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LIVRE CINQUANTE ..DEUXnhrn.
singuliere ruse cnvers lui-mcme, envers l\f. de
Caulaincourt, e.nvers l'honneur tel qu'il le corn–
prenait, car dans l'état des choscs,
il
ne concé–
daít rien ou concédait l'abandon des frontiercs
naturellcs; singuliere ruse, et, nous ajouterons,
unique faiblesse de ce grand caractere, qui lui
fut arrachée par les instanees de ses lieutenants
et de ses ministres, et qui, du reste, eomme on
le vcr1·a bicnlót, ne fut que tres-passagcre!
Cettc autorisation expédiéc
:1
l\I.
de Caulain–
cour-t, il <4inna quelques ordres adaptés
a
Ja cir–
constance extreme ou
i l
se t1·ouvait. Le silence
obstiné qu'il avait gardé envers 1\furat avait enfin
décidé ce dernier
a
traiter avec l'Autrichc. C'était
une défection aussi condamnable que celle de Ber–
nadotte, rnais amenée par de moins mauvais
sentimenls. La Jégereté, le besoin insatiable de
régncr, la pcur, une vive jalousie eontre le prince
Eugcne,- avaient troublé et entraíné le creur de
Murat. Sa femme,
il
faut le dire, élait plus cou–
pable que lui , ear, liée envers Napoléon par des
<levoirs pius étroits, elle avait, tout en affectant
aupres du ministre de France la
dou ~eur,
l'im–
puissanee de rien empecher, mené la négocíation
par l'intermédiaire de
M.
de l\fetternich
1
•
Les
conditions de la défection étaient les suivantes .
l\'Iurat conserverait Naples, et renoncerait
~1
la
Sicile dont il serait dédommagé par une province
dans la terre forme d'Halie. Il prornettait en
retom· de marcher avee trente mille hommes
contre le pl'ince Eugene. I1 avait tenu parole,
s'était avancé vers Rome, puis avait envoyé une
division sur Florence, une autre sur Bologne,
sans dire précisément ce qu'il allait faire , car il
lui restait assez de bons sentiments pour rougir
de sa conduite, et assez de ruse pour laisser
ignorer aux officiers franc;ais, dont il avait grnnd
hesoin, qu'il allait les employer contre la Fr ance.
ll avait demandé au général Miollis de lui livrer
le cbateau Saínt-Ange,
a
la princesse Élisa de lui
Ji vrcr la citadelle de .Livournc , prétend·ant que
ces occupations étaicnt nécessaircs aux desseins
de l'empereur. Le général Miollis et la princessc
Élisa avaient refusé.
Ces détails avaient inspiré
a
N;;¡poléon une
irritation fucile
a
concevoir, mais íl l'avait dissi–
muléc dans l'intéret des nombreuxFranc;ais rési–
dant en Halie. II avait ordonné au <luc d"Otrantc
de se rendre de nouvcau au quartier général de
l\f
urat, pour stipuler la reddition des postes for-
1
Ce fail, si lriste au milieu de lan l d'au tres, ne peul plus
clre
mis en rloutc dcpuis
la
publication des papicrs
de
lord
tifiés que demandait le roi de Naples, a eondi–
tion que les.Franc;ais scraient protégés da ns Jeurs
personnes et lcurs propriétés . l\'Iais il avait juré
dans son creur de se venger d'une si noire ingra–
tilude, et
il
imagina lout de suite de susciter a
l\forat un embarras qui ne pouvait manqucr
d'etre tl'es-sérieux. Dans son traité avcc J'Au–
Lriche, Murat, sous l'indicalion assez vague d'unc
provincc dans la terre ferme d'Ilalie, avait cs–
péré eomprendre tout le centre de Ja Péninsule.
Or, lui cnvoyer le pape en ce moment, c'étaiL
créer
a
son ambition un obstaclc presque insur–
rnonlable. Napoléon avait, comme on J'a vu, ache–
miné Pie VII vers Savone, et sur toute Ja ·route
le _pontife avait été r ec;u par les populations avec
des témoignages empressés de r espect et d'atta–
ehcment.. Napoléon ordonna de le conduire aux
ava nt-postes avee les égards dont on ne s'étai.t
jamais écarté, en lu i déclarant qu'il était libre
de retourner
a
Rornc. Ainsi finissait cet autre
drame, si semblable
a
celui d'Espagne, par le
renvoi du prince dont on avait voulu pren<lre
les États en prenaot sa personne, et qu'on était
trop heureux de délivrer aujourd'hui, dans !'es··
poir de tirer qu elquc moyen de salut de I¡:¡ plus
triste des rétractations !
Ce qui importait plus que Murat et le pape,
e'était de pro fi ter de l'occasion pour abandonner
l'Italie
a
elle-mcme, autre r étractation bien tar–
dive, mais bien utile si elle avait été faite
a
pro–
pos
!
Tant que :l\'I urat était inactif, le prinee
Eugcne pouva it, en se défendant sur l'Adige, se
maintenir en Lombardie, malgré quelques des–
cenles des Anglais s ur sa droile et ses derricres;
mais Murat venantle prendre
a
revers parla droite
Ju Pó,
il
n'y avait pas moyen pour lui de résis–
ter davantage, et Napoléon lui prescrivit de se
retirer en toute habe sur Turin, Suze, Grenoble
et Lyon, pour venir au secours de Ja France!
dont Ja conservation importait bien autrement
que celle de l'ltalie.
Occupé ainsi
a
défaire ee qu'i l ava iL fait, Na –
poléon donna ses derniers ordres par rapport a
Ferdioand VII, qui hrUlait toujours d'impatience
de reeonquéril' sa liberté. On vcnait. enfin d'a–
voir des nouvclles du duc de San-Carl os . Il avait
rencontré en route la r égence d'Espag ne, qui,
apres avoir hésité longtemps
~
quitter Cadix,
s'était décidée
a
r evenir
a
Madrid, pour siégcr
la meme ou depuis trois siecles résidait le gou-
Castlcreagh. On
y
voil , en cfTcL, qne c'csl la reine qui avait
élé l'agcnl principal de In né:;ociation.