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L'JNVASION. -

JANVIER

i8i4.

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de créer des administrations dans les provinces

envahies. C'était le souvenir des difficultés que

nous avions éprouvées daos les pays conquis,

partout oú les autorités avaient disparu, qui

avait faít prévaloir cette résolution dans les con–

seils du gouvernement, malgré la résistance du

duc de Rovigo. On aurait eu raison peut-etre

d'en agir ainsi dans un pays ou n'auraient pas

existé des partis hostiles au gouvernement, prets

a

s'agiter a l'approche des coalisés. l\falheureuse–

ment, en France, ou vingt·cinq ans de révolution

avaient laissé de nombreux partis que Napoléon

vaincu ne pouvait plus contenir, et entre lesquels

il

y en avait un , celui de l'ancicn régime, que

son analogie de sentiments avec la coalition por–

tait a tout espérer d'elle, en Francc l'absence des

autorités avait de grands inconvénients. En e:ffet,

les malveillants n'étant plus surveillés par les

préfcts, sous-préfets, commissaires de police,

laissaient éclater leurs dispositions hostiles a

l'approche de l'ennemii se soulevaient des qu'il

avaitpénétré quelque part, l'aidaient

a

constitucr

des administrations toutes composées dans son

intéret, et se préparaient meme

a

proclamer les

Bourbons. Ce spectacle se voyait peu dans les

campagnes, que l'invasion avec le cortége de ses

sou:ffrances irritait profondément; mais daos les

villes, ou d'ordinaire l'opinion fermente davan–

tage, ou la haine du gouvernement impérial était

générale, ou les maux de l'invasion étaient presque

insensibles,

il

éclatait les manifestations les plus

dangereuses, auxquelles contribuaient non-seu–

lement les roya!istes, muis tous les hommes fati–

gués du despotisme et de la guerrc. Ainsi, pour

comble de douleur, Ja Francc était envahie daos

un rnoment oú, souffrante, épuisée , divisée, elle

ne pouvait plus rcnouveler Je noble exemple de

patriotisme qu'elle avait donné en

1792,

et ce

n'était pas le moindre des torts du régime impé–

rial que de l'avoir exposéc a se montrer ainsi a

la coalition européenne

!

A Langres,

a

l'approche des soldats du prince

de Schwarzenberg, quelques notables de la ville,

aidés par une populace fatiguée de la conscrip–

tion et des droits réunis, avaient menacé de s'in–

surger contre les troupes du maréchal Mortier.

A Nancy, les autorités municipales et quelques

personnages considérables du pays avaient rei;u

le maréchal Blucher avec des honneurs infinis.

et lui avaient meme offcrt un banquet. Le géné–

ral prussien leur avait parlé des bonnes inten..

tions des alliés, de lcur désir de délivrer Ja France

de son tyran, et

il

s'était fait écouter par des po-

pulations que les miseres d'une longue guerre

avaient égarées.

Nos corps d'arméc se retiraient done en lais–

sant derriére eux des paysans sans défense, dont

ils étaient souvent obligés de dévorer les der–

nieres ressources, et des villes exaspérées contre

le régime impérial, ne prctant que trop l'oreille

aux promcsses d'une coalition qui se présentait

non pas comme conquérante, mais comme libé–

ratrice. Une circonstancc complétait la tristesse

de ce tablea u. Les rares survivants de nos glo–

rieuses armées, dégoutés par la soufirance, hu–

miliés par une retraitc continue, tenaient un

mauvais langage, et répétaient souvent les pro–

pos des populations urbaines. Les vieux soldats

ne désertaient pas leurs drapeaux, mais les con–

scrits, surtout ceux qui appartenaient aux dépar–

tements qu'on traversait, ne se faisaient pas

scrupule d'abandonner les rangs, et déja les

maréchaux Víctor et l\fa1·mont en avajent ainsi

perdu quelques milliers.

Témoin oculaire de cette situation désolantc,

un fidele aide de camp de l'Empereur, le général

Dejean, luí en avait tracé la vive peinture, en lui

disant que tout était perdu s'il ne venait pas

tout sauver par sa présence. Dans les Pays-Bas,

les choses n'allaient guere mieux. J.e maréchal

Macdonald , en se voyant débordé sur sa droite

par la colonne de Blucher qui avait passé le Rhin

entre l\fayence et Coblentz, avait rallié a lui les

11•

et

¡)e

corps d'infanterie, le 5° de cavalerie,

plus ce qui restait des troupes revenucs de Hol–

lande, et s'était retiré sur l\'Iézieres avec environ

12

mille hommes, en ne Jaissant que de tres–

petites garnisons a Wese! et

a

l\faestricht. Le

général Decaen, cnvoyé

a

Anvers, y avait réuni

en

marins et en conscrits une garnison de 7

a

8

mille hommes, en avait de plus jeté 5 mille

a

Flessingue, 2 milie a 'Berg-op-Zoom, mais avait

abandonné Bréda, qui ne pouvait etre défendu,

et Willemstadt, qui aurait pu l'etre, et qui était

un poirH important sur le Wahal. L'abandon de

cedernier point était regrettable, car, apres avoir

perdu la Hollande,

il

y aurait eu un grand in–

téret

a

conserver, entrela llollandeet la Belgiquc,

Ja ligne d'eau qui aurait offert la fronticre la plus

solide. Mais le général Decaen, ne pouvant suf–

fire qu'a une partie de sa tache, avait préféré

Anvers et Flessingue a tout le reste. Il s'était

placé avec les troupes de la garde en avant d'An–

vers, résolu

a

défendre énergiquement ce grand

arsenal, objet des haines ardentes de l'Angleterre

et de la sollicitude incessante de Napoléon.

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