L'JNVASION. -
JANVIER
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de créer des administrations dans les provinces
envahies. C'était le souvenir des difficultés que
nous avions éprouvées daos les pays conquis,
partout oú les autorités avaient disparu, qui
avait faít prévaloir cette résolution dans les con–
seils du gouvernement, malgré la résistance du
duc de Rovigo. On aurait eu raison peut-etre
d'en agir ainsi dans un pays ou n'auraient pas
existé des partis hostiles au gouvernement, prets
a
s'agiter a l'approche des coalisés. l\falheureuse–
ment, en France, ou vingt·cinq ans de révolution
avaient laissé de nombreux partis que Napoléon
vaincu ne pouvait plus contenir, et entre lesquels
il
y en avait un , celui de l'ancicn régime, que
son analogie de sentiments avec la coalition por–
tait a tout espérer d'elle, en Francc l'absence des
autorités avait de grands inconvénients. En e:ffet,
les malveillants n'étant plus surveillés par les
préfcts, sous-préfets, commissaires de police,
laissaient éclater leurs dispositions hostiles a
l'approche de l'ennemii se soulevaient des qu'il
avaitpénétré quelque part, l'aidaient
a
constitucr
des administrations toutes composées dans son
intéret, et se préparaient meme
a
proclamer les
Bourbons. Ce spectacle se voyait peu dans les
campagnes, que l'invasion avec le cortége de ses
sou:ffrances irritait profondément; mais daos les
villes, ou d'ordinaire l'opinion fermente davan–
tage, ou la haine du gouvernement impérial était
générale, ou les maux de l'invasion étaient presque
insensibles,
il
éclatait les manifestations les plus
dangereuses, auxquelles contribuaient non-seu–
lement les roya!istes, muis tous les hommes fati–
gués du despotisme et de la guerrc. Ainsi, pour
comble de douleur, Ja Francc était envahie daos
un rnoment oú, souffrante, épuisée , divisée, elle
ne pouvait plus rcnouveler Je noble exemple de
patriotisme qu'elle avait donné en
1792,
et ce
n'était pas le moindre des torts du régime impé–
rial que de l'avoir exposéc a se montrer ainsi a
la coalition européenne
!
A Langres,
a
l'approche des soldats du prince
de Schwarzenberg, quelques notables de la ville,
aidés par une populace fatiguée de la conscrip–
tion et des droits réunis, avaient menacé de s'in–
surger contre les troupes du maréchal Mortier.
A Nancy, les autorités municipales et quelques
personnages considérables du pays avaient rei;u
le maréchal Blucher avec des honneurs infinis.
et lui avaient meme offcrt un banquet. Le géné–
ral prussien leur avait parlé des bonnes inten..
tions des alliés, de lcur désir de délivrer Ja France
de son tyran, et
il
s'était fait écouter par des po-
pulations que les miseres d'une longue guerre
avaient égarées.
Nos corps d'arméc se retiraient done en lais–
sant derriére eux des paysans sans défense, dont
ils étaient souvent obligés de dévorer les der–
nieres ressources, et des villes exaspérées contre
le régime impérial, ne prctant que trop l'oreille
aux promcsses d'une coalition qui se présentait
non pas comme conquérante, mais comme libé–
ratrice. Une circonstancc complétait la tristesse
de ce tablea u. Les rares survivants de nos glo–
rieuses armées, dégoutés par la soufirance, hu–
miliés par une retraitc continue, tenaient un
mauvais langage, et répétaient souvent les pro–
pos des populations urbaines. Les vieux soldats
ne désertaient pas leurs drapeaux, mais les con–
scrits, surtout ceux qui appartenaient aux dépar–
tements qu'on traversait, ne se faisaient pas
scrupule d'abandonner les rangs, et déja les
maréchaux Víctor et l\fa1·mont en avajent ainsi
perdu quelques milliers.
Témoin oculaire de cette situation désolantc,
un fidele aide de camp de l'Empereur, le général
Dejean, luí en avait tracé la vive peinture, en lui
disant que tout était perdu s'il ne venait pas
tout sauver par sa présence. Dans les Pays-Bas,
les choses n'allaient guere mieux. J.e maréchal
Macdonald , en se voyant débordé sur sa droite
par la colonne de Blucher qui avait passé le Rhin
entre l\fayence et Coblentz, avait rallié a lui les
11•
et
¡)e
corps d'infanterie, le 5° de cavalerie,
plus ce qui restait des troupes revenucs de Hol–
lande, et s'était retiré sur l\'Iézieres avec environ
12
mille hommes, en ne Jaissant que de tres–
petites garnisons a Wese! et
a
l\faestricht. Le
général Decaen, cnvoyé
a
Anvers, y avait réuni
en
marins et en conscrits une garnison de 7
a
8
mille hommes, en avait de plus jeté 5 mille
a
Flessingue, 2 milie a 'Berg-op-Zoom, mais avait
abandonné Bréda, qui ne pouvait etre défendu,
et Willemstadt, qui aurait pu l'etre, et qui était
un poirH important sur le Wahal. L'abandon de
cedernier point était regrettable, car, apres avoir
perdu la Hollande,
il
y aurait eu un grand in–
téret
a
conserver, entrela llollandeet la Belgiquc,
Ja ligne d'eau qui aurait offert la fronticre la plus
solide. Mais le général Decaen, ne pouvant suf–
fire qu'a une partie de sa tache, avait préféré
Anvers et Flessingue a tout le reste. Il s'était
placé avec les troupes de la garde en avant d'An–
vers, résolu
a
défendre énergiquement ce grand
arsenal, objet des haines ardentes de l'Angleterre
et de la sollicitude incessante de Napoléon.
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