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570

LlVRE

CINQUANTE-DEUXIEME.

dans les bois, Napoléon fut réduit

a

canonner

fa

ligne russe, que ses cavaliers ne pouvaient en–

tamer, et on se borna ainsi,pendant plus dedeux

hcures,

a

un échange de boulets qui ne laissait

pas que d'etre assez meurtrier. Enfin, Ney et

Víctor commeni;ant

a

déboucher, Napoléon or–

donna d'attaquersur-Ic-champ. Víctor avait laissé

Ja

division Duhesme

a

l\farmont, et Ney n'avait

que deux faibles divisions ·de la garde ; nous dis–

posions ainsi tout au plus de 1

o

a 11 mille

hommes d'ü1fanterie, et de 6 mille de cavalerie.

Blucher avait 50millc110mmes au moins. Napo–

léon n'hésita pas toulefoisr car on ne comptait

plus les ennemis et au contraire on comptait les

beures. 11 poussa Ney en dcux eolonnes dirccte–

ment sur Brienne, tandis qu'il dirigeait par sa

droite une brigade du corps de Víctor sur le ch:l–

teau de Briennc, et qu'il portait vers sa gauche

le reste de ce corps, de maniere

a

menacer la

route de Brienne

a

Bar, ce qui devait déterminer

la retraite de Blucher.

Ces dispositions eurent tout d'abord le succcs

désiré. Nous avions bien peu de vieilles-troupes;

la

jeune garde ne comprenait que des conscrits

a

peine vetus, et n'ayant jamais tiré un coup de

fusil. On les appelait des

lJfarie-Louise,

du nom

de la régente, sous laquelle ils avaient été levés

et organisés. Mais ils étaient placés dans de vieux

cadres, et conduils par le maréchal Ney. Ces

jeunes gens supportcrent un feu violent sans en

etre ébraolés, et forcerent l'infanlerie russe

a

se

replier sur Brienne, quoique trois fois plus nom–

breuse qu'eux. Malheureusement un accident

survenu a notre aile gauche ralentit ce succes.

Vers cette aile, la faible colonne de Víctor, que

Napoléon avait dirigée sur la route de Bar, afin

de menaccr la ligne de retraite de Blucher, s'é–

tait trouvée en face de la cavalerie r-usse ramenée

tout entierc de ce coté, tandis que la nótre était

au cóté opposé. Abordée brusquement par plu–

sieurs millicrs de cavaliers, l'infanterie de Víctor

éprouva une sorte de surprise et fut contrainte

de rétrograder. Napoléon, qui était au milieu

d'elle, courut le plus grand danger, et vit enle–

ver _sous ses yeux quelques pieces d'artillerie.

Ce mouvement rétr.ograde de notre gauche ar–

reta l'essor de Ney. Mais en ce moment la bri–

gade détachée de Victor sur la droitc avait tourné

Brienne, pénétré

a

travcrs le pare du chateau ,

assailli et enlevé le eháteau lui-meme. Elle avait

failli prendre Blucher avec son état-major, et

elle captura le fils du chancelier de Hardenbcrg.

De notre cóté, nous perdimes le brave contre-

amiral Baste, des marjns de la garde, qui dans

cette journée termina une vie héroi'.que par une

mor-t glorieuse. La conquete de cette position

dominante causa un fort ébranlement parmi les

Russes. Ney alors les poussa vivement, entra

dans Brienne

a

lcur suite, et emporta la ville

a

l'instant meme oú l'artillerie de l'cnnemi achevait

de la traverser. Blueher, piqué du résultat de

cetle premiere ren contre, craignant pour la

queue de son pare d'artillerie, voulut faire un

dernier effort pour reprendre Brienne et l'oc–

cuper au moins pendant quelqucs heures. 11

exécuta en effet, vers dix heures du soir, une at–

taque furieuse contre la ville et le chateaq·, a

la

tele de l'infanterie de Sacken. L'attaque sur la

ville, favorisée par la nuit, eut un commence–

ment de succes contre nos jeunes troupes sur–

prises de ce re tour offensif. l\lais un brave officier,

le chef de bataillon Enders, qui gardait le cha–

tea u avec un bataillon du

~>6°,

culbuta les as–

saillants <lans la ville, et ceux-ei, re((US par nos

soldats qui étaien t revenus de leur trouble,

furen~

tous tués ou pris. Ce succes ranima notre élaii;

on poussa l'infanterie de

Saek.en

hors de la ville,

et notre artillerie qui était nombreuse, tirant

aussi juste que l'obscurité le permettait, couvrit

les Russes de mitraille.

11 était onze heures du soir lorsque ce combat

fut terminé. La confusion était si grande, que

Napoléon ne crut pas pouvoir prendre gite au

chateau. ll coucha dans un village voisin, se

trouva un moment entouré de Cosaques en rc–

gagnant son bivac, et fut sur

fo

point d'etre

cnlevé. Berthier, précipité dans la boue, en fut

retiré tou t meurtrL

Le lendemain matin, on vit plus clair dans la

position. On sut qu'on avait cu affaire

a

plus de

50 mille homrncs, et que Blucher se retirait dans

la vaste plaine qui s'étend au dela de Brienne,

sur la route de Bar-sur-Aube. On le suivit avec

une centaine de bouches a feu, et on le cribla de

boulets jusqu'au village de la Rothiere, ou

il

s'ar–

reta .

Ce combat était fort honorable pour nos jeunes

soldats, qui , se battant dans la proportion d'un

contre deux , avaient fini par l'emporter sur les

plus vieilles bandes de la coalition, menées par

le plus brave de ses généraux. l\falheureusernent

ce n'était pas un contre deuxJ mais un contre

cinq qu'il faudrait bientót se battre pour tacher

de sauver la France

!

L'ennemi avait laissé da ns

nos mains environ 4 mille hommes morts ou

blessés. Nous en avions pres de 5 millc hors de