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LIVRE CINQUANTE-DEUXIEl\'IE.
tout ce qu'il disait (et en croyait en effet une
partie), tant son génie entrevoyait de chances
cachées a d'autres. 11 finit ainsi par communi–
quer
a
ses Iieuteuants quelque chose de sa con–
fiance, et les laissa moins abattus qu'il ne les
avait trouvés. Le plus animé en ce moment,
celui qui manifestait les meilleures dispositions,
était Marmont. Ney était triste. Le héros de la
Moskowa semblait ne pas s'etre remis encore de
Ja journée de Dennewitz.
Dans)a nuit meme, Napoléon, saos prendre de
repos, ordonna au duc de Valmy de réunir a
Cbalons les détachements qui se repliaient,
a
l'ex–
ception des dépóts qui devaient eontinuer leur
marche sur Paris, de lever partout Jes gardes
nationales, et de barricader les bourgs et les
villes qui avaient des ponts sur la Marne. Il en–
joignit également
a
l\facdonald, qui achevait son
mouvement rétrograde, de s'arreter
a
Chalons
pour garder le eours de la Marne. (Voir la carte
nº 62.) Il prescrivit a Mortier de quitter Troyes,
de se réunir a Gérard sur l'Aube, ligne intermé–
diaire, comme nous l'avons dit, entre-fa Seine et
la Marne, et de s'y tenir pret ou a le recevoir
ou a venir
a
luí;
a
Pajo!, de bien veiller sur les
ponts de la Seine et de l'Yonne, tels que Nogent,
l\fontereau, Sens, Joigny, Auxerre, et de courir
assez a:-droite avec sa cavalerie pour intercepter
les partís qui essayeraient de pénétrer jusqu'a la
.Loire.
Le lendemain matin 26, Napoléon se porta sur
Vitry. Lefebvre-Desnouettes l'avait rejoint. Avec
Lefebvre, l\farmont,,Ney, Víctor, il avait en tout
55
a
54 mille hommes. L'ennemi occupait Saint–
Dizier. Napoléon ordonna a Víctor de l'en chas–
ser; ce qui fut exécuté avec la plus rare vigueur.
La présence de Napoléon avait ranimé tous les
courages. On rentra
a
Saint-Dizier apres avoir
fait quelques prisonniers qui appartenaient au
corps russe de Landskoi. Voici ce qui se passait
du coté des coalisés.
Fatigué d'attendre lord Castlereagh, et malgré
le désir de Iúi parler le premier, Alexandre, qui
avait la prétention d'étre nécessaire partout, et
qui était souvent utile en bien des endroits,
avait voulu suivre le grand quartier général ,
disant que sans lui on se brouillerait, et qu'on
ne commettrait que des fautcs. 11 s'était rendu
a Langres, ou les souverains et les ministres
alliés l'avaient accompagné. Une partie consi–
dérable de l'armée du prince de Schwarzenberg
était répandue entre la haute Marne et l'Aube
upérieure, entre Chaumont et Bar-sur-Aube
(voir la carte n° 62), attendant Blueher, qui arri–
vait par SainL-Dizier. La on s'était mis
a
déli–
bérer, et il le fallait pour se conformer aux
divisions établies par M. de Metternic11 entre les
diverses périodes de la guerre. On avait en effet
accompli Ja premiere période, qui eonsistait
a
s'avancer jusqu'au Rhin ; plus la seconde, qui
consistait
a
s'avancer jusqu'au dela des Vosges et
des Ardennes, et il restaiL
a
accomplir la troi–
sieme, la plus difficile, celle de marcher sur Pa–
rís. Les avis étaient fort partagés sur cette troi–
sieme période, et on eomptait sur lord Castle–
reagh, qui venait enfin d'arriver, pour résoudre
la question. Provisoirement, pour ne pas prolon–
ger un silence inconvenant envers M. de Cau–
laincourt, on lui avait assigné Chatillon-sur–
Seine comme lieu des futures négociations. On
avait eu beaucoup de peine
a
obtenir cette eon–
cession d'Alexandre, qui déja inclinait a ne plus
trailer qu'a Paris meme. Mais ce qui avait con–
tribué
a
le faire céder, c'était le lieu du nouveau
congres qu'il avait voulu choisir en France, pour
infliger
a
Napoléon l'humiliation de traiter au
sein de ses provinces envahies. En meme temps
les diverses armées tendaient
a
se rapprocher.
Tandis que l'armée du prince de Schwarzenberg
était répandue autour de Langres, Blucher, apres
avoir quitté Nancy, avait traversé Saint-Dizier,
y avait laissé le détachement russe de Landskoi
pour donner
a
croire qu'il descendait sur Cha–
lons en suivant
la
Marne, et, au contraire, avait
quitté la Marne pour courir sur l'Auhe, afin de
se joindre
a
Schwarzenberg , d'entrainer la
grande armée par sa présence, de faire cesser
ses hésitations, et de décider une marche hardie
sur París. Ayant laissé le corps du comte de
Saint-Priest vers Coblentz, une partie du corps
de Langeron devant Mayence, celui d'York de–
vant Metz, il arrivait avec le corps de Sacken et
le reste de celui de Langeron. L'avant-garde de
Wittgenstein, commandée par Pahlen, s'étant
trouvée sur sa route, il l'avait recueillie, et ame–
nai
t
ainsi avec lui 50 et quelques miJJe hommes.
Il venait de défiler transversalement de Ja Marne
a
l'Aube, au moment meme ou Napoléon tou–
chait a Saint-Dizier. La Marne, dans cette partie
supérieurc de son cours, c'est-a-dire a
la
hauteur
de Saint-Dizier, n'est qu'a dí:x: ou douze lieues
de l'Aube:
Telle était la situation des coalisés le 27 jan–
vier au soir, quand Napoléon entra dans Saint–
Dizier. Il apprit la par les prisonniers, par les
gens du pays, interrogés avee un artque
lui~ seul