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LlVRE CINQUANTE ET UNIEl\lE.
leur arrivée.
Vartill~rie
qu'on ava it fait
reflu~r
sur Vincennes, apres avoir été attelée avec des
chevaux pris partout, devait repartir imrµédja–
tement pour Cbalons, ou se préparait le rassem–
blement de nos forces. Le trésor personnel de
Napoléon fournissait les fonds que ne pouvait
plus procurer le trésor de l'État. M. l\follien ,ad–
ministrateur
exc~llcnt
pour les temps calmes,
mais surpris par ces circonstances extraordi–
naires, n'avait pu, malgré les centimes addition–
tionnels, suffirc aux dépenses de l'armée. Napo–
léon, sur les
~5
i:µillions qui lui reslaient de ses
économies, en avait dooné 17 au général Drouol
pour l_a garde, envfron 1O au Trésor pour les
divers services, 8 aux remontes,
a
l'habillement,
a
la fabrication des armes,
1.
a
ses freres, aujour–
d'hui rois sans couronne et sans argent , en avait
destiné 4
a
le suivre, et en laissait 25 ou 24 aux
Tuilcries pour les besoins urgents ou imprévus.
Les troupes d'Espagn_g, si on avait pu les rame–
ner, eussent été en ce momept un bien !Jrécieux
secours. Mais on était toujours sans nouvelles de
l'accueil fait au duc de San-Carlos etil.u traité
de Valen(fay.
Ferdi~and
VII, attendant avec une
impatience crpiss1j.nte que sa prison s'ouvrit,
n'avait pas plus de nouvelles que le cabinct fran–
<:ais
1 •
Ce si}ence était de bien mauvais augure,
et en tout cas il ne permettait pas qu'on dégarnit
la frontiere, avant de savoir si les Espagools et
les 'Anglais repasseraient les Pyrénées. Néan–
moins, comme on l'a vu, Napoléon avait ordonné
au maréchal Suchet d'acheminer 12 milie hommes
sur Lyon, au maréchal Soult il'en acheminer
15 miile sur París, les uns et les au tres en poste.
ll y joignit deux des quatre divisions de réserve
formées
a
Bordeaux, Toulou:;e, Montpellier et
Nimes. Les quatre ne comptaient pas plus <le
·18 mille conscrits, au lieu de
60
mille qu'on
s'était flatté
de
réunir ; mais elles se composaient
de cadres excelleots, empruntés aux armées
d'Espagne. Napoléon
fit
partir pour Paris cellc
de Bordeaux, forte d'enviroo 4 mille hommes,
et pour Lyon celle de Nimes, forte de 5 mille.
Telle était sa détresse, que de pareilles ressources
étaient pour lui d'une véritable importance. Ce
qui était envoyé sur Lyon devait servir
a
compo–
ser l'armée d'Augereau; ce qui était dirigé sur
París devait y grossir ce rassemblement de
troupes de toute espece, jeune garde, bataillons
tirés des dépóts, gardes nationalcs, vieilles handes
1
L'ouvra¡;e de M. Fain, qui sur ce poinl contient plus
d'une eneur, bien que rédi¡;é sur
Je~
documents du duc de
d 'Espagne, dans lesquelles
il
comptait puiser
a
mesure qu'clles seraient pretes, pour soutenir
l'eífroyable lutte qui allait s'eng¡iger entre la
Seine et la
~Iarne.
Enfin, il s'occupa de la dé–
fense de la capitale.
Plus d'une fois, meme
~u
milieu de ses plµs
éclatantes prospérités, Napoléon, par une sorte
de prescience qui lui dévoilait les conséquences
de ses fautes saos les lui faire éviter, avait cru
apercevoir les armées de l'Europe au pied de
Montmartre, et,
a
chacune de ces sinistres vi–
sions, il avait songé
a
fortifier París. Puis, em–
porté par le torreQt de ses pensées et de ses pas–
sions, il avait prodigué les millions
a
Alexandrie,
aMaotoue,
a
Venís.e,
a
Palma-Nova,
a
Flessingue,
au Texel,
a
Hambourg,
a
Dantzig, et n'avait
rien consacré
a
la capitale de la France. S'il s'en
füt occupé dans ces temps de prospérité, il eut
fait sourirc les Parisiens, et le mal n'eut pas été
grand : en janvier 1814, il les aurait fait trem–
blcr, et aurait augmenté la mauvaise volooté des
uns, la consternation des autres. Pourtant, dans
son opinion, París hors d'atteinte aurait presque
garantí le sµcces de Ja prochaiqe campagne, car,
si en manreuvrant
~ntre
l'Aisne, la l\'Iarne,
I'Aube, la Seine, qui coulent concentriquement
vers París, il avait été bien assuré du point com–
mun ou elles viennent se réunir,
il
aurait acquis
une liberté de mouvements dont
il
eut pu,
~vec
son génie, avec Ja parfaite connaissancc deslieux,
avec la possession de tous les passages, tirer un
avantagc immense contre un ennemi err¡barrassé
de sa marche, toujours pret
a
se repentir de
s'etre trop avancé, et l'eut probablemcnt sqrpris
da ns quelque fausse position ou il l'aurait accabJé.
Aussi rre cessait-il de penser
a
l'armemeot de
Paris, mais il craignait l'effet moral d'une telle
précaution. 11 avait demandé
a
un comité d'offi–
ciers du génic, chargé de s'occuper extraordi–
naircment des places fort es, un p'lan pour la
défensc de la capitale,
~vec
recommandation de
garder le sccret. Les plans qu'on lui avait pro–
posés cxigeaot des travaux immédiats et tres–
apparents, il y avait reooncé, et s'était conteqté
de choisir d'avance et saos bruit les eJilplace–
ments ou l'on pourrait élevcr des redoutcs, de
préparer de grosses palissades, soit pour ren–
forcer l'enceinte, soit pour construire des tam–
bours en avant des portes, de réunir enfin un
supplément considérable d'artillerie et de muni-
Bassano, fait arri ver Ferdinand
Vil
a
l\ladrid le 6 janvier. Ge
p~·ince
ne parlit de Valeni;:ay que le
i9
mars.