BRIENNE ET l\IONTl\IIRAIL. -
FÉVRIER
1814.
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par en demeurer maitresse, tandis que la masse
de notre cavalerie, éfablie sur la route, pro–
tégeait notre nombreuse artillerie et en était
protégée.
On avait ainsi gagné deux heures de l'apres–
midi. Les routes étaient affreuses, et la garde
avait cu une peine extreme
a
les parcourir. La
premiere division de la vieille garde, sous Friant,
étant enfin rendue sur le terrain, Napoléon
fit
ses dispositions pour frapper le coup mortel sur
l'ennemi, Sacken avait forternent occupé l'Épinc–
aux-Bois, placée, comme le village de Marchais,
sur le flanc de la grande route, mais un peu
plus en avant par rapport
a
nous. Cette position
semblait difficile
a
emportcr sans y perdre beau–
coup de monde, mais emportée, tout était dé–
cidé, car les troupes ennemies avancées sur
notre gauche entre Marchais et le Petit.-1\forin
devaient etre prises, et Sacken n'avait d'autre
ressource que de les sacrifier, et de s'enfuir avcc
les débris de son corps vers le général d'York
sur la Marne. Napoléon, pour rendre moins
meurtriere l'attaquc de l'Épine-aux-Bois, feignit
de céder d1,1 terrain vers Marchais, afin d'y atti–
rer Sackcn, et de l'engager ainsi
a
se dégarnir
a
l'Épine-aux-Bois. En meme temps, il mit en
mouvement sa cavalerie jusque-la immobile sur
la grande route. Ces ordres, donnés avec une ri–
goureuse précision, furent exécutés de meme.
Au signal de Napoléon, Ricard feint de recu–
ler et d'abandonner Marchais, tandis que Nan–
souty se porte en avant avec la cavalerie de la
garde. A cette vue, Sacken se hate de profiLer·
de l'avantage qu'il croit avoir obtenu, et, avcc
une partie de son centre, quitte l'Épine-aux–
Bois pour s'emparer de Marchais, ne laissant
sur Ja grande route qu'un détachement, afin de
se tenir en communication avec le ·général
d'York. Saisissant l'occasion, Napoléon lance
Friant avec la vieille garde sur l'Épine-aux-Bois.
Ces vieux soldats, qui nvaient au feu le sang-froid
du courage éprouvé, s'avancent sans tirer un
coup de fusil, franchissent un petit ravin qui
les séparait de l'Épine-aux-Bois, et puis s'y pré–
cipitent
a
la ba'ionnette. En un clin d'reil ils se
rendent maitres de la position, et tuent tout ce
qui s'y trouve. Pendant eet acte vigoureux,
Nansouty, apres s'etre porté en avant sur la
grande route, se rabat brusquement
a
gauche
eontre les troupes de Sacken qui avaient dépassé
l'Épine- aux-Bois , les charge
a
ou trance, préci–
pitc les unes vers le Petit-Morin, oblige les au–
tres
a
se replier. Cellcs-ci, forcées de battre en
relraite, laissent da ns un grave péril les troupes
qui se sont engagécs sur notre gauche entre
l\farchais et le Petit-1\forin. Napoléon détache
alors Bertrand avec deux bataillons de jeune
garde sur le village de l\farehais, pour aider Ri–
eard
a
y rentrer. Ces bataillons, ralliant l'infan–
terie de Ricard, pénetrent dans l\farchais ba'ion–
nette baissée , tandis que la cavalerie de la garde,
sous le général Guyot, poursuit les fuyards
a
coups de sabre. Par ces mouvements eombinés,
tout ce qui s'est aventuré entre la grande route
et Je Petit-Morin est pris ou tué, sur le flanc
meme du plateau. En quelques instants, on ra–
massc quatre
a
cinq mille prisonniers, trente
bouches a feu, et nos cavaliers étendent deux
a
trois milie hommes sur le carreau. Sacken n'a
d'autre moyen de salut que de rétrograder en
toute hate, et,
a
la faveur de la nuit, de repasser
de Ja gauche
a
la
droite de la grande route
(gauche et droite par rapport
a
nous), et de re–
joindre ie général d'York, qui s'était avancé avec
précaution, mais que Napoléon avait contenu
vers le village de Fontenelle, en y portant la se–
conde division de la vieille garde sous le maré–
chal Mot·tier.
Cettejournée du
11,
<lite de Montmirail, était
plus brillante encore que Ja précédente. Sur
20 mille hommcs, Sacken en avait perdu 8 mille
en tués, blessés ou prisonniers? et ce beau
triomphc ne nous avait pas
coó.téplus de 700
a 800 hommes, cnr les vieux soldats que Napo–
léon avait employés cette fois savaient comment
s'y prendrc pour causer beaucoup de mal
a
l'en–
nemi sans en essuyer beaueoup eux-memes. Les
jours suivants p1·omettaient de plus grandsrésul–
tats encore, car toutel'armée deBlucher, pr·ise en
détail, allait successivement recevoir le chatiment
du
a
sa présomption.
Tout indiquait que Saéken, en fuite vers la
l\Iarne, était alié rejoindre le général prussien
d'York vers Chateau-Thierry, et que des lors
c'était de ce cóté qu'il fallait marcher. Ainsi le
troisieme des corps composant l'armée de Silé–
sie, celui d'York, devait
a
son tour se trouver
isolément en face de Napoléon. Le lendemain en
effet,
12
février, Napoléon se mit en marche
ayee la seconde division de vieille garde sous
Mortier, une de jeune garde sous Ney, et toute
la cavalerie, pensant que c'élait assez pour cul–
buter un ennemi en désordre. 11 lais_sa en arriere
vers Montmirail la premiere division de vicille
garde sous Friant, une autre de jeune gardc
sous Curial, afin de secourir au besoin l\1armon t