l.'INVASION. -
JANVlER
J8U.
pour suffire
a
cette tacl_1e, des pouvoirs extraor–
dinaircs et sans limites.
Avant leur départ, Napoléon désirá les voir et
leur parler.
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était ému, il füt vrai', et trouva pour
s'ádresser
a
ehx un langage d'une éloqueñce sai–
sissante. -
.Te
ne crains pas de J'avouer, four
dit-il, j'ai trop fait la gu'errc;
j'~vais
formé d'im–
menses prójets; je voulais assurer
a
la France
l'empire du monde! Je me trompais; ces projets
n'étaient pas proportionnés
a
Ja
force Iiumerique
de notre population.
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aurait fallu l;appeler
tout entiere aux armes, et, je lé reconnais, les
progres de l'etat social , l'adoticissemeót meme
des mreurs, ne permetteiit pas de convertir toute
une nation en un peuple de soldaCs. Je dois ex–
pier le tort d'avoir trop compté sur ma fortune,
et je l'expierai. Je ferai la paix, je la ferai telle
que la command·ent ies circonstances, et cette
paix ne sera mortifiante que pour moi. C'est
a
moi, qui me suis trompé, C'est
a
hioi
a
souffrir,
ce n'est point
a
la France. Elle ri'a pas commis
d'erreur, elle m'a prodigué son sang, elle ne
m'a refusé aucun sacrifice
!...
Qu'elle ait done
la gloire d·e mes entreprises, qu'elle l'ait tout
entiere, je la luí laisse... Quant
a
moi, je ne me
réserve que J'honneur de mont'rer un courage
bien difficile, éelui de
N~noncer
a
la plus grande
ambition qui fut ján'lais, et de sacrifier au bon–
he1:ir de mon peuple des vues de grahdeur qui
ne pourraient s'accomplir que par des efforts
que je ne veux plus demander. Partez done,
n'lessieurs, annoncez
a
vos départements que je
váis concllire la paix, que je ne réclamc plus le
sang des Frarn;ais pour mes projets, pour moi,
comme on se plait
a
le dire, mais pour la France
et pour l'intégrité de ses frontieres, que je leur
demande uniquement le moyen de rejeter l'en–
nemi hors du territoire, que l'Alsace, la Franche–
Comté, la Navarre, le Béarn sont envahis, que
j'appelle les Ftán<;ars au secours des Franc;ais;
que je veux traiter, mais sur la frontieré, et non
au sein de nos provinéés désolée·s par un e·ssaim
de barbares. Je serai a'\'eé eux général et soldat.
Partez, et p'ortez
a
la Fran'ce l'expression vraie
des sentiments qui m'aniiilent.
A.
ces nobles excnses dtJ génie avouail't ses
faute's, une sorte d'enthousiasme s'empara de
ces vieux personnages, qu'on envoyait da11s les
provinces pour essayer de réchauffer des creürs
abattus; ils entourerent Napóléon, pressereíit
ses mains dans les leurs en lui exprimant la pro–
fonde émotion dont ils étaierrf saisis, et la plupart
le quitterent pour se mettre immédiatement en
route. Hélas
!
que n'adressait-il ces belles paroles
au Corps législatiflui-meme?
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aurait appris que
lá vérite est le plus puissant moyen d'agir sur
les hómmes, et peut-etre, loin d'etre obligé de
eongédier ce corps'
il
l'aurait vu se lever tout
entier pour applaudir
a
sa voix, pour appelcr la
France
a
lé suivre sur les champs de bataille.
'La situation devenait
a
chaque instant plus
rñena<;ante, et
il
iniportait d'envoyer en toute
bate les dernieres forces ·de la nation au-devant
de l'ennemi. Les armées coálisées franchissaient
de tous cótés notre frontiere. Le général Bubna ,
qui avait marché le premier, apres avoir longé
le revers du Jlira, s'était porté sur Geneve, ou
il
y avait
a
peine quelqoes conscrits pour résister
aux Autrichiens et contenir une population mal–
veillante. (Voir la carte nº 61.) Le général Jordy,
qui cominandait
a
Geneve, étant mort subite–
ment, et la défense s'étant trouvée désorganisée ,
les Autrichiens étaient entrés daos cette ville
saos coup férir. Les généraux Colloredo et J\ilau–
rice Liechtenstein avec les divisions légeres et
les réserves autríehiennes, apres avoir dépassé
Berné; s'étaient acheminés sur Pontarlier, avec
l'intention de marcher par Dó1e sur Auxonne.
Le corps d'Aloys de Liechtenstein, passant égale–
mént par Pontarlier, devait se díriger sur Besan–
<;on pour masquer cette place, tandis que le
général Giulay, traversant le Porentruy, devait se
porter par Monthéliard sur Vesoul. Le maréchal
de Wrede, avec les Bavarois et les Wurtember–
geois, avait jeté des hombes dans' Huningue,
attaquait Béfort, et avec sa cavalel'ie poussait
des reconnaissances sur Colmar. Le prince de
Wittgenstein hloq1rart Slrashourg et Kehl;
l~s
ga1'des russe et prossienne étaient restées
a
Bale
autour des souverains coalisés. Telle était la
distribution de l'armée dn prince de Sclnvarzen–
berg apr·es le passáge du Rhin. Son projet, lors–
qu'il aurait franchi le Jura et tourné toutes nos
défenses, était de s'avancer avec '160 mille
hommes de l'ancienne armée de Boheme
a
tra–
vers la Franche·Comté, et de venir se placer sur
les coteaux élevés de la Bourgogne et de la
Champagne, d'M:t la Seine,
l'
Auhe, la Marne–
Cóulent vers Paris, tandis que l'ancienne armée
de Silésie, commandée p::ir Blucher et forte de
60 mille hommes, laquelle passait en ce moment
le Rhin
a
Mayence, s'avancerait entre nos places
saiis les atlaquer, laissant le soin de les bloquer
aux troup·es restées sui· les deí·rieres. Les deux
armées erivahissantes devaient se réunir sur la
haute !tlarne , entre Chaumont et Langres , pour
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