BRrnNNE ET l\JONTl\IIRAIL. -
Fflvnrnn
1814.
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fallait pas découvrir Paris du cóté de la Seine.
Napoléon laissa sur lá Seine le maréchal Víctor
avec le
2e
corps, les généraux Gérard, Harnéli–
naye avec leurs divisions de réserve, et derriere
eux,
a
Provins,
le
maréchal Oudinot avec la
division de jeune garde Rothenhourg, et ]es
troupes tir-ées de l'armée d'Espagne. Ví ctor élait
chargé de défcndre la Seine de Nogent
[1
Bray,
et Oudinot devait venir l'appuyer at1 prcmier
retentissement du canon. Pajol, avec les lrntaillons
arrivés de Bordeaux, avec les gnrdes nationales
et sa cavalerie, devait ,·eillcr sur Mon lereau elles
ponts de l'Yonne jusqu'a Auxerrc. Enfin les deux
divisions de jeune garde, dont l'organisation
s'achevait
a
Paris, avaient ordre de se placer entre
Provins et Fontainebleau. Ces troupes réunies ne
comprenaient pas moins de 50 mille hommes, et
rangées derrierc la Seine, dans le contour que
cette riviere décrit de Nogent
a
Fontainebleau ~
elles devaient donner
a
Napoléon le temps de
revenir, et de faire contre Schwarzenberg ce
qu'il aurait fait contre Blucber. Ces plans étaient,
au moins, aussi spécieux que ceux des généraux
ennemis. Restait
a
savoir lesquels répondraient
véritablement aux distance,S, au temps, aux cir–
constances actuelles de la guerre. Napoléon par–
til le 9 avec sa vieille garde, pour se transpo1·ter
de Ja Seine
a
la l\'Iarne, recommandant
a
tout le
monde un secret absolu sur son absence. Plein
d'espérance, il écrivit quelques mots
a
M.
de
Caulaincourt pour relever son couragc, et pour
l'engager
a
user moins li brement de la
carte
blanche
qu'il lui avai t donnée, saos pourtant la
lui retirer. En effet, s'il réussissait, les conditions
de la paix devaient etre bien cbangées. Ainsi en
partant il emportait avec lui les destinées de la
France et les siennes !
Pendant qu'il était en marche, notre infor–
tuné plénipotentiaire endurait,
a
Chatillon, les
plus grandes douleurs que puisse ressenlir un
honnete homme et un bon citoyen, et essuyait
des traitements qui lui faisaient monter la rou–
geur au front.
Les diplomates de la coalition étaient succes–
sivement arrivés, le 5 et le
q_,
février, a Chatillon,
et s'étaient empressés d'échanger des visites avec
l\'I. de Caulaincourt, en témoigoant pour lui des
égards qu'on a:fieetait de n'accorder qu'a sa per–
sonne. 11 fut convenu que le 5 chacun pro–
duirait ses pouvoirs, et que les jours suivants
commenceraient les négociations. En attendant,
1\1. de Caulaincourt ayant es ayé dans les repas,
dans les soirées ou l'on se rencontrait, d'obtenir
quelques confidenccs, trouva les membres d u
congres polis, mais impénét.rables. Le seul d'entrc
eux auquel il aurait pu s'ouvrir, en s'autorisant
des communications secretes de
l\f.
de Metter–
nich, M. de Stadion, ministre autrichien, était
un ennemi personnel de la France, et un repré–
sentant malveillant d'une cour bienveillante. Au–
dessous de lui ,
M.
de Floret, moins élevé en
grade, mais plus amical, parlait peu, soupirait
souvent, et laissait entendre qu'on avait eu gra nd
tort de livrer la bataille de la Rothiere, car la
situation s'en ressentirait beaucoup. Quant aux
conditions elles-mémes, qu'on ne pouvnit pas
cependant nous cacher longtemps,
l\I.
de Floret
n'en disait pas plus que les autres.
l\L
de Rasou–
moffski, autrefois !'interprete des passions russes
a
Vienne, était presque impertinent dans tout ce
qui ne se rapportait pas
a
la pcrsonne de
l\L
de
Caulaincourt.
l\f.
de Humboldt ne manifestait
ríen, mais on devinait en lui Je Prussien,
a
la
vérité tres-adouci. Les plus convenables de tous
ces ministres étaient les Anglais, surtout lord
Aberdeen, modele rare par sa simplicité, sa
gravité douce, du rcprésentant d'un État libre.
Lord Castlereagh, ne devant pas prendre part aux
conférences, mais venant les di riger en maitre qui
ordonne sans se montrer, avait étonné
l\'J.
de
Caulaincourt par ses assurances pacifiques et par
ses protestations de sincérité. Il insistait si forte–
ment et si souvent sur la résolution arretée de
lrailer avec Napoléon, qu'on ne pouvait s'empé–
cher
d'y
reconnaitre le calcul ordinaire des An–
glais, de paraitre faire une guerre d'intérét pure–
ment national et non une guerre de dynastie.
Aussi répétait-il sans cesse qu'on pouvait étre
d'accord tout de suite, et qu'il suflisait, si on le
voulait, d'une hcure d'explication. Mais d'accord
sur quelles bases? La-dessus personne ne consen–
tait a devancer d'un seuljourladéclaration solen–
nelle
des
conditions de la paix. Elles étaient done
bien dures, se disait M. de Caulaincourt, puis–
qu'on n'osait pas les produire, et qu'on voulait
les promulguer, sans doute comme une loi de
l'Europe
a
laquelle
il
n'y aurait pas de contra–
diction a opposer
!
Toutes les fois qu'il cherchait
a
provoquer quelque confidence de la part de
l'un des plénipolen tiaires, si par grande excep–
tion on l'avait laissé seul avec l'un d'entre eux,
celui-ci rompait l'entretieu. S'il était avec
plusieurs, celui qu'il avait essayé d'aborder éle–
vait la voix, pour qu'on ne put pas croire
a
des
intelligences secretes avec la France. Il était évi–
dent qu'avaot tout on craignait cet étre idéal et