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BRIENNE ET MONTMIRAIL. - ··

FÉVRIER

18t4.

59ts

commandant ce corps, venait d'apprendre que

Napoléon arrivait a la tete de forces considéra–

bles; il se sentait dans un péril extreme, et en

était fort troublé.

Napoléon était accouru aupres de Marmont,

dont l'infanterie marchait en avant, flunquée par

le 1

er

corps de cavalerie. L'essentiel était d'at–

teindre au plus tót la route de l\fontmirail, et de

passer sur le corps de l'ennemi qui l'occupait.

Dans tous les cas, la manreuvre- était de grande

conséquence, car si Blucher s'était déja porté en

avantsurnotre gauche dans la direction de Mcaux,

on le coupait de Chalons et de sa ligne de rctraite;

s'il était resté en arriere sur notre droite, on le

séparait de ceux de ses lieutenants qui l'avaien t

devaneé, et on pénétrait ainsi au sein meme de

l'armée de Silésie, avec certitude presque enticre

de la détruire piece a piece . Lorsque Napoléon

survint,\ Marmont venait de diriger le

1

cr

corps

de cavalerie en avant

a

droite; Napoléon larn;a

dans la meme dircction le général de Girardin

avec les deux escadrons de service aupres de sa

personne, pour disperser quelques groupes qui

se retiraient sur la route de Chalons. L'ennemi

a cette vue, sentant redoublcr ses inquiétudes,

précipita sa retraite. Marmont, avec son infan–

terie, le poussa vivement sur Champaubert, et le

général Doumerc, avec les cuirassiers, le chargea

dans la plainc a droite. Mis en complete déroute,

les Russes se jeterent en désordre dans Champ–

aubert. l\farmont y entra bai:onaette baissée a

la tete de l'infanterie de Rieard, tandis que les

cuirassiers de Doumerc, tournant a droitc, cou–

paient lacommunication avec Chalons. Olsouvieíf,

expulsé de Champaubert par notre info.nterie, et

rejeté sur notre gauche par les cuirassicrs, était

a

la fois séparé de Blucher qui était resté en ar–

riere

a

Étoges, et rcfoulé sur l\fontmirail ou il

n'avait d'autre ressource que de se réfugier vers

Sacken, Jeque! était fort loin et pouvait bien

avoir déja cherché asile dcrricre la Marne. Dans

cet embarras, Olsouvieff s'élait retiré pres d'un

étang bordé de bois qu'on appellc le Désert.

Ricard déboucbant dirccternent de Cbampau–

bcrt, Doumerc se rabattant de droite

i1

gauchc,

fondirent sur lui. En un inslant son infanterie

fut

rompue, et en partie hachée par les cuiras–

siers, en partie prise. Quinze cents morts ou

blessés, pres de trois mille prisonniers, une

vingtaine de bouches

a

feu, le général Olsouvieff

avec son état-major, furent les trophées de celte

beureuse journée. Depuis l'ouverture de la cam–

pagne, c'était la premiere faveur de la fort.une ,

et elle était grande, bien moins par le résultat

meme qu'on venait d'obtenir, que par les résul–

tals ultérieurs qu'on pouvait cspérer encore.

. En effet, d'apres le rapport des prisonniers que

Napoléon avait inlerrogés lui-meme , on sut

qu'en arriere, c'est-a-dire

a

Étoges, se trouvait

Blucher, en avant vers l\fontmirail, Sacken, plus

baut vers la l\farne, d'York, que par conséquent

on était au mílieu des corps de l'armée

de

Silésie, et que les jours suivants

il

y

aurait bien

du butin

a

recueillir, et peut-etre la face des

choses

a

changer.

Aussi Napoléon éprouva-t-il un profond mou–

vement de joie. 11 n'en avait pas ressenti un

pareil depuis longlemps. Apres avoir douté de

tout, lui qui pendant tant d'années n'avait douté

de rien' il recommenitait

a

croire

a

sa fortune,

et se tenait presque pour rétabli au faite des

grandeurs. En soupant a Champaubert dans une

aubcrge de village, en compagnie de ses maré–

chaux, il parla des vicissitudes de la fortune

avec cette philosophie l'Íante qu'ou retrouve en

soi lorsque les mauvais jours font place aux

bons, et dans un singulier élan de confiance,

il

s'écria :

<<

Si demain je suis aussi heureux ·qu'au–

jourd'hui , daos quinze jours j'aurai ramené l'en–

nemi sur le Rhin, et du Rhin

a

la Vistule il n'y

a qu'un pas

!

>• -

Derniere joie qu'il ne faut pas

lui envicr, que nous partagerions meme avec lui,

si le dénoumcnt de ce grand drame était moins

connu de la génération présente

!

Le lendemain, la marche

a

suivrc, douteuse

peut-etre pour un autre, était ccrtainc pour

Napoléon. Tombé comme la foudre au milieu

des colonnes cnnemies, il pouvait, en effet, se de–

mander sur laquelle

il

devait fondre d'abord,

SUl'

celle de BJucher a droite,

OU

sur celle de

Sacken agauche. S'il se dirigeait lout de suite

a

droite, Blucher avait le moyen de lui échapper

en se replianL sur ChaJons, tandis qu'cn mar–

chanta gauche il était assuré d'alteindre Sacken,

qui allait se trouver pris entre Champaubert et

París, et de plus, en accablant Sacken, il attirait

a

lui Blucher, qui certainerncnt ne laisserait pas

écraser ses lieutenants sans essayer de les se–

courir. Saisissant tous ces aspects de la situation

avcc sa promptitude de coup d'reil ordinaire,

Napoléon, des le matiu du

11,

se porta agauche

sans aucune hésitation , suivit la route de l\font–

mirail, et laissa sur sa droite, en avant de Champ–

aubert, le maréchal Marmont avec la division

Lagrange et le 1

er

de cavalerie pour contenir

Blucher pendant qu'on aurait affaire aux géné-