BRIENNE ET l\IONTMIRAIL. -
FÉVRIER
1.81.4.
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de Bray, ce qui n'était que trop facile. En effet
les coteaux qui
a
1\fontereau bordent la Seine et
Ja dominent, s'en éloignent
a
Bray et
a
Nogcnt,
et ne fournissent des lors aucune position domi–
nante pour tirer sur les ponts. Au contraire, des
villages, s'étendant sur les deux rives et bien
barricadés, présentaient des postes que l'armée
de Bohemc, concentrée par son mouvement ele
retraitc, pouvait nous disputer longtemps. Il ne
restait done que le pont de 1\fontcreau, et ce pont
importait d'autant plus, que si on le traversait, il
était possible de eouper le corps de Colloredo
aventuré jusqu'a Fontaincbleau, et d'enlever
ainsi 1D ou 20 rnille hommes
a
la fois, ce qui cut
été un événement capital. Napoléon enjoignit au
maréchal Víctor de quitter son lit sur-le-champ,
d'arracher ses troupes a leur bivac' et de cou–
rir a 1\fontereau. Il s'appreta lui-mcme
a
s'y
rendre. Avant de se mettre en route
il
prescrivit
aux maréchaux Oudinot et Macdonald d'empor–
ter, l'un Nogent, l'autre Bray, s'íl était possible,
et, dans le cas contraire, de se replier sur lui
pour débouchcr tous ensemble par Montereau.
La garde ayant fait une journée en charrettes
était arrivée a Nangis; Napoléon lui ordonna de
suivre Víctor sur Montereau.
11 avait cu a prendre dans cette journée une
résolution qui attestait l'importance de nos ré–
cents succes. A son arrivée dans la soirée
a
Nan–
gis, un aide de camp du prince de Schwarzen–
berg, le comte de Parr, était venu
a
l'improvislc
demander une suspension d'armes, suspension
que M. de Caulaincourt peu de jours auparavant
offrait vainement d'acbeter au prix des plus
crucis sacrifices
!
Comment se faisait-il que de
tant de confiance' d'orgueil' de dureté, on cut
passé si vite a tant de sagesse et de moclération?
Les événements accomplis l'expliquaient suffi–
samment, et prouvaient tout ce que Nopoléon
avait gagné dans- ces derniers jours. Les souve–
rains réunis
a
Nogent autour du prince de
Schwarzenberg, apres avoir cu d'abord de vagues
nouvelles de Blucher, avaient su bientot avec
détail l'étendue des revers éprouvés par ce fou–
gueux général , et s'apercevant aux rudes atta–
ques qu'ils venaient d'essuyer eux-memes que
Napoléon était présenl, avaient conl}U tout
a
coup
des résolutions plus modestes que celles dans
lesquellcs ils persistaient la veille encore. L'ar–
mée de Bohéme était effectivement dans une
situation tres-grave, car elle s'avan1tait de front
sur une ligne de bataille de plus de vingt licues,
depuis Nogent jusqu'a Fontaiuebleau, et en
quatre colonnes dont une ou deux couraient grand
risque d'etre enveloppées et détruites, si Nopo–
Jéon les dcvan1tait au passage de
Ja
Seine. L'ar–
réter sur-le-champ était de la plus haute impor–
tance, et malgré les propos accoutumés du partí
de la guerrc
a
outrance, le
pri~ce
de Schwar–
zenberg les dédaignant cette fois, avait imaginé
d'cnvoyer un aide de campa Napoléon pour luí
p·roposer de s'arreter oú ils se trouvaient, en
disant que sans doule c'était dans l'ignorancc de
ce qui se passait a Cluitillon qu'il poussait si
vivement les hostilités, que les conférenccs tem–
porairement suspendues venaient d'etre reprises
sur des bases admises par M. de Caulaincourt
lui·meme, et que dans quelques heurcs on ap–
prendrait probablement la signature des pré–
liminaircs de la paix.
U
y avait dans uue telle
assertion ou une supercherie, ou une singuliere
na1veté. M. de Caulaincourt n'avait pas accepté
l'outrageante proposition des coalisés, il s'était
borné a demander confidentiellement
a
l\f.
de
l\1etternich , si l'acccptation sommaire de cette
proposition serait au moins suspensive des hos–
tilités , et il l'avait demandé le lendemain de
la bataille de la Rothiere, dans un momen·t de
désespoir; mais supposcr qu'aprcs les combats
de Champaubert, de Montmirail, de Chateau–
Thierry, de Vauchamps, de Mormont, de Vil–
lcneuve, Napoléon consentirait
a
faire rentrcr la
France do ns ses anciennes limites, et, ce qui était
bien pis, renoncerait
a
avoir un avis sur le sort
qu'on destinait
a
l'ltalie, a l'Allcmagne,
a
la Hol–
lan<le,
a
Ja Pologne , c'était en vérité une pré–
somption bien étrange, et égale au moins
a
celle
que nous avons plus d'une fois reprochée a Na–
poléon.
Quoi qu'il en soit, c'est ce qu'on avait' chargé
l'aidc de camp du prince de Schwarzenberg
d'aller proposer au quarHer général fran1tais. ll
aurait done fallu que Napoléon s'arretat en plcine
victoire, pour accepter Ja dégradation dela France
et la sienne
!
Aussi apprit-il avec un sourire ironique l'ar–
rivéc du messager de la coalition;
il
ne voulut
pas l'admettre en sa présence, mais
il
consenlit
a
recevoir la lettre du prince de Schwarzen–
berg, en disant qu'il répondraít plus tard. Et
pourtant
il
ne savait pas
a
quelle espece de pro–
positions se rapportait le message qu'on lui
adrcssait
!
N'ayant pu que tres-difficilement
communiquer avec M. de Caulaincourt, duquel
il
était séparé par toute l'armée de Bohéme,
il
n'avait aucune connaissance de ce qui s'était
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