Table of Contents Table of Contents
Previous Page  393 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 393 / 616 Next Page
Page Background

BRIENNE ET l\iONTMIRAlL. -

Ftvnrnn

i814.

585

coalisés s'était diviséc, et avait jeté une de ·ses

ailes sur la Marne. C'est ce qu'il aváit toujours

désiré et toujours cspéré. Aussi avait- il porté

l\farmont vcrs Arcis-sur-Aube (voir la cartc nº 62),

et Jui avait-il enjoint de pousser des reconnais–

sances sur Sézanne, sur la Fere-Champenoise,

pour se tenirau courant de ce que faisaitl'ennemi,

et etre toujours en mesure de profiter de la

premicre faute.

Ccpendant

il

fallait qu'il répondit aux suppli–

cations de Berthier, de

l\'I.

de Bassano, de l\f. de

Caulaincourt, et surtout aux alarmes de Paris.

Des latitudes pour traiter ?... demandait-il ;

qu'entendait-on par ces cxprcssions ?... Enten–

dail-on des sacrifices en Hollandc, en Allemagnc,

en Italic, il était prct

a

les faire. Le Wahal, il

l'abandonncrait, pour revenir

a

la l\fouse et

a

l'Escaut, mais pourvu qu'il gardat Anvers.

11

sa–

crifierait Cassel: Kchl, quoique ces points fussent

de vrais fauhourgs de l\fayence et de Strasbourg,

et démuntelerait méme l\fayence pour rassurer

l'Allemagne, mais

a

condition de conscrver le

Rhin. En Halié, il renoncerait

a

tout, memc

a

Genes, pourvu qu'il conservat les Alpes, et, s'il

était possible, quelquc chose pour le fidelc prince

Eugene. Mais consentir

a

recevoir moins que la

France, la véritable France, celle dont la révolu–

tion de

1789

avait fixé les limites, c'était se dés–

honorer .saos espérance de se

sa~1ver.

Au fond,

disait-il, on ne voulait plus traiter avcc lui; on

vou)ait détruire, luí, sa dynastie, surtout la ré–

volution franc;aise, el les proposilions de négo–

cier n'étaicnt qu'un ]curre. Si dans la nouvclle

offre de traitcr on apportait -quelque sincérité,

c'est que probablement on lui préparait des con–

ditions tellement humiliantes qu'il en serait dés–

honoré, et que le déshonneur scrvirait de garan–

tie contre son caraclere et son génie. Mais con–

sentir

a

de te11es choscs était de sa part impos–

sible ! Descendre du tróne, mourir meme, pour

luí qui n'était qu'un soldat, était pcu de chose en

comparaison du déshonneur. Les Bourbons pou–

vaient accepter la France de

1790;

ils n'en

avaient jamais connu d'autre, ctc'était celle qu'ils

avaient eu la gloire de créer . l\iais lui , qui avnit

rec;u de la République la France avec le Rbin et

les Alpes, que répondrait-il aux républicains du

Directoirc, s'ils lui renvoyaient la foudroyante

aposlrophe qu'il leur avait adressée au

18

bru–

maire? Ríen, et il resterait confondu

!

On lui -de–

mandait done l'impossible, car on lui demandait

son propre déshonneur.

Oserons-nous le dire, nous qui daos ce long

récit n'avons cessé de bJamer la politique de Na–

poléon , qui avons trouvé inutilc, peu sensée,

funeste enfin toute ambition qu·i s'élendait au

dela du Rhin et des Alpes? II nous semble que.

pour cette fois Napoléon voyait plus juste que

- ses conseillers; mais, comme il arrive loujours,

pour avoir eu tort trop longtemps, il n'élait plus

ni écouté ni cru lorsqu'il avait raison. Ses diplo–

matcs désillusionnés trop tard, ses généraux ex–

ténués de fatigue, le conjuraient de rester empe–

reur de n'importc qucl empire, parce- que, luí

demcurant empereur, ils demeuraient ce qu'ils _

avaient été.

La

Francc était moindre, mais elle

restait grande encore, parce qu'elle restait la

France, et eux ne perdaicnt ríen de leur éléva–

tion indi viduelle. Aleurs yeux, le Rhin, les Alpes,

constituaient pcut-ctre la grandeur de Napoléon

et de la France, mais nullemcnt leur grandeur

personnellc : triste raisonnement, que

la

lassi–

lud c rendai t excusable chez des militaires épui–

sés, la crainte chez des diplomates juslcment

alarmés

!

Sans doutc les conqueles que Napoléon

avait faites du Rhin

a

la

Vistulc, des Alpes au

détroit de Messine, des Pyrénécs

a

Gibraltar, ne

valaient pas le sang qu'clles avaient couté, et

n'auraicnt pas meme méritéqu'on fitcoulcr pour

elles le sang d'un seul homme. Au contrairc, pour

gardcr les fronti cres uaturelles de la Frunce, on

pouvait demander

a

ses soldats de verser jusqu'a

la <lerniere gouttc d-e leur sang, on pouvait de–

mandcr a Napoléon de risqucr son trónc et sa

vie, et, sclon nous, apres tant d'crrem·s, aprcs

tant de folies, de prodigalités de tout genrc, il

avait scul raison, quand

il

disait qu'on exigeait

son honneur en exigeant qu'il cédat quelquc

chose des frontieres naturelles de la Francc, de

cclles que la Ilépublique avait conquises, et

qu'elle lui avait transmises en dépót. Mais les uns

par affection, les autres par fatigue, cerlains par

le désir de se conserver, lui disaient : Sauvez,

sire, votre tróne, et en le sauvant vous aurez

tout sauvé.

Les assauts furent rucles et r épétés. Enfin, les

alarmes croissant d'heure en heure, Napoléon ne

voulant pas préciser les sacrifices, comptant sur

la fierté de M. de Caulaincourt, sur son patrio–

tisme, lui envoya

carte blanche

(expression tex–

tuelle).

11

espérait avec raison que, le coonais- ,

sant comme il le connaissait, M. de Caulaiocourt

n'y verrait pas l'autorisation de faire les derniers

sacrifices, et que cependant s'il fallait de grandes

concessions pour arracher la capitalc des mains

de l'ennemi, il serait libre, et pourrait la sauver: