BRIENNE ET l\fONTl\IIRAIL. -
FÉVRTER
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!'alarme était au comble et qu'il n'y avait plus
ríen a ménager,
il
prescrivait de renforcer avec
des palissades l'enceinte dite de l'octroi , de con–
struire également avec des palissades des tam–
bours en avant des portes, d'établir des redoutes
sur les emplacements déja désignés, de les cou–
vrir d'artillerie, et de placer derriere ces ou–
vrages improvisés la garde nationale armée de
fusils de chasse si !es fusils de munition man–
quaient. Quelle confiance n'eút-il pas éprouvée,
quelle liberté de manreuvre n'aurait-il pas
acquise, s'il avait eu ces magnifiques murailles
qui, grace a un roi patriote, entourent aujour–
d'hui Ja capitale de la France
!
· Napoléon avait séjourné du 5 au 8 février
a
Troyes d'abord, pliis
a
Ndgent, dans la pré–
voyance d'une faute de l'ennemi, de laquelle il
attendait son salut. Bientót ilcrut en découvrir les
premiers signes. Le lendemain, en effet , de la
bataille de la Rothiere, les coalisés avaient as–
semblé a Brienne un grand conseil pour exami–
ner que! parti on devait tirer de la situation de
Nápoléon qui leur semblait désespérée. Ce
n'était pasa une force de 50 mille hommes qu'on
l'avait supposé réduit apres la bataille de la
Rothiere, mais
a
celle de 40
a
50 mille, -s'éle–
vant peut-etre avec Mortiera 70 mille, et, en cet
état., si au-dessus pourtant de la réalité, on le
tenait pour perdu, moyennant, se disait-on,
qu'on ne commit pas de trop grandes fautes.
Apres bien des discussions, les opérations sui–
vautes avaient été résolues.
Quelle que fút la supériorité qu'on eút sur
Napoléon, on craignait toujours de le rencontrcr
face a face, et de risquer le sort de la gucrre en
une bataille déeisive. On voulait done manreu–
vrer, et l'aceuler sur Paris, en y amenant sucees–
sivement toutes les armées de la coalition, pour
l'aecabler sous une masse éerasante d'ennemis ,
comme on avait fait a Leipzig. 11 y avait, sur la
droite des alliés, des forces laissées au blocus des
places. C'étaient, eomme nous l'avons dit, le
corps d'York resté devant Metz, celui de Lange–
ron devant Mayence, eelui de Kleist devant Er–
furt. Ces corps , r·emplacés actuellernent par
d'autres troupes et pres d'arriver sur la Marne,
comprenaient, celui d'York, 18 mille hommes,
celui de Langeron, 8 mille (la moitié de ce corps
était seule disponible), celui de Kleist, 10 mille,
c'est-a-dire envi'ron 56 mille hommes, sans
compter le corps de Saint-Priest, et divers dé–
taehements de Bernadotte qui refluaient tous
en ce moment vers la Belgique. 11 n'était pas
possible de laisser les corps d'York, de Lange–
ron, de Kleist, isolés sur la Marne, a portée
des coups de Napoléon, et de ne pas les faire
concourir au hut commun. 11 fut convenu que
Blucher irait les rallier avec les 20 et quelques
mille hommes qui lui restaient, ce qui reporte–
rait a environ 60 mille l'aneienne armée de
Silésie, et lui constituerait une situation indé–
pendante. Blucher manreuvretait a la tete de eette
armée sur la
~farne,
et, en refou]ant J\facdonald
sur Chalons, l\'Ieaux et Paris, il se trouvcrait sur
les derricres de Napoléqn, qui par
la
serait
obligé de se replier. Alors le prince de Schwar–
zenberg , qui aurait encore au moins 150 mille
hommes apres le départ de Blucher, suivrait
Napoléon pas
a
pas dans sa retraite. Si Napo–
léon revenait sur Je prince de Schwarzenberg,
Blucher en profiterait pour faire un nouveau
pas en avant, et en
avan~ant
ainsi les uns le
long de la Seine, les autres le long de la l\'Iarne,
on finirait, eorome ces rivieres elles-memes, par
se rencontrer sous Paris, et par accahler Napo–
léon sous la masse des forces de l'Europe réunies
autour de la capitale de la France. En attendant
on était si forts, meme séparés, que si Napoléon
voulait tomber sur l'une des deux armées alliées,
on lui tiendrait tete. Blucher, avec 60 mille
hommes, croyait n'en avoir rien a craindre. Le
prince de Schwarzenberg, beaucoup moins pré–
somptueux, croyait pouvoir lui résister avec ses
150 mille hommes. D'ailleurs,
a
la distance ou
l'on était de Paris, la Seine et la l\farne étaient
assez rapprochées pour que de l'une a l'autre on
pút se donner Ja main, surtout en ayant une
nombreuse cavalerie. 11 fut convenu, en effet,
que le prince de Wittgenstein se tiendrait sur
l'Aube, ou
·il
serait lié par les 6 mille Cosaques
du général Scsliavin, d'un coté a Blucher qui dc–
vaitmarcher sur
la
Marne,et de l'autre au prince
de Schwarzenberg qui devait marcher sur la
Seine. Avec de telles précautions on ne redou–
tait aucun maJheur, aucun de ces accidents sur–
tout au xquels il fallait s'attendre quand on avait
affaire au génie si imprévu de Napoléon. Oo se
contenta done de ce qu'elles avaient de spé–
cieux, et Blucher qui voyait dans la combinaison
adoptée son indépendance, la chance d'arriver
le premier
a
Paris, ScJnvarzenberg qui s'en pro–
mettait la délivrance du plus incommode, du
plus impérieux des collaborateurs, y consenti–
rent également.
Par suite de ces disposi tions, Bluchcr se porta
le 5 de Rosnay sur Saint-Ouen, le 4 de Saint-
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