrait cependant s'en appro–
cher en présenlant un contre-projet modéré.
Quand Napoléon rec;ut
a
l\fontereau ces com–
mu.nications, le rouge luí monta au frout, et il
écrÍvit sur-le-champa
M.
de Caulaincourtlalettre
suivante-.:
ce
Je vous considere comme en chartre privée,
" ne sachant ríen de mes affoires et influencé
H
par des impostures. Aussitót que je serai
a
" Troyes je vous enverrai le contre-prvj ct que
(( vous aurez
a
donner. Je rends grace au ciel
" d'avoir cetle note, car il n'y aura pas un Fran- ,
" c;ais dont elle ne fasse bouillir le sang d'indi-
" gnation. C'est pour cela que je veux faire moi-
" meme mon ultimatum ... Je suis rnécontent
•t
que vous n'ayez pas fait connaitre dans une
u
note que la France, pour etre aussi forte
" qu'elle l'était en
1789,
doit avoir ses limites
,, naturelles en compensation du partage de Ja
1·
Pologne, de la destruclion de la république
" de Venise, de la sécularisation du clergé d'Al-
1·
lernagne, et des grandes acquisitions faitcs
«
par les Anglais en Asic. Diles que vous at-
«
tendez les ordres de votre gouvcrnement, et
" qu'il est simple qu'on vous les fassc attendre,
11
puisqu'on force vos courriers
a
fairc des dé-
" tours de soixantc-douze heures, et qu'il vous
" en manque déja trois. En représailles j'ai
"
d~ja
ordonné l'arrestation des courriers an-
(( glais.
(( Je suis si ému de l'infame projet que vous
" m'envoyez, que je me crois déja déshonoré
rien que de m'etre mis dans le cas qu'on vous
(( le propose. Je vous ferai connaitre de Troyes
" ou de ChatiJJon mes intentions, mais je crois
u
que j'aurais mieux aimé perdre Paris, que de
" voir faire de t.elles propositions au pcuple
u
frarn;ais. Vous parlez toujours des Bourbons,
1t
j'aimerais mieux voir les Bourbons en France
1(
avec des conditions raisonnables, que desµ–
u
bir les infames propositions que vous m'en–
" voyez.
" Surville,
pres
Monlereau,
t
9 févl'ier 1814. ,,
Cctte premiere émotion passée, Napoléon ap–
préciant les sages conseils del\f. de Caulaincourt,
consentit a poursuivre la négociation, non plus
sur les bases qu'il avait chargé son plénipoten–
tiaire de porter
a
l\fanheim' et qui comprenaient
le Rhin jusqu'au Wahal, un royaume pour le
prince Jérómc en Allemagne, un pour le princc
Eugcnc en Italie, et une partie du Piémont pour
la France, mais sur des bases nouvelles qui con–
sistaienl
a
demander les limites pures et simples,
c'est·a-dire le Rbin jusqu'a Dusseldorf, au dela
de Dusseldorf la l\fouse, rien en Italie sauf une
indemnité pour le prince Eugene, et enfin la
juste influence de la France dans le reglement du
sort des États européens.
11
ne s'en tint pasa
cette eommunication officielle : sachant qu'il
existait plus
d'un~cause
de mésintelligenceentre
les eoalisés, que les Autrichicns notamment
étaient fatigués de la guerre et offusqués de
la
suprématie aífcctée par les Russes,
il
imagina de
r l pondre a la démarche qu'on avait faite aupres
de luí par une lettre qu'il adresserait lui-meme
a
l'empereur Fran<¡ois, et par une autre que le
major-général Berthier adresserait au prioce de
Schwarzenberg. Dans ces dcux lettres rédigées
avec un grand soio
il
s'effor<¡a de parler le lan–
gage de Ja politiquc et de la raison.
11
disait qu'on
en avait appclé a la victoire, que Ja victoire avait
prononcé, que ses armées étaient aussi bonnes
que jamais, et que bienlót elles seraient aussi
nombr.euses; qu'il avait done toute confiancc
dans les suites de cette lutte si elle se prolon–
geait; que cepcndant
il
marchait en ce mon;ient
sur Troyes, que la prochaioe rencontre aurait
lieu entre une armée frao<¡aise et une armée au–
trichicnnc, qu'il croyait etre vainqueur, et que
cette confiance ne devaitétonner
perso~ne ,
mais
qu'ayant éprouvé les hasards de la guerre,
il
voulait bien considérer cette supposition comme
douteuse, qu'il raisonoerait done daos une
double hypothese : que s'il était vainqueur
la~
coalition serait anéantie, et qu'on le rctrouverait
apres cettc épreuve aussi exigeant que jamais,
car il y scrait autorisé par ses dangers et ses
triomphes; que s'il était vaincu au contraire,
l'équilibre de l'fü1rope serait rompu un peu plus
qu'il ne l'était déja , mais au profit de
la
Russie
et aux dépens de l'Autriche; que ce11e-ci en se-