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LIVRE CI NQOANTE-DEUXIEnJE.
amont. Cette brigade, apres avoir franchi l'Aube
et ctre arrivée devant Dienville, en trouva Je
pont barricadé, et essuya la fusillade d'une mul–
titude de tirailleurs embusqu és au bord de Ja
riviere. Tout ce qu'elle put faire, fut de prendre
position sur le sommet d'un cotcau opposé
a
Dienville, et de Lirer par-dessus l'Aube avec son
artillerie . La division Dufour, rangée sur l'a utre
rirn, supporta le feu avee un rare aplomb, et y
répondit par un fcu non moins meurtr ier.
Sur notre droite corume
a
notre centre Jes
alliés avaient done r encontré une r ésistance opi–
niatre. A notre gauche, le prince royal de Wur–
temberg, aprcs avoir franchi les bois d'Éclance,
avait essayé d'enlever le petit hameau de la Gibe–
rie, qui flanqu11it la Rothiere, et se liait avcc le
bois d'Ajou, occupé par 1\farmont. Il s'y trouvait
un dét11chement du maréchal Vietor, qui , vnincu
par le nombre, fut obligé d'abandonncr le ha–
rnean. l\Iais le maréchal Viclor, se mctlant a
Ja
tete de l'une de ses brigades , reprit la Giberie,
et repoussa fort loin les Wurlembergeois. Enfi11,
a l'extrémilé de ce ehamp de bataille, ou
In
Jign e
des alliés se recourbait aulour de notre fl anc
g11uche, les Bavarois, apres avoir débouché de Ja
foret de Soulaines, et s'elre déployés le long du
ruisseau de Morvilliers , avaient été arretés par le
maréchal Marmont, qui avait parfaitement dis–
posé son artillerie et en faisait un usage des plus
redoutaLles.
Ainsi, apres deux heures d'unc ca nonuade et
d'une fusillade des plus violentes, l'ennemi n'avait
gagné de terrain nulle part. Mais
il
ne pouvait
se résigncr
a
etre tenu en échcc par une armée
qui luí paraissait etre d'unc quarnntaine de mille
hommes l°"t au plus, tandis qu'il en avnit cn–
viron
100
mille en ne comptant pas ses deux ailcs
extremes.
Il tenta done un cffort décisif vers quatre
heures de l'npres-midi. Bluchcr, derriere Jeque!
élaient venues se placer les gard es russe et prus–
sienne, marcha l'épée
a
la main sur la RoLhicre,
tandis que, sur -la demande pressante du prince
de Wurlemberg, l'empereur Alexandre envoyait
une brigade de ses gardes pour seconder ce
prince <lans l'attaque de la Gibe.ríe. L'action alors
devint terrible. Les colonnes de Sacken entre–
rent dans la Rothiere, en furent repoussées, puis
y pénétrcrent de nouveau, n 'apmt nffoire qu'a
la -division Duhesme, qui était au plus de
1)
mille
hommes. Cette division, conduite par le maréchal
Víctor en personne, n'abandonna le poste qu'a
demi détruite. Pendant ce temps, pour remplir
._
l'espnce compris entre la Rothiere
et
la Giberie,
la cavalerie de la garde, suivie de son artillerie
attelée, se jeta sur la eavalerie de Pahlen et de
Wassiltsikoff, et la culbuta sur l'infanterie de
Scherbatow. Mais, arrelée par l'infanterie russe,
chargée en fl anc par un corps de dragons, elle
perdit dans cclte échauffourée une partie de ses
cano ns , qu'elle n'eut pas le temps de ramener.
Le prince de Wurtemberg, soutenu par les gardes
russes, pénétra daos la Giberie, et de leur cóté
les Bavarois, honteux de se voir arretés par le
petit nombre des soldats de Marmon t, francbirent
enfin le ruisseau qui leur faisait obstacl(:', empor–
terent le villagc de l\Iorvilliers, et débouchercnt
dans la plaine qui s'étend au pied du bois d'Ajou,
afin de se déharrasser de notre artillcrie, qui
leur causait le plus grand dommage.
Le moment était critique, et Napoléon, qui
n'avait ccssé d'ordonner tous les mouvcments
sous une grele de projectilcs, résolut, quoiqu'il
fit
déja nuit, de pas Jaisser la ntd'avantages a ses
ad versaires. Sentant que la retraite n'était pos–
sible avec bonneur et avec sC1reté qu'en intimi–
dant l'ennemi, il lan<¡a brusqucment les deux
divisions de jeun c garde, qui étaient sa derniere
ressource, sur les deux points prineipaux.
11
dirigea sur la Rothierc la divisiou Rothenbourg,
sous la conduite du maréehal Oudinot, avcc
ordre de tout renverser devant elle, et lui-meme
dirigea sur la gauche la division i\feunicr, entre
Marmont, qui s'était replié sur le village de Chau–
menil, et Victor, qui avait perdu
la
Giberie . Ces
deux jeunes troupes, conduitcs par Napoléon et
Oudinot, marcherent avec la résolution du déses–
poil'. La division Meunier, placée entre Chau–
menil et la Giberie, arreta net les progres des
Bavarois et des Wurtembergeois. Oudinot,
a
la
letc de l'infanterie de Rothenhourg, se déploya
sans fléchir sous un feu épouvanlable,
fit
plier
les masses ennemies' et parvint meme
a
leur
enlever le village de la Rothiére. La nuit était
déja profonde; on combattit corps
a
corps avec
une sorte de fureur dans l'intérieur du village,
et ce ne
fu t
qu'a dix lieures du soir, quand l'en–
nemi ne pouvait plus inquiéter notre retraite_,
que l'héroi:que Oudinot se replia de la Rothiere
sur Bricnne. Notre mouvement rétrograde s'exé–
cuta en bon ordre, couvert par les divisions de Ja
jeune garde et par. les drngons de Mi lhaud, qui,
chargeant et chargés tour a tour, occupcrent le
terrain, mais en
y
perdant l'ar.tillerie, qu'il était
impossihle de ramener. Nous en avions une trop
grande quantité comparativement
a
notre infan-