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LIVRE CJNQUANTE-DEUXI.EME. .
redoutahle qui s'appelait la coalition, et qu'a
aucun prix on n'au:rait voulu luí donner des
ombrages. Dire au représentant de la France,
ou entendre de luí quelque chose qui ne ftit pas
commun
a
tous les autres, eut semhlé une infi–
délité dont perSOl}De n'aurait osé se rendre cou–
pable. Lord Castlereagh, agissant en hornme au–
dessus. du soup9on, avait seul <lit et écouté
quelques p,aroles
a
part, dans ses diverses ren–
contres avec M. de Caulaincourt, et uniquement
pour répéter cette déclaration fastidieus e qu'on
souhaitaít
fa
paix, qu'elle pouvait etre conclue
en une heure si on voulait se mettre d'accord.
D'accord sur quoi? C'était la l'éternelle question
toujours restée sans réponse.
M. de Caulaincourt attendit ainsi quatre
mor~
tels jours sans obtenir aucune explication, mais
en 'devinant ce qu'on ne luí disait pas, et ce qui
l'avait po1·té
a
réclamer ítérativement de Napo–
léon des ínstructíons nouvelles. Le 5 février, on
échangea les pouvoirs, en déclarant que les re–
présentant3 des quatre principales puissances,
Russie, Prusse,
A
utriche,
Angleterre~
traite–
raient pour les di verses cours de l'Europe,
grandes et petites, avec Jesquelles la France
était en guerre, maniere de procéder plus com–
mode, mais qui révélait le joug commun pesant
sur tous les membres de la coalition, et, en merne
temps, on annon9a, par la houche du représen–
tnnt de l'Angleterre, que la question du droit
maritime serait écartée de la négociation, que
la
Grande-Bretagne entendait ne la soumettre a
personne, pas meme a ses alliés, parce que c'était
une question de droit éternel, ne dépendant pas
des résolutions passageres des hommes. On au–
rait volontiers dit qu'il y avait la un dogme sur
lcquel il n'était pas permis de transiger.
Ce n'était pas le cas de contredirc, car nous
avions en ce lllOment bien autre chose ;, dé–
fendre que Je droit q:iaritime. Pourtant
:M.
de
Caulaincourt présenta, pour l'honneur de lavé–
rité, quclques observations qui furent écoutées
avec un silence glacial, et auxquelles on ne fit
aucune réponse.
l\f.
de Caulaincourt n'insista
_ pas, et on passa outre. 11 fut convenu que pen –
dant
la
tenue de ce congres on produirait ses
propositions par notes, qu'on répondrait égale–
ment par notes, et que si elles devenaient l'occa–
sion d'observations verbales, un protocole tenu
avec exa,ctitude recueillerait ces
ob~ervations
immédiatement, ce qui était une nouvelle pré–
caution pour préyenir les défiances entre confé–
dérés.
.M.
de Caulaincourt, n'élevant aucune dif-
ficulté sur ces questions de forme, demanda que
l'on commenc;at enfin
a
cntrer dans
I-e
fond des
choses, et a énoncer les conditions de la paix.
On ne voulut ni ce memejour, nilejoursuivant,
entamer ce grave sujet, sous prétexte qu!on
n'était pas pret. Enfin le 7, apres avoir tant fait
attendre M. de Caulaincourt, l'un des plénipo–
tentiaires prenant
la
parole pour tous, Iut d'un
ton solennel et péremptoire la déclaration
sui~.
van te.
La France devait avant toute autre condition
rentrer dans ses limites de
1790 ;
ne plus pré–
tendre
a
aucune autorité sur les territoires si–
tués au dela de ces limites , et, en outre: ne point
se meler du partage qu'on allait en faire, de
sorte que non-seulement on Iui óterait la Hol–
lande, la Westphalie, l'Italie (chose assez natu–
relle), mais qu'on ne voulait pas qu'a litre de
grande puissance elle eut son avis sur ce que
deviendraient ces vastcs contrées, et on en agís–
sait ainsi tant pour ce qui était au dela du Rhin
et des Alpes, que pour ce qui était en de9a, de
maniere qu'en abandonnant la Belgique et les
provinces rhénanes, elle ne saurait meme pas ce
qu'on en ferait
!
Enfin il fallait répondre par oui
ou paF non avant toute espece de pourparler.
Jamais on n'avait traité des ' 'aincus avec une
telle insolence, et vaincus nous ne l'étions pas
encore, car
a
Brienne nous avions été vain–
que\]rs; a la Rothiere, 52 mille Fra nc;ais avaient,
pendant une journée entiere, tenu tete
a
170
milie
ennemis, et on n'avait pu ni envelopper ces
52 mille Frnn9ais, ni les écraser, ni leur enlcver
lcurs moyens de retraite
!
11
y
avait chez les assistants un tel sentiment
de J'énormité de ces propositions , que personne
ne prit sur soi de les comrnenter, les plus hos–
tiles d'entre eux craignant de les affaiblir par Je
commentaire, les plus modérés ne voulant pas se
charger de les justifier. Uu silence profond suc–
céda a cette communication. M. de Caulaincourt,
ayant peine
a
dominer son émotion, déclara
qu'il avait diverses ohservations
a
présenter, et
qu'il dcmandait qu'on les écoutat. Apres quel–
ques hésitations, on s'ajourna au s.oir du meme
jour, afin d'entendre M. de Caulaincourt.
Les observations sur cetle élrange communi–
cation s'offraient en foule
a
!'esprit. D'abord
comment les concilier avec les propositions de
Francfort, propositions incontestables, puisque
a la conversation nou désavouée de M. de Saint–
Aignan avait été jointe une note écrite qui les
résumait, puisque M. de Metternich, sur
la
ré-