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592

LIVRE CINQUANTE-DEUXIEl\IE.

condamnés. M. de Rasoumoffski,

le

Russe arro–

gant qui représentait l'empereur Alexandre,

répondit qu'il ne savait ce dont on voulait par–

ler.

i\L

de Stadion, qui représentait le cabinet

autrichien, auteur principal et direct des pro–

positions de Francfort, prétendit qu'il n'en était

pas dit un mot dans ses instructions. Mais lord

Aberdeen, le plus sincere, le plus droit des per–

sonnages présents, qui avait assisté aux ouver–

tures faites a

l\I.

de Saint-Aignan, qui ·ava it

discuté les termes de la note de Francfort, com–

ment auraÍt-il pu nier? Aussi se borna-t-il

a

balbutier quelques paroles qui prouvaicnt

l'em ~

barras de sa probité, et puis fous ces diplomates,

opposant aux raisons du ministre

fran~ais

une

sorte de clameur ·générale, . s'écrierent tous en–

semble qu'il ne s'agissait pas de pareilles ques–

tions, que ce n'était pas des propositions de

Francfort qu'on avait

a

s'occuper, mais de celles

de Cbatillon, que c'était sur celles-la et non sur

d'autres qu'il fallait se prononcer séance tenante,

que l'on n'avait pas mission de les discuter, mais

de les présenter, et de savoir si

el~es

étaient

agréées ou rejetées, et un pan de leur mantenu

a

la main, ils firent entendre que c'était la paix

ou la guerre, la guerre jusqu'a ce que mort s'en–

suivlt, qu'il s'agissait de

d~cider,

en répondant

sur-le-c.]Jamp par oui ou par non. M. de Cau–

laincourt, voyant qu'il n'y avait aucun moyen de

fairc expliquer des hommes qui voulaient un oui

ou un non , réclama le renvoi de la conférence,

ce qui fut accepté , llpres quoi chacun se retira.

!11.

de Caulaü1court était tour

a

tour saisi de

douleur, ou révolté cl'indignation, car dans les

propositions qu'on osait lui faire, Ja forme était

aussi ouLrageante que Je fond était désespérant.

Certes, Napoléon avait abusé de Ja victoire, mais

jamais a ce point. Souvent il avait beaucoup

exigé de ses ennemis, mais il ne les avait jamais

humiliés, et lorsque au lendemain de la journée

d'Austerlitz, Alexandre, qui allait étre fait pri–

sonnier avcc son armée, avait demandé grace

par un billet écrít au crayon, Napoléon avait

répon du avec une colU'toisie qu'on n'imitait pas

aujourd'hui. En tout cas, Napoléon n'étai t pas

la France, les torts de l'un n'étaient pas les torts

de l'autre, et.de.s gens qui mettaient la nt d'afl'ec–

tation

a

séparer Napoléon de la France,

a ur~ient

du ne pas punir sur celle-ci les fautes de celui-la.

Quoi qu'il en soit, M. de Caulaincourt voyait

bien qu'il fallait, si on voulait arréter les coali–

sés, prononcer ce mot si cl'liel d'acceptation

' pure et simple, et, pour leur fermer l'entrée 'de

Paris,

il

était pret

a

user des pom'OÍrs illimités

dont il était pourvu. Cet excellent ci-toyen, dé–

voué

a

Ja France et a la dynastic impériale, avaif

le tort en

<Je

moment (le premier du reste qu'on

put luí reprocher) de songer an tróne de Napo–

léon plus qu'a sa gloire. Il oubliait trop que

périr valait mieux pour Napoléon que d'aban–

donner les frontieres naturelles, que pour lui

c'était l'honneur, que pour la France c'était la

grandeur vraie, que, quelque abattue qu'elle füt,

on ne pourrait pas luí demander pire que ce qu'on

exigeait d'elle actuellement, qu'avec les Bour–

bons elle aurait toujours les frontieres de

1790,

que des lors, pour Napoléon comme pour elle,

il

valait autant risquer le tout pour le tout, et ce

noble personnage qui avait eu si souvent raison ·

contrc son maitre, n'avait pas cette fois un sen–

timent de la situation aussi juste que lui.

JI

était

done prét

a

céder'

a

une condition toutefois,

c'est qu'il serait assuré d'arretcr l'ennemi

a

l'instant meme. Mais céder sur tout ce qu'on

demandait sans avoir Ja certitude de sauver

Paris et le tróne impérial , était

a

ses yeux une

désolante humiliation sans compensation au–

cune. Dans son désespoir, s'adressant au seul de

ces plénipotentiaires .chez Icquel

il

cut aper<;u

l'homme sous le diplomate,

il

chercha 11

savoir

de lui si le cruel sacl'ifice qu'on exigeait suspen–

drait au moins les hostilités. Lord Aberdeen

auquel il avait cu recours, se défendant beau–

coup, suivant la consigne établie, de toute com–

munication privée avec le représentant de

Ja

France, lui

fit

entendre cependant qu'il n'y au–

rait suspension des hostilités qu'au pl'Íx d'une

acceptation immédiate et sans réserve, et seu–

lement

a

partir des ratifications. C'était presque

demander qu'on se rcndit sans condition, et

meme sans etre certain d'avoir Ja vie ·sauve,. car

dans J'intervalle des ratifications, une bataille

décisive pouYaÍt etre Jivrée, et Je sort de la

France résolu par les armes. Ce n'était done plus

Ja peine de recourir aux précautions de

Ja

poli–

tique, puisque par ca moyen on n'échappait pus

aux décisions de Ja force. Aussi, quoiqn'il eut

carte blanche,

il n'osa par formuler I'acceptation

qu'on voulait Jui arracher, et

il

écrivit au quar–

tier généra l pour faire part

a

Napoléon de ses

anxiétés. Mais le Jcndemain meme il re<;ut du

plénipotentiafrc russe l'étrange déclaration que

les séances du congrcs étaient suspendues. L'em–

pereur Alexandre, disait-on, avant de donner

suite aux conférences, voulait s'entendre de

nouveau avec ses alliés. Cette dernicre comrnu-