Table of Contents Table of Contents
Previous Page  412 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 412 / 616 Next Page
Page Background

402

LIVRE

CINQUANTE-DEUXIE~rn .

tention de la grande armée de Boheme était de

marcher sur Paris par les deux rives de la Seine,

par Fontainebleau et l\1elun, pendant que l'ar–

mée de Silésie, sÚivant la Marne,

y

arriverait par

l\feaux. L'espérance d'y entrer enflammait en ce

moment l'imagination d'Alexandre. Tandis que

l'empereur Fran<;oisvivaitmodestementa Troyes ,

voyant peu de monde, ne fréqu entant que

1\1.

de

Metternich, l'empereur Alexandre, livré a une

aetivité fébrile, allait d'un corps d'armée a l'autre,

affectant de tout diriger, et rccommandant sans

cesse

a

Bluchcr de l'attendre avant d'entrer a

Paris. Le roi de Prusse, pour plaire aux patriotes

de son état-major, se pretait

a

tous les mouve–

ments de son allié, mais avec la gaucherie d'un

homme sage, peu fait pour ce role vain et agité.

C'est dans cet état que les avait lrouvés un témoir1

oculaire digne de foi, le brave et savant général

Reynier-;-qu'on avait échangé cootre le général

comte de Merveldt (l'un et l'autrc avaicnt été

faits prisonniers

a

Leipzig), et qui

a

la suite de cet

échange, avait traversé

'f

royes pour r evenir

a

París. Le général Rcynier, présenté aQS. monar–

qucs alliés, les avait écoutés, et avait recueilli

leurs paroles avec une exlreme attcntion

1 •

L'em··

pereur Frarn;ois l'avait conjuré de r épéter

a

son

gendre un conseil qu'il lui avait adressé déja

bien des-fois, celui de céder

i

la fortune, d'aban–

donner ce qu'on exigeait de lui puisqu'il ne pou–

vait pas le conserver, et de considérer les desti–

nées de l'Autriche, dans le moment actuel, pour

apprendre que se soumettre aux dures nécessités

du présent n'était souvent qu'un moyen de sau–

ver !'avenir. Le roi de Prusse n'avait presque

ríen dit, selon son usage; mais Alexandrc avait

parlé avec une vivacité singuliere. 11 avait de–

mandé d'ahord au général Reynier quand

il

croyait etre a Paris, et le général, ayant répondu

qu'il espérait y étre le

14

ou le

rn

février,

Alexandre avait répliqué : Eh bien, Blucher

y

sera avant vous... Napoléon m'a humilié , je

l'humilierai, et je fais si peu la p.uerrc

a

la

France, que, s'il était tué, je m'arreterais sur -le–

champ. - C'est done pour les Bourbons que

Votre I\fajesté fait la guerre? avait dit le général

Reynier. - Les Bourbons, avait repris Alexan–

dre, je n'y tiens nullement. Choisissez un chef

parmi vous, parmi les généraux illustres qui ont

tant contribué a la gloire de la France, et nous

1

Apeine arrivé

b.

París, le ¡:;énéral Reynier fit de ces entre–

tieus un rapporl fidele qui fu l euvoyé immédiatement

il

Napo–

léon. Ce rapport, !'un des documents secrets les plus curieux

du temps, est digue de la plus enticre confiance, car le général

sommes prets

a

l'acceptcr. -Alexandre, descen–

dant alors aux plus étranges confidenees,

lui

avait laissé entrevoir le projet d'imposer Berna–

dotte

a

la France, comme Catherine, quarante

ans auparavant, avait imposé Poniatowski

a

la

Pologne. A cette ouverture, le général Reynier

avait fort déconcerté le czar, en lui exprimant le

mépris que les militaires frarn;ais avaient con<;u

pom' la conduite et les talents du nouveau prince

suédois. Alexandre, surpris et mécontent, avait

congédié le général Reynier, qui était partí sur–

lc-champ pour París, et était venu offrir son épée

a

Napoléon, offre bien méritoire dans de pareilles

circonstances, car il avait repoussé les proposi–

tions les plus flatteuses d'Alexandre, pour restcr

fidele a la France malheureuse. Le général Rey–

nier était Suisse de naissance, mais Franc;ais par

le crour et les services.

L'orgueil blcssé, le désir de la vengeanee inspi–

raient en ce moment tous les actes de l'empereur

Alcxandre. C'est par ce motif qu'il avait fait sus–

pendre les séances du eongres, se fondant, pour

ne plus les reprendre, sur ce que

l\'I.

de Caulain–

court n'avait pas accepté immédiaternent les pro–

positions de Chatillon.

11

montrait

a

cet égard

une r ésolution opiniatrc, et ne voulait plus qu'on

traitat. I\L de I\1etternich, aidé de lord Castle–

reagh , s'opposait de toutes ses forces

a

cette vo–

lonté du czar. Le ministre autrichien persistant

dans sa poli tique de ne pas pousscr trop loin une

lulte qui, au dela d'un certain terme, ne profi–

tait qu'a la prépondérance de la Russie, le 1ni–

nistre anglais disposé

a

s'arreter si on lui aban–

donnait Anvers et Genes, s'étaient servís pour

résister a l'cmpcreur Alexandre de Ja lettre que

M. de Caulaincourt avait secretement adressée

a

l\f.

de Metternich , et dans laquelle il demandait

si en admetlant les bases proposées

il

poqrrait

au moins obtcnir une suspension d'armes. Ap–

puyés sur cette lettre, ils avaient dit que la

France étant prete

a

céder aux vreux des alliés,

il n'y avait pas de motif de pousser les hostilités

plus loin, q-uc c'était

~ourir

des chances inutiles

pour un objet qui ne pouvait etre le but avoué

d'aucune des puissances coalisées. L'empereur

Franc;ois en effct ne pouvait dire

a

l'Europe qu'rl

faisait la guerre pour détróner sa fille, et le ca–

binct britannique, bien que l'opinion fót actuel–

lement tres-modifiée en Anglcterre, ne pouvait

Reynier était incapable d'allérer la vérilé, et d'ailleurs son

rapport concorde avec tout ce que les dépeches diploma tiques

fra n~aiscs

et élr:rngeres nous apprennent sur le quartier

gé–

néral des souverains.