L'INVASION. - -
JANVIER
t814.
561
l\J.
de Caulaincourt
~ransmit
ces diverses ré–
ponses
a
Napoléon, et se gardant d'attirer sur
sa personne l'attention publique, pour ne pas
ajouter
a
l'humiliation de sa position,
il
atten–
dit aux avant-postes que l'arrivée de lord Castle–
reagh, annoncée comme prochaine, amenat de
plus sérieuses communications.
Napoléon avait trop peu d'illusions pour etre
surpris de l'accueil fait
a
M. de Caulaincourt.
Ch;¡que jour était marqué par un nouveau mou–
vement rétrograde de ses armées, et
il
ne pou–
vait pas différer plus longtemps d'aller se placer
a leur tete. Le maréchal Victor, de plus en plus
épouvanté de la masse des ennemis, avait fini
par repasser les Vosges, apres en avoir aban–
donné tous les défilés. Son héro'ique cavalerie
d'Espagne, ne partageant pas son décourage–
ment, fondait toujours sur les escadrons enne–
mis, et les sabrait des qu'ils s'offrai
0
ent a ses
coups. 11 s'était replié successivement sur Épinal
et Chaumont, et était vcnu prendre position sur
la haute Marne pres de Saint-Dizier, ayaot perdu
par Ja fatigue et Ja désertion 2
a
5 mille J10mmes.
Dans cet état, 11 avait tout au plus 7 mille fan–
tassins et 5,500 chevaux. Le maréchal Marmont,
apres avoir essayé de tenir tete
a
Blucher sur la
Sarre, s'était replié sur Metz, s'y était arreté un
momcnt pour y laisser en garnison la divisioo
Durutte (celle qui avait été séparée de l\fayence
et que le maréchal avait recueillie en route) , et
eosuite s'était retiré sur Vitry. 11 luí restait en–
viron 6 mille fantassins et 2, 500 chevaux. Ces
deux maréchaux avaient été rejoints sur la haute
Marne par le maréchal Ney avec les deux divi–
sions de jeune garde réorganisées entre l\fotz et
;..uxembourg, tandis que le maréchal Morlier,
apres s'etre avancé jusqu'a Langres avcc la vieille
garde, rétrogradait vers Bar-sur-Aube, suivi de
pres par le général Giulay et par le prince de
W urtemberg.
Napoléon s'était flatté qu'Cln pourrait, tout en
se retirant, recruter rapidcmcnt les corps de
Marmont, Víctor, Macdonald, et les porter
a
1
o
mille combattants chacun. Oo les avait bien
renforcés de quelques hommes, mais la déser–
tion, la nécessité de pourvoir a la défense des
places, les avaient réduits aux faibles propor–
tions que nous venons d'indiquer. La garde, que
il n'y a pas de mauvaise volonté, mais on fait de ¡:;rands prépa–
ratifs. Ceci occasionne nécessairement du relard jusqu'a ce
qu'enfin la chose soit en train ; alors elle ira, s'il plalt a Dieu.
Les nouvelles que tu me donnes de ton fils me réjouissent
fort. Tes freres et samrs allaient bien d'apres les dernieres
Napoléon avait cru pouvoir porter
a
80 mille
hommes d'infanterie , n'en comprenait pas
50 mille, dont 7
a
8 mille étaient en Belgique
sous les généraux Roguet et Barrois, 6 mille sous
le maréchal Ney pres de Saint-Dizier, 12 mille
sous le maréchal l\fortier a Bar-sur-Aube. A la
vérité, on achevait d'en organiser
a
París enviran
1O mille. La garde a eheval sur
10
milie eava–
liers propres au service en avait 6 mille montés,
moitié avee l\fortier, moitié avec Lefebvre-Des–
nouettes. Ce dernier revenait en toute bate de
l'Escaut sur la l\farne. Des divisions de réserve
qu'on formait
a
Paris en versant des conscrits
dans les dépóts, l'une, forte
a
peine de 6 mille
hommcs, et confiée au général Gérard, était
parlie avant d'etre au complet pour aller ren–
forcer le maréchal .Mortier sur l'Aube ; l'autre
s'était r cndue
a
Troyes sous le général Hameli–
nayc, et comptait a peine 4 mille conscrits dé–
pourvus de toute instruction. La r éserve de ca–
valcrie formée
a
Versailles par la réunion de
tous les dépóts de l'arme, avait déja fourni
5 mille cavaliers , que le général Pajol, couvert
de blessures mal fcrmées , avait conduits
a
Auxcrre. TeJles étaient les ressources que la ra–
pidi té des événements avait permis de réunir en
j anvier. Il faut y ajouter les gardes nationales
qui arrivaient de la Picardie a Soissons, de la
Normandie
a
Mcaux , de la Bretagne et de l'Or–
léanais a l\fontereau , de Ja Bourgogne a Troyes.
Napoléon ne désespéra pas, avcc ces faibl es
moycns, de tenir tete a l'orage.
IJ
ordonna de
terminer au plus tót la création des deux divi–
siom de jeune garde, de continuer, au moyen des
dépóts el des conscrits, l'organisation des divi–
sions de r éserve. 11 recommanda de ne pas laisser
les hommes un seul jour
a
Paris des qu'ils au –
r aient une veste, un shako, des souliers, un
fusil, et de les faire partir, quel que fllt l'état de
lcur instruction. 11 imprima une nouvelle acti–
vité aux ateliers d'habillement établis a París;
mais
il
rencontra, quant aux armes
a
feu, plus
de difficultés que pour toutes les autres parties
du matériel. 11 n'y avait
a
Vincennes que 6 mille
fusil s neufs, et 50 mille fusils vieux qu'on tra–
vaillait chaque jour
a
mettre en état de servir.
C'était
a
peine de quoi armer les hommes qu'on
versait dans les dépóts au fur et
a
mesure de
nouvelles que j'en ai
re~ues,
ainsi que ma femme. Je suis
aussi bien portant. Crois-moi pour loujours,
Ton tendre pcre,
Fn rn~o1s.