BRIENNE ET l\JONTMIRAIL. -
FÉVlllER
-1814.
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terie, pourpouvoir la protéger, et, apres s'en etre
serví, on l'abandonnait, ·en se contcntant de sau–
ver les canonníers et les attelages. Du reste, tan–
dis que le centre, composé de la garde, "1e la
cavalerie et des débris de Víctor, se retiraít sans
etre entamé, la gauche sous i\'Iarmont se dérobait
tres-heureusement
11
travers le bois d'Ajou, et
Ja droite, sous Gé1·ard, qui s'était montrée iné–
branlable
a
Dienville ; se replíait sans échec le
Jong de l'Aube, apres avoír tué ou blessé un
nombre considérable d'hommes
a
l'ennemi.
Ainsí se termina
cet.teterrible journée oú la
résistance de 52 mille hommes contre
'170
mille,
dont
100
mille engagés, fut, on peut le dire, un
vrai phénomene de guerre. Cette résistance était
due a l'habileté et
a
l'énergie du général Gérard,
au bon emploi que le maréchal l\'Iarmont avait
fait de son artillerie, au dévouement héroi:que
des maréchaux Oudinot et Victor, et par-dessus
tout
a
la ténacité indomptable de Napoléon. Sans
son caractére de fer,
il
aurait été précipité dans
l'Aube. Sa tenue étaít de nature a faire réfléchir
l'ennemi, et sauvait pour le moment sa situation.
Il avait perdu environ
1)
mille bommes en tués
ou blessés, et en avait mis hors de combat 8 ou
9 mille aux alliés, grace
a
l'avantage de la posi–
tíon et au grand emploí de l'artillerie, différence
qui était une satisfactiou sans doute, mais un
faible succés militaire, car les moindres perles
étaient pour nous bien plus sensibles, que les
plus considérables pour la coalition. Notre sacrí–
fice en artillerie fut d'une cinquan taine de bou–
ches
a
feu; mais presque sans perte d'artilleurs
ou de chevaux
1,
ce qui prouvait que c'étaient
bien plutót des pícces abandonnécs que des
pieces conquises par l'ennemi. Napoléon n'avait
livré ce combat si disproport.ionné que pour cou–
vrii: sa re traite : dans la nuit,
il
passa sans confu–
sion
le
pont de Lesmont, et gagna Troyes en bon
ordre. Comme il lui fallait toute la nuit pour
défiler, et qu'il pouvait etre assailli par l'ennemí
a
la pointe du jour,
il
laissa le corps de Marmont,
qui ne se composait que de la
divisio~
Lagrange,
sur la droite de l'Aube et sur la hauteur de
Perthes, de maniere
a
persuader a Blucher qu'e
l'armée
fran~aise
ét.ait la tout entíere prete a
combattre de nouveau.
Ce
corps ne courait au –
cun danger bien sérieux, car il avait pour se
couvrir la petite riviere de la Voire, étroile mais
profonde, dont
il
possédait les ponts, et derriere
1
L'ennemi parla de 2,000 ou 2,500 prisonniers. C'élaient
des blessés que
nou~
abandonnions, faule de pouvoir les em–
mener, et non point de vrais prisonniers pris en ligne.
Jaquelle Íl était assuré
de
trouver un asile des
qu'il serait trop vivement attaqué.
Le lendemain,
en
effet, l'ennemi, fatigué du
combat de Ja veille, et s'éveillant un peu tard,
s'avan~a
d'un cóté vers le pont de Lesmont, de
l'autre vers la hauteur de Perthes, et demeura
daos une sorte de doute en voyant le corps de
l\farmont en bataille. Tandis qu'il se demandait
ou était l'armée
fran~aise,
elle achevait de défiler
tout pres
de
Jui par le pont
de
Lesmont, et Mar–
mont lui-meme, apres avoir suflisamment con–
tribué
a
son illusion, se dérobait en passant la
Voire a Rosnay.
-
Cependant Marmont fut suivi sur Ja Voire
par Je maréchal de Wrede. Aprcs avoir occupé
asscz longtemps la hautcur de Perthes , et y avoir
fait bonne contenance,
il
avait traversé le pont
de Rosnay sous les ycux des Bavarois, et s'était
haté de le détruire. l\'Iais, serré de tres-pres.
il
n'avait pu enlever que
le
tablíer du pont, et en
avait laissé subsister les pilotis, dontla tete
per~ait
de quelques píeds au-dessus de l'eau. Pendant
qu'il mettait en hataille de l'autre cóté de la Voire
le
peu de troupes qui lui restaient,
il
aper~ut
au–
dessous de Rosnay des détachcments ennemis
exécutant une tentative de passage. 11 envoya
d'ahord de Ja cavalerie pour s'y opposcr; puis,
ayant reconnu que la cavalerie ne suflisaít pas,
et qu'une troupe de deux
a
lrois mille hommes
avait déja franchi la riviere, il y accourut lui–
meme avcc quelques centaines d'hommes, car si
ce passage n'était pas interrornpu , son corps
pouvait se trouver coupé de l'Aube et de Napo–
léon , des lors rejeté au milieu des corps de
Wittgenstein et d'York,
c'est·~-dire
enveloppé et
pris. Sur-le-cbamp, il se précipita, l'épée
a
la
main, sur Je détachement qui avait passé la Voire
au moycn de quelques pieux et de quelques
planches, l'attaqua brusquement, et le refoula
sur la ríviere. Sa cavalerie,
a
cet aspcct,
fit
une
charge
a
outrance, et en un clin d'reil on sabra
ou prít un millier d'hommes. Cet exploit accom–
pli au-dessous de Rosnay, :Marmont fut rappelé
a
Rosnay méme par une tentative
a
peu pres
semblable. Prévoyant qu'un passage pourrait etre
essayé par ce pont
a
moitié détruit,
il
y
avait
embusqué un capitaíne d'infan.terie fort intelli–
gent avec sa compagnie. Celui-ci avaít laissé
passer un
a
un, sur les appuis du pont ¡.¡rivés de
tablier, un certain nombre d'hommes, puis les
avait fusillés
a
bout porlant. l'\farmont arriva pour
les
achever. Ainsi un corps de 5 mille
Fran~ais
environ, c'était, en effet, ce qui restait
a
l\farmont