Table of Contents Table of Contents
Previous Page  384 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 384 / 616 Next Page
Page Background

574

LlVRE

CJNQUANTE-DEUXIEl\IE.

rlissuader les Bourbons de se rendrc sur le con–

tinent ; qu'elle s'appliquerait de tres-bon ne foi

a

conclure la paix, mais que, si Napoléon refusait

ce qu'on lui offrait,

il

faudrait bien en finir avec

Jui, et que, daos cecas saos doutc, le tróne de

Frunce devénant vacant, l'Autrichc, guidéc par

son esprit conservateur, éclairée sur le mérite de

Bernadotte, préférerait les Bourbons a cet aven tu–

rier faisant payer si cher des services quivalaient

si peu. Daos ces termes, lord Castlereagh ren–

contra un

ple.in

assentiment aupres

de

l'empereur

Fran~ois

et de son ministre, qui !'un et l'autre

se baterent de répondre que, par honneur, ils

étaient obligés de donner suite

a

l'offre de traiter

avec Napoléon; que, par dignité, ils Je devaient

aussi, car l'empereur

Fran~ois,

apres tout, était

pere; mais que, si Napoléon ne voulait a aucun

prix entendre raison, ils étaient d'avis de romprc

définitivement avec lui, quoi qu'il put en couter

au perc deMarie-Louise; que la régence de ceHe-ci,

au nom du roi de Rome, ne leur paraissait pas

une combinaison sérieuse, que Bernadottc lcur

sernblait une fantaisie passagere <l'Alexandrc,

une honte pour tout le monde, et que, Napoléon

renversé, il n'y avait d'acccptablc que les Bour–

bons. L'accord devint ainsi complet entre lord

Casllereagh et l'Autrichc, qu'il avait, du reste,

pris soin de rassurer entierement sur ses intérets

matériels. L'Autriche, eu eifet, craignait qu'apres

s'etre serví d'elle, on ne Ja jouat, et, par exem–

ple, que la Russie, pour avoir une meilleurc part

de

la

Polognc, n'abandonnat la Saxe a Ja Prusse,

ce qui obligerait de dédommager Ja maison de

Saxc en Italic, combinaison dont

il

était déja

parlé

á

cettc époque. Elle avait beaucoup d'au–

tres craintes encorc sur lesquelles lord Castle–

r eagh Ja tranquillisa en luí engageant

la

parole

dc .l'Angleterre pour I'accomplissement de tout ce

qu'elle désirait.

Avec

un mélange de raison,

de

finesse, de

fermeté, et une sorte de simplicité tout anglaise,

lord Castlereagh acquit ainsi rapidement un

ascendant considérable sur les alliés, a quoi sa

position J'aidait bea ucoup, au surplus; car , arri–

vant le dcrnier,

les

mains pleincs de rcssourccs,

au milieu de gens divi és d'avis et d'intérets,

i1

avait tous les moyens de faire pencher la balance

d u coté qu'il voulait, et ne trouvait, des lors, que

des ad hérents prets

a

satisfaire

a

ses désirs pour

l'a ttirer

~1

eux. II allait de la sorte avec tres-peu

d'intrigue, et en agissant tres-naturellement,

exercer une infl uence décisive sur les destinécs

de l'Europe.

Les choses étant régléescommc nous venons de

le dire, le 29 janvicr, jour meme ou s'était livré

le combat de Brienne , on arréta la résolution

d'cnvoyer des plénipotentiaires·

a

Chatillon. Ces

pl énipotentiaires furent pour l'Autriche M. de

Stadion, pour la Russic

:M.

de Rasomnoffski,

pour Ja Prusse

1\I.

de Humboldt, pour l'Angle–

terrc lord Al>crdeen. On adjoignita ce dernicrlord

Cathcart, ambassadeur d'Angleterre en Russic, et

sir Charles Stewart, ministre de la méme puis–

sance en Prusse.

11

fut décidé que lord Castle–

r eagh se rendrait également a Chatillon pour

juger par lui-meme de

la

marche des nég9cia–

Lions, pour Ja diriger au besoin, et

s'as~urer

de

ses propres yeux si on pouvait en espérer quelque

chose. On savait l'Angleteue si intéressée a ne

rien· concéder au dela des anciennes Ji mi tes

de

Ja

Francc, et

a

se débarrasser de Napoléon s'il était

possible de le faire convenablement, que personne

ne la suspectait,

et

n'était disposé a restreindre

son influ.ence au futur congres.

M.

de Metternich

a.urait pu se rendre aussi

a

Chatillon; mais, outre

qu'il voulait rester aupres des souverains,

il

sen–

tait une sorte de gene

a

se trouver en présence

du négociateur

fran~ais,

et aimait mieux laisser

ce

róle pénible a M. de Stadion, qui, vieil enncmi

de

Ja France, s'il éprouvait un embarras en Ja

voyant si rnaltraitée, n'éprouverait que celui de

contenir une joie indiscrete.

Les conditions qu'on devait offrir, nous pou–

vons le dire apres un demi-siecle, étaient indé–

centes. Non-sculement on imposait

a

la Francc

de rentrer dans ses frontieres de 1790 (bien que

personne n'eut voulu rentrer dans les limites

qu'il avait alors), mais on exigeait qu'clle répon–

dit tout de suite

a

ces

propositions, et qu'elle

répondit par oui ou par non. De plus, on préten–

dait luí interdire de

se

meler du sort des pays

qu'elle allait céder. Ce qu'on ferait de la PoJogne,

de Ja Saxe, de la W estpbalie, de la Bclgique, de

l'Italie, comment on traiterait

la

Bavicre, le

Wu rtemberg, Ja Suisse, ríen de tout cela ne

devait la regardcr. Ln France, sans laqueJJe on

n'avait jamais décidé du sort d' un village

en

Europe, la France ne devait avoir aucun avis sur

les dépo uilles du monde entier, qui, en ce mo–

ment, étaient les siennes. Certcs, Napoléon avait

abusé de Ja victoire ; mais, au milieu

de

la

fumée

enivrante de Rivoli, d'Austerlitz, d'Iéna, de

Friedland , il n'ava it jamais traité ainsi les vaincus,

et des vain cus qui étaient écrasés

!

Or,

a

cette

époque,

la

France n'était pas écrasée; ses ennemis

s'avarn;aient cbcz elle comme en tremblant, et en