BRIENNE ET MONTJ\flRAIL. --
FEVRTEU
1814.
5815
vernement de l'Espagne. Le duc de San-Carlos
avait vu
a
Aranjuez !c·s membres de Ja régence
et les principaux personnages des cortes. La ré–
ponse n'avait été de leur part l'objet ni d'un
doute ni d'une hésitation. D'abord aucun d'eux
n~
voulait se séparer des Anglais avee lesquels
ils espéraient bien tót envahir le midi dela Franee;
ensuite ils n'étaient pas pressés de recouvrer
Ferdinand VII et de lui rcmettre un pouvoir
qu'ils lui avaient conservé, et dont il était facile
de prévoir qu'il ferait bientót un f:icheux usage.
On avait, par ce do uble motif', refusé d'adhérer
a
un traité conclu en état de captivité, et avee des
protestations infinics de regret, d'obéissance, de
dévouement, on avait déclaré qu'on ne reconnai–
trait la signature du roí que lorsqu'il serait
sur le territoire espagnol, en pleine jouissance
de sa liberté. On invoquait d'ailleurs pour ré–
pondre de la sorte un titre fort spécicux, c'était
un article de la Constitution de Cadix, qui disait
expressément que toute stipulation du roi sous–
crite en état de captivité serait nulle. On avait
done renvoyé le duc de San-Carlos
a
Valen<¡ay
avec cet article de la Constitution, et le malheu–
reux Ferdinand en avait con<;u un véritable dés–
espoir.
Il n'y avait plus
a
hésiter, et mieux valait cou–
rir la chance d'etre trompé, mais courir aussi la
chance de h'ouver· Ferdinand VII fidele
iJ.
sa pa–
role, que de le retenir prisonnier, ce qui nous
constituait forcément en guerre avec les Es–
pagnols, et nous obligeait de laisser sur l'Adour
des troupes dont nous avions le plus pressant
besoin sur la l\iarnc et la Seine. En conséqucnce,
Napoléon ordonna de délivrer Ferdinand YII
avec les autres princes espagnols détenus
a
Va–
len<;ay, de les envoyer sur-le-champ auprés du
maréchal Suchet, d'exiger d'eux un cngagement
d'honneur a I'égard de la fidele exécution du
traité de Valcn<;ay, <(t de tacher ainsi de recou–
vrer au moins les garnisons de Sagonte, de l\'Ie–
quinenza, de Lérida, de Tortose, de Barcelone,
qui repasseraient immédiatement les Pyrénées.
_ Si le maréchal Soult, r etenu
iJ.
Bayonne par la
présence des Anglais, ne pouvait etre ramené
sur París, le maréchal Suchet qui n'était pas dans
le méme cas, qui avait devant lui une armée in–
finiment moins redoutable, pouvait étre ramené
sur Lyon. Napoléon lui preserivit de nouveau
d'y acheminer toutes les troupes qui ne seraient
pas indispensables en Roussillon, et de se prépa–
rer
ay
marcher lui-méme avec le reste de son
armée. Si le maréchal Suchet arrivait
a
Lyon
CONSULAT.
a,
avee 20 rnille 110mmcs, le prince Eugene avec
50 mille, le sort de la guerre était évidemment
changé, car les eoalisés ne demeureraient pas
entre Troyes et París, lorsque 1JO mille vieux
soldals remonteraient de Lyon sur Besarn;on.
Ces ordres expédiés pendant les journées des4,
5, 6, 7 février, journées que Napoléon employait
a
surveiller les mouvements de l'ennemi, il en
donna aussi quelques autres relatifs
a
la déjense de
París. L'alarme allai t croissant dans cette capitale
a
ehaque pas rétrograde du maréchal Macdonald
sur la
~farne,
car lesfuyards de l'armée et des cam–
pagnes répandaient l'épouvante en se rctiran t.
Joseph avait réclamé des instruetions au sujet de
l'impératrice, du roi de
Rome~
des princesses de
la famille impériale, et demandé s'il fallait, eneas
de danger, les gardcr
a
Paris. Il n'était pas ques–
tion assurément d'évacuer París; Napoléon avait,
au contraire, ordonné de s'y défendre jusqu'a
la dernierc extrémité; mais devait-on, si l'en–
nemi paraissait, y laisser l'un des princes avec
des pouvoirs cx traordinaires et l'ordre de résis–
ter
a
outrancc, puis envoyer derriere la Loire la
famille impérialc, l'impératrice, le roi de Rorne,
les ministres, les principaux dignitaires? On dis–
cútait tout haut cette qucstion dans les rues de
la capitale, ce qui montre
a
que! point était por–
tée l'agitation des esprits. Louis, ancien roi de
Hollandc, rentré en France depuis les malheurs
de son frere, avait proposé, si on faisaít sortir de
París la cour et le gouvernement, de s'y cnfer–
mer et de s'y bien défendrc, ce dont
il
était cer–
tainemer.t tres-eapable. Bcaucoup de gens fort
sensés étaient d'avis de ne pas faire partir l'im–
pératrice et le roi de Rome, car leur dépar·t se–
rait considéré comme une sorte d'abaudon de la
capitale, qui blesserait et alarmeraitles Parisiens,
et scmblcrait y préparer le vide pour le remplir
. bientót au moycn des Bourbons. l\i. de Talleyrand,
qui voyait clairement s'approcher le regne de
ces princes, qui avait re<;u bien des assurances
secretes de leurs bonnes dispositions
a
son égard,
qui, saos les aimer, saos avoir confiance dans
leurs lumi eres, songeait arelrouveraupres d'eux
la faveur perduc auprcs de Napoléon, ne voulait
cependant pas se compromettre trop tót et trop
irrévocablement avec celui-ci, mettait beaucou p
de zele apparent
a
seconder Joseph et l'impéra–
trice, et cherchait
a
prouver ce zele en donnant
les conseils selon luí les meille1Jrs. Ora ses yeux
faire partir l'impératrice de París , c'élait livrer
trcs-imprudemment la place aux Bourbons, qui
auraient pour cux le prcstige de vingt-quatre
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