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LIVftE CINQUANTE-DEUXJEME.
de Silésie on aurait des forces presque doublcs
de ccllesdeNapoléon, que des Jors on vaincrait,
parce qu'il était indigne de supposer qu'on put
ctre vaincu en combattant dans la proportion de
deux eontre un; qu'en tout cas on n'avait pas
d'autre parti a prendre, car un mouvement ré–
trograde ruinerait de fond en comble les affaires
de la coalition; que revenir sur Langres c'était
se reporter sur une contrée pauvre en elle–
meme, et appauvrie encore par le récent séjour
des armées, qu'on ne pourrait pas y vivre, que
la retraite sur Langres entrainerait bientot Ja
retraite sur
Besan~on
; que rétrograder de la
sorte c'était rcndre
a
Napoléon tout son pres–
tige, luí rendre tous ses partisans, et inviter les
paysans frarn;ais, qui déja tuaient les soldats
isolés,
a
s'insurger en massc et
a
égorger tout
ce qui ne serait pas formé en corps d'armée,
qu'en un mot hésiter, reculer, c'était périr.
· Qui avait raison en ce momcnt des temporisa–
teurs ou des impatients, personne ne Je pour–
rait dire avec certitude. En effet si les seconds
évaluaient justement les forces respeetives , les
premiers cédaient a des craintes fondécs lors–
qu'ils refusaient de jouer le tout pour le tout
contrc Napoléon , car s'il eUt gagoé la bataille,
et dans la disposition de ses troupes il avait
beaucoup de chances de la gagner, la coalition
aurait été jetée dans le Rhin. On est done en
droit de soutenir que, quoique ses ealeuls eus–
sent un certain caractcre de timidité, le prince
de Schwarzenberg, a tout prendre, avait plus
raison que ses adversaires.
Quoi qu'il en soit, le parti de la ruodération
insista, et comme il avait acquis depuis les dcr–
niers événements autant d'autorité que Blucher
et ses partisans en avaient perdu, comme l'em–
pereur Alexandre appuyait un peu moins le
partí de Bluchcr, le princc de Schwarzenherg
fit
prévaloir son opinion, et la proposiLion d'un
armisticc fut résolue. Cette proposition n'enga–
gcait a ricn, ni quant aux conditions de la paix,
ni quant aux conditions de l'armistice lui-meme.
Si elle n'était point accueillie, elle aurait au
moins occupé Napoléon quelques beures, ra–
lenti sa marche d'une journée peut-ctre, ce qui
était bcaucoup; si elle était acccptée au con–
traire, elle permettrait d'aller se concentrer les
UDS
a
Langres, les autres
a
Chalons, de s'y ren–
forcer considérablement, et enfin, suivant le
vreu secrct des Autrichicns, de renouer les né–
gociations pacifiques avec plus de chances de
succcs, car une fois les armes déposées on ne les
reprendrait pas aisément. Les partisans de la
guerrea outrance consentirent
a
eette démarche
dans l'espoir qu'elle n'aboutirait
a
aucun ré–
sultat, et qu'elle ferait peut-ctre gagner quelques
heurcs, ce qui aux yeux de tous était incontes–
tablement un avantage. Le prince de Schwar–
zenherg
fit
choix du prince Wenceslas dcLiech–
tcnstein pour l'envoyer au quartier général
f"ran~ais,
avec la proposition de désigner des
commissaires qui, aux avant-postcs des deux ar–
mées, conviendraient d'unc suspension d'armes.
Le 25, Napoléon était en marche de Chartres
sur Troyes, lorsque aux approches de Troyes le
prince Wenceslas de Liechtenstein se présenta
pour lui remettre le message du prince de
Schwarzenberg. Napoléon, en voyant cette in–
sistance des coalisés pour obtenir un armistice,
en conclut beaucoup trop vite qu'ils étaient dans
une positiou difficile, et résolut de paraitre les
écoutc1·, mais sans s'arréter, son role n'étant
pa de les tirer d'embarras. 11 était animé par le
succes, par le sentimcnt des grandes ehoses qu'il
venait d'accomplir, par l'espérance de eelles
qu'il allait accomplir encore, et n'avait actuelle–
ment aucune raison de prudence pour se mon–
trcr modeste ou circonspect, car au contraire la
jactancc pouvait etrc de l'habileté. 11 s'y Iivra
done par disposition du moment et par calcul.
Le prince Wenceslas l'ayant fort complimenté
sur les belles opérations qu'il venait d'exécuter,
Napoléon l'écouta avec une satisfaction visible,
parla beaucoup de cclles qu'il préparait, exagéra
singulicrement l'étendue de ses forces, se plai–
gnit des outrageantes propositions qu'on lui
avait adressécs, et, d'un sujet passant
a
l'autre,
demanda s'il était vrai que plusieurs prÍnces de
Bourbon se trouvassent déja au quartier général .
des alliés. En effet le due d'Angouleme cssayait
acluellemcnt de se faire accucillir au quartier
général de lord Wellington; le duc de Bcrry
était sur une frégate
a
Bellc-Ilc, tachant par sa
présencc d'agiter les esprits en Vendé'e; enfin le
pere de ces deux princes, le comte d'Artois lui–
méme, muni du litre de Iieutenant général du
royaume, et représentant Louis
XVIII
retiré
a
Hartwcl, était ven u en Suisse, puis en Franche–
Com té, pour obtcnir son admission au quartier
général des souverains. Toutcfois aucun de ces
princes n'avait encore réussi dans ses démar–
ches.
L'envoyé du princc de Schwarzenberg se bata
de désavoucr loute participation de l'Autriche
a
des menécs contraires
a
Ja dynastie impériale,