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LIVRE CINQUANTE-DEUXIE!\IE.

traverse le

Petit-Aforin,

et de surmonter coltte

que coute les difficultés du Lerrain . Il avait rec;u

des rapports de divers cndroits qui prouvaient

qu'il y avait des Russcs

a

Montmirail , qu'il y en

avait en arriere

a

Étoges, et qu'il y avait des

Prussiens sur la Marne. Saclrnnt

a

quels ennemis

il

avait affaire,

il

était convaincu qu'ils ne mar–

cheraient pas de maniere '

a

présenter partout

une massc impénétrahle. Ayant avec 1'1armont,

Ney, i\Iortier, 50 mille hommes de sesmeillevres

troupes, il était assuré, en choisissant bien le

point par ou

il

faudrait pénétrer, et en y ap–

puyant fortement, de se trouvcr hientót au

milieu des corps enncmis. Seulement

il

fallait

franchir un mauvais pas, celui des terrains ma–

récageux qui s'étendent entre Sézanne et Saint–

Prix. Les autorités locales appclées promirent

de réunir tous les chevaux du pays. Les pay–

sans, animés des meilleurs sentiments, exaspérés

surtout par Ja présence de l'cnnemi, accoururcnt

en foule , et, des le 10 au malin, des renforts de

bras et de chevaux se trou vercnt préparés entre

Sézanne et le

Petit-ilforin .

/

Le 1

O

février,

a

la pointe du jour, on se mit

en marche. l\farmont tenait Ja tele avec Ja cava–

lerie du 1

cr,

corps , et avec les divisions Ricard

et Lagra nge composant le

6e

corps d'infanteric.

En approchant du

Petit-ntorin

on s'embourba,

mais les paysans, avec leurs chevaux et leurs hras,

arracherent les canons du milieu des fanges, et

on parvint au pont de Saint - Prix. Quelqucs

tirailleurs d'Olsouvieff garnissaient les bords du

et sur quoi

il

se fonde dans ses Mémoircs pour le racon lcr.

Avec son esprit qui élait prompt,

il

avait

apcr~u

d'Arcis-sur–

Aube et de Nogent-sur-Seine, Jieux ou il avail séjourné du 2

au 6 févl'Íer, le mouvement de Blucher, et par un instinct

assez naturel,

il

avait écl'Ít le 6 a Napoléon pour lui proposer

de se jeter sur le général

p1·u~sien.

Le 7, il

rc~ut

l'ordre de

marcher su1· Sézanne, et méme avec moins d'amour. propre

qu'il n'en avait, il au rait pu se croil'e l'inspirateur de

cette belle manreuvrc. C'est la ce qu'il raconle <lans ses lHé–

moires, en cilant ses propres lettres et celles qu'on lui a écrites

en réponse, en quoi

il

est parfaitement cxact. !\1ais il n'ajoute

pas deux circonstances, l'une qu'il ignorait, l'autre qu'il avait

peul-Ctre oubliée, et qui toules deux changcnt le récit de fond

en comblc. D'abord, tandis qu'il écrivait pour la premiere fois

le 6 févl'ier, des le 2 Napoléon avait annoucé au ministre de la

guerre son projcl, qui était en mcme temps sa derniere espé-

·rancc, et qui dépendait d'une faute de l'cnnemi, qu'avee son

r·egard

per~ant

il prévoyait avant qu'clle flit com01i c. Du 2

au 6 il avait Lou t disposé conformémcnt a ces vues, et n'cn

avait rien <lit au marécl¡.al lllarmont, qui, ne sachant ce que

pensait et écrivait apoléon, se croyait seul l'auteur de Ja

combinaison projetée. Ensuile, le maréchal Marmont n'ajoute

pas qu'arrivé

il

Chaplon, il pcrdit courage, cr·ut la manreuvre

impossible, rebroussa chemin, ot écl'ivit le 9

a

Napoléon une

lettre de quatre pages, laquelle existe au dépót de la guerre, et

ou il lui conseille de renonce1· au projet donl loule sa vie il s'est

eru l'auleur. 'apoléon, comme on vienl de Je voir, s'inquiélant

Petit-Morin;

on les dispersa , et on traversa le

pont. La cavalerie du 1

er

corps

s'avan~a

au grand

trot. Le

Petit-Morin

franchi, on pénetre dans un

vallon, au fond duquel est situé le village de

llaye, puis, en remontant ce vallon, on débouche

sur une cspece de

plat~au

au milieu duquel est

situé Champaubert. Olsouvieff, pourvu d'une

nombreuse artillerie, avait placé sur le bord du

plateau vingt-quatre houches

a

feu tirant sur le

vallon dans lequel nous allions nous engager. La

cavalerie du

·ter

corps se lanc;a en avant, rec;ut

les boulets d'Olsou vieff, et fondit sur le village

de Baye, suivie de l'infanterie de -Ricard. Cava–

licrs et fantassins ·entrerent pelc-mele

da.ns

Je

village, et gravirent les hauteurs

a

la suite des

Russes. Un peu

a

gauche, se trouvait uñ autre

village, celui de Bannai, que les Russes occu–

paient en force. La garde y marcha et le

fit

évacuer.

On put se déployer alors sur Je platean qui

présente un terrain assez uni, semé de quelques

bouquets de bois, et on

aper~ut

la route ele Mont–

mirail dont

il

fallait s'emparer, laquelle allaot de

nolre droite

a

notre gauche, de'Cbalons

a

Meaux,

traversait devant nous le village de Champau–

bert. Il y avait

a

peu pres une licue

a

parcourir

pour atteindr e ce point important.

On découvrit en ce moment un corps d'infan–

terie russe d'environ 6 mille hommes, ayant

avcc lui beaucoup d'artillerie, mais tres-peu de

cavalerie, et se retirant avec précipitation, quoi–

que avcc assez d'ordre. Le général Olsouvieíf,

µc u de ce qui avait alarmé Marmont parce qu'il embrassa it

l'enscmble des choses, ccrtain que s'il se trouvaiL quelques

mille hommes a Champaubert, il n'était pas possihle que les

60

mille hommcs de Blucher, signalés a la fois aux Vel'tUS,

a

Étogcs, a Montmfrail, a Chateau-Thierry, fusscnt tous

a

C!Jampaubert, marchait ea avant, convaincu qu'il percerail, et

poussé d'ailleurs pal' la puissanlc raison qu'il fallait tout ris–

quer dans sa situalion pour le succes de sa grande manreuvre.

On va voir qui eut 1·aison ele luí ou de son lieutenaut, et qui

était le véritable au teur de !'admirable opération dont il s'agil.

Nous avons déja fourni bien des preuves de la <lifficullé d'ar–

river

a

Ja vérilé historique, el le fait que nous <liscutons en

cst un nouvel exemple. Pourtant le maréchal Marmont élait

un homme d'esprit, un témoin oculaire, et

il

pouvait dire :

J'y

étais. C'esl pour cela que Napoléon dans une de ses lettres, dit

avcc auluut d'esprit que de profondaur, que

ses of!iciers sa–

vaicnt ce qu'il faisait su1· un champ de bataille, commc les

71rome11eurs des Tuilcrics savaie11t ce qu'il éc?"ivait dans son

cabinct;

ce qui signifie que lui seul, planant sur l'ensemble des

opél'alions, connaissai t Je sccrct de chacunc. Aussi est-ce Lou–

jours dans es ordres et ses corrcspondanccs que nous allons

ehercher ce sccret, et non dans les mille récits des lémoins

oculaires qui out sans do ule Jeu1· valeur légendaire, mais tres–

relalivc, toujours bornée au fait maléricl qu'ils ont eu sous

les yeux, et s'étendant rarement jusqu'au sens vérilable de ce

fait.