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LJVRE
CINQUANTE
ET.
UNIEI\JE.
sur quoi que ce soit, et un parti aussi grave que
celui de suspendre Jes opérations militaires, était
fort difficile, ce sujet étant de tous celui qui devait
Je plus diviser les esprits, et irriler les passions.
Toutefois on venáit d'apprendre une circon–
stance fort heureuse pour la coalition, c'était
l'arrivée prochaine de lord Castlereagh lui-meme,
qui n'avait pas craint de quitter le
Forcign Office
pour aller représenter l'Angleterre aupres des
monarques alliés. Jusqu'ici l'Angleterre avait eu
pour agents lord Cathcart, brave militaire, peu
diplomate, et lord Aberdeen, esprit sage, mais
acensé d'etre trop pacifique. Ce n'était pas assez
au milieu de ce conseil de souver·ains, ou chaque
puissance était représentée par des empereurs,
des rois, ou des premiers ministres, que de
n'avoir que de simples ambassadeurs, que! que
füt Ieur mérite. Le cabínet britannique se décida
done
a
envoyer le plus éminent de ses membres,
lord Castlereagh, aupres du congres ambulant
de Ja coalition, pour y modérer les passions, y
,mai ntcnir J'accord, y faire prévaloir les prínci-
paux vceux de l'Angleterre, et, ces vceux satis–
faits, y voter en toute autre chose pour les réso–
lutions modérées contre les résolutions extremes.
Etrc sage pour tout le monde, excepté pour soi,
était par conséquent Ja mission, du reste assez
naturelle, de lord Castlercagh. 11 devait en outre
s'expliquer sur Je budget de guerre apporté par
Je comte Pozzo, et se servir de la richesse de
l'Angleterre pour fafre triompber ses vúes, en
jetant de temps
a
autre dans la balance non pas
son épée, mais son or. Aucun homme n'était
plus propre qüe lord Castlereagh
a
remplir une
pareille mission. Il se nommait Robert Stewart;
son frere Charles Stewart, depuis lord London–
derry, accrédité aupres de Bernadotte, était un
des agents de l'Angleterre les plus actifs et les
plus passionnés. Lord Castlereagb, issu d'une
fa–
mille irlandaise ardente et énergique, portait en
luí cette disposition héréditaire, mais tempérée
par une raison supérieure. Esprit droit et péné–
trant, caractcre prudent et ferme, capable tout
a
1
Je cite ici en ori¡;inal cette lettre intéressante et instruc–
tíve, qui peint exaetement les dispositions personnelles de
l'empereur d'Autriche pour sa filie, pour son gendre et pour
la France.
Le 26 décembre i8i3.
Chere Louise, j'aí re\!u hier ta lettre du
12
·décembre, et
j'ai appris avec plaisir que tu te portes bien. Je te remercie
des vceux que tu m'adresses pour la nouvelle année; ils me
sont précieux parce que je te connais. Je t'offre les miens de
tout mon creur. - Pour ce qui regarde la paix, sois persua-·
la fois de vigueur et de ménagement, ayant dans
ses manieres la simplicité fiere des -Anglais,
il
était appelé
a
exercer, et il
exer~a
en effet la plus
grande influence. 11 était sur presque toutes
choses muni de pouvoirs absolus. Avec son ca–
ractere, avec ses instructions, on pouvait dire
de lui que c'était l'Angleterre elle-meme qui se
dépla~ait
pour se rendre au camp des coalisés.
Partí de Londres
a
la fin de décembre, ayant fait
un séjour en Hollande pour y donner ses con–
seils au prince d'Orange, il n'était attendu
a
Fri–
bourg que dans la seconde moitié de jauvier.
Personne n'eut voulu, sans luí, prendre un partí,
ou donner une réponse. C'était
a
qui le verrait,
a
qui l'entretiendrai
t
le premier' pour le gagner
a
sa cause. Alexandre lui avaitmandé par lordCath–
cart qu'il voulait lui parler avant qui que ce füt.
Cette attente fournissait
a
M. de Melternich
un moyen de répondre au négociateur
fran~ais.
11
fit
dire
a
M. de Caulaincourt que l'Angleterre
ayant pris Je partí d'envoyer son ministre des
affaires étrangeres au camp des alliés, on était
obligé de l'attendre avant d'arreter le lieu, J'ob–
jet, et la direction des nouvelles négociations.
Outre cette réponse officielle, M. de Metternich
écrivit une lettrc particuliere pour M. de Cau–
laincourt, polie et prévenante quant
a
sa per–
sonne, mais
plein~
d'embarras quant au fond des
choses, et dont le sens était qu'on désirait tou–
jours la paix, qu'on l'espérait, qu'il n'y fallait
pas renoncer, mais qu'on devait patienlerencore.
Du reste, pas un mot qui
fít
allusion
a
la possi–
bilité de suspendre les hostilités. A cette lettre
en était jointe une de l'empereur Frarn;ois pour
l\farie-Louisc. Ce prince avait cru sa filie malade,
avait demandé de ses nouvelles, en avait
re~u,
et y répondait. 11 exprimait
a
Marie-Louise
beaucoup d'affection, un grand désir de la paix,
une moins grande espérance de la conclure, la
résolution d'y travailler sincerement, et enfin le
chagrín de rencontrer de graves difficultés dans le
bouleversement des idées, résultat de l'immense
bouleversement des choses depuis vingt années
1
•
dée que je ne la souhaite pas moins que toi, que toute la
France, et,
a
ce que j'cspere, que ton mari. Ce n'est que dans
la paix qu'on trouve le bonheur et le salut. Mes vues sont
modérées. Je désire tout ce qui peut assurer Ja durée de la
paix, mais dans ce monde il ne suffit pas de vouloir. J'ai de
grands devoirs
a
rempli1· cnvers mes alliés, et malheureuse–
meut les questions de la paix future, et qui sera prochaine, je
!'espere, sont tres-embrouillées. Ton pays a boul1iversé tou–
tes les idées. Quand on en vienta ces questions, on a
a
com–
battre de justes plaintes ou <les préjugés. La chose n'cn est
pas moins le vceu le plus ardent de mon cceur, et j'espere
que bientót nous pourrons réconcilier nos gens. En Angleterre,