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BRIENNE ET lilONTl\11RAIL. -

JANVIER

1.8·.14.

567

Néanmoins il n'y avait pasa s'épouvanter, selon

luí. L'ennemi était nombreux, rnais divisé, et

il

était impossible qu'il ne commit pas de grandes

fautes dont on se baterait de tirer partí. 11 s'avan–

'taít par deux routes, celle de l'est, de Bale

a

París, celle du nord-est, de Mayence

a

París, et

il

était difficile qu'il

fit

auti·ement, ayant

a

Jier

ses opérations avec

le~

troupes agissant dans les

Pays-Bas. Indépendamment de cette séparation

obligée entre l'armée de Blucher, ancienne ar–

mée de Silésie, et celle de Schwarzenberg, an–

cienne armée de Boheme, l'ennemi s'était encore

fractionné par des motifs sccondaíres. Blucher

avalt laissé des troupes au blocus de l\fayence et

de l\1elz; les colonnes de Schwarzenberg étaíent

fort éloignées les unes des au tres; celle de Bubna

avaít pris par Geneve, celle de Colloredo venait

par Auxonne et la Bourgogne, celle de Giulay

et du prince de Wurtemberg par Langrcs et

la

Champagne, celle de Wrede par l'Alsace. Enfin

celle de Wittgenstein se trouvait aux environs

de Strasbourg.

JI

y avait encore quelques déta–

chements autour de Besan'ton, Béfort, Hunin–

gue, etc. 11 n'était pas possible que tant de corps

épars fussent dirigés avec assez d'i ntelligence

pour ctre concentrés

a

propos sur le point oú ils

auraient

a

combattre. D'ailleurs la configuration

des lieux allait les induire elle-meme

a

commettre

les fautes dont on espérait profiter.

Lorsqu'on s'avancevers la capitale de la France

soit par le nord-est, soit par l'est, on arrive,

apres avoir passé la Meuse ou la Saóne, au bord

d'un bassin dont París cst le centre, et vers lequel

coulent la Marne et la Seine, formant un angle

dont les cótés viennent se réunir

a

un sommet

commun, qui est Paris. (Voir les cartes n•• 61

et 62.) Blucher suivait en ce moment un coté de

cet angle, en se portant vers Saint-Dizier sur Ja

Marne ; Schwarzenberg suivait l'autre en pour–

suivant Mortier le long de la Seine. C'était le cas

de se jeter rapidement sur l'un d'eux, n'importe

lequel, avec les forces qu'on pourrait réunir.

Aux 21:í mille hommes de Ney, Victor et Mar–

mont, Napoléon allait ajouLer le détachement de

Lefebvre-Desnouettes avec une immense quantité

d'artillerie. Il pouvait, apres avoir remonté la

l\'larnejusqu'a Saint-Dizier, se rabattre prompte–

ment sur sa droitc, attirer

a

lui Gérard et Mor–

lier, et fondre avec

?:SO

mille hommes sur la

colonne de Schwarzenberg. ll était probable

qu'on aurait la un succes. Ce premier avantage

arreterait la marche si confiante des coalisés. Si ·

la guerre se prolongeait, on pourrait, en manreu -

vrant bien dans cet angle formé par la Seine et

la l\forne, avoir d'autres succes, peut-etre consi–

dérables. .D'une part, le duc de Valmy allait

faire occuper les divers passages de la Marne, en

Jevant les gardes nationales et en barricadant

tous les ponts; de l'autre Pajol, avec la cavalerie

et les gardes nationales, allait prcndre les memes

précautions sur la Seine, et pousser ses opéra–

tions sur l'Yonne, qui en est pour ainsi dire un

bras détaché. Entre ces deux lignes de la Marne

et de la Seine se trouve une ligne intermédiaire,

cellc de l'Aube, qui multiplie les difficultés pour

l'attaquant, et les moyens de résistance pour

I'altaqué. L'ennemi, amené tantót par choix, tan–

tót par nécessité,

a

se partager entre ces diverses

rivieres, n'en possédant pas les passages que nous

occuperions exclusivement, fournirait mille oc–

casions de le battre, qu'il faudrait promptement

saisir, et on pouvait s'en fier de ce soin

a

Napo–

léon. Pendant ce lemps arriveraient des troupes

d'Espagne et de l'intérieur; Ja population, rani–

mée par le succes, reprendrait courage; Augereau

remonterait de Lyon sur Besarn;on, et inquiéte–

rait l'ennemi sur ses derrieres; les commandants

de nos places exécuteraient de fréquentes sorties

contre les faibles corps qui les bloquaient, et si

la fortune n'était pas absolument contraire, on

aurait quelque bonne journée, et Caulaincourt,

alnsi sccondé, finirait par signer une paix hono–

rable. Tout n'était done pas perdu

!

s'écriait

Napoléon. La guerre présentait tant de chances

diverses quand on savait persévérer

!

11 n'y avait

de vaincu que celui qui voulait retre

!

Sans doute

on aurait des jours difficiles ; il faudrait quel–

quefois se battre un contre trois, meme un contre

quatre; mais on l'avait fait dans sa jeunesse, il

fallait bien savoir le faire dans son age mur.

D'ailleurs, de tous ]es débris de l'ancienne ar–

mée, on avait conservé une excellente et nom–

breuse artillerie, au point d'avoir cinq ou six

pieces par mille hommes. Les boulets valaient

bien les halles. On avait eu toutes les gloires;

il en restait une dernjere

a

acquérir, qui com–

plete toutes les autres et les surpasse, celle de

résister

a

la mauvaise fortuu e, et d'en triompher;

apres quoi on se reposerait daos ses foyers, et

on vieillirait tous ensemble dans cette France,

qui, grace

a

ses héro'iques soldats, apres taut de

phases diverses, aurait sauvé sa vraie grandeur,

celle des frontieres naturelles, et de plus une

gloire impérissable.

En disant ces nobles choses , Napoléon se mon–

trait serein, cnressant, rajeuni, paraissait croire