580
LIVRE CINQUANTE-DEUXIEI\IE.
séparé dt la <livision Ricard , avait arreté to ute
une journée un corps de 2l> millc Bavarois, et
feur avait tué ou cnlevé plus de 2 millc hommes.
Ce donble combat fut un vérita'Qle scrvice, car en
excitant au plus haut point Ja confiance de l'ar–
mée en elle-meme, et ca rendant les c'Oalisés
infiniment plus círconspects, il contriLua beau–
coup
a
ralentir lcurs mouvements, ce q ui dcvait
nous pcrmettrc de multíplier les nótres seule res–
s-ource qui nous rcstat dHns l'état si r é<lui t de nos
forc-es.
Napoléon ayant franchi l'Aube saos accident,
séjourna le 2
a
Píncy et le lendemnin 5 février
alla s'établir
a
Troyes. Cette dernicre bataille, si
énergiqucment soutenuc contre des fo1·ces si su–
périeurés,
toí.Jteh étant un grand actc rnilit:iire,
nous
Jai~sait
dans un immensc péril. La coalition
scmblait avoir rasscmblé toules ses forces entre
Bar-sur-:..Aube et Troycs, et si eJJe pcrsévér ait
a
marcher réunie sur París, il était douteux, meme
en s'y faisant luer jusqu'au dcrnier Jromme, qu'on
parvint
a
l'al'reler. Apres le combat du 29 jan–
vier, et Ja bat-aill'C du 1
er
févri er , c'est out au plus
s'íl restait
a
Napoléon
2o
ou 26 milJe combat–
tants. Mortiel.', qu'il venait de rctrouver
a
Troyes,
en avait
15
mille pcut-etre, 1·e génér al Hamcli–
naye 4 millo, ce qui portait la totalité de nos
forces disponibles
i1
MS
mille hommcs. Or, le
prince de Schwarzenberg, avec Wittgenstein et
BJuch'er, en coh1ptait bien 1
GO
miJle, eh dédui–
sant les pertcs des deux dern icrs combats ; et ce
n'éCait pas tour, cal' Bluchcr allait ctre l'enforcé
n-on-sculcmenl par d'York arrivant de Mclz, mais
par Langeron prct
b.
venir de Maycncc, par K.lcist
quittant le blocus d'Erfurt, lous trois dcvant ctre
remplacés par des troupes levécs
a
la hate en
A11emagnc. On ne savait done pas jusqu'ou Ja
massc des coalisés scrait porlée sous quelques
jours, et il était possib]e qu'on se trouva t 40
a
50 millc combaltants contre 200 milJ e, et alors
comment se <l éfendre ? Les so!dats avaien t tou–
jours
la
mcme confiance en Napoléon, bien qu'il
en déserlat uu certaín nombre parmi les jeuncs,
mais les chefs, qui : sur le champ de bata,ille, lcur
donnaient l'exemple du plus grand dé\'ouement,
le:; chefs ayant assez d'expéríence pour découvrír
Je danger d'une siluation presquc désespérée, pas
assez de génie pour apercevoir les rcssources, se
livraient, hors du feu,
a
un complet décourage–
mcnt. Ils étaient d'une tristesse profonde, qu'ils
n·c prebúent aucun soiu de cacher. Cette trislesse
gagnait peu
a
peu les r angs infér ieurs, et l'hiver
avec ses souffrances et ses privati'ons n'était pas
foit pour la dissiper. Eh Franche-Comté, en Alsa·<w,
en Lorraine, Jcs habitafits avaielltmmitré un esprit
excellent et uné vérítable fratcrnité envers l'ar–
méc. A Troyes et dans les envitons, ou
l'~sprit
était moins bon, oú déjales charges de Ja gtrene
s;étaíent
fait
cruellement sentir, ou
il
régna"it
une extreme il'rit.ation conlre le gouverilément,
l'accu eil fait
a
l'armée était moins cordial, et de
fa ch euses rixes entre soldats et paysaos ajou–
taient d'aflligeantcs couleurs au tableau qu'on
avait sous les yeux.
Napoléon, qunique douloureusement affecté,
n'était cepcndant point abattu.
11
déc·ouvraít en–
core bien des r cssources Ja oú pel'sonne n'en ,
SOUpl(Ollnait, cherchait
a
les foire aiJercevt>ir aux
autres, et montrait non pas de la sérénite ou de
Ja gaieté, ce qui cut été une affectation peu séante
en de tellcs circonstances, mais une ténacité, une
résolution indomplables, et désespérantes pom.·
ceux qui auraient voulu le voir plus disposé a se
soumettre aux événements. Point troublé, po"int
déconcerté) point amolli surtout, supportant les
fati gues, les angoisses avec une force bien supé–
rieure
a
sa santé, toujours au feu de sa personne,
l'c:eil assuré, la voix brusquc et vibrante, il por–
taí t le fardeau de ses fautes avec une vigueur qui
les aurait
fait
pardonner, si les grandes qualités
étaicnt une excuse suffisante des maux qu'on ·a
causés au monde.
Toutefois la confiance qu'il manifestait, bien
qu'en partíe simulée, n'était pas sans fondement.
S'il
ne lui r cstait que
MS
mi!le hommes, en
complant ce qn'il ramenait de Briennr, la viei.Jlc
garde de Mol'ticr, et la petite division HameJ.i–
naye,
il
attendait 15 miHe vicux soldarts a1Tivant
en poste 'Cl'Espag11 e, et d"éja r endus
a
Orlca.ns. Ce
rcnfo1t dcvait
él~vcr
ses forces matériellemcnt a
60 millc horumes ' et moralement
a
beaucoup
plus. Le brave Pajo!, qui, avec douze cents chc–
va ux et
!:i
i1
6 mille gardes nationaux, défendait
les ponts de la Seinc et de l'Yonne qu'il avait
barricadés
2
tels que Nogent-sur-Scine, Bray, :Mon–
lcreau, Sens , Joigny, Auxerre , attendait 4 mille
h ommcs de la réserve de Bordeaux.
A
Patis,
il
devaiL
y
avoir, sous pcu de jollrs, deux divisiuns
de jcunc garde dont l'organisalion allait etre ter–
minée. Il s'y trouvait, en outre, vingt-quatre d·é–
póts de régiments qu'on y avait fait refluer, etdans
Jesquels, on pouvait,eo yversantdes conscrits, for–
mer víngt-quatl'e bataillons de
!JOO
a
600 hornmes
chacun ce qui présenterait, en comptant les dcux
di visions de jeune gardc, 11u atre divisions d'in–
fanteri e de vingt et quelques mille hommes. On