5?:>8
LIVRE CINQUANTE ET UNlEME.
Le péril ne pouvai t done pas etre plus alar–
mant, surtout si l'on songc que dcpuis la leltrc
du 1
O
décembre, par laquclle M. de Mctternich,
accusant réccptiop de Ja note du 2 déccmbrc,
avait déclaré qu'il allait en référcr aux cours al–
liécs, le cabinct fran<;ais n'avait plus re'iu une
seule communication. Ce silcnce, joint au mou–
vcment offcnsif des armécs, scmblait indiqucr
que les coalisés ne pensaicnt plus
a
traiter, et
qu'ils n'étaient occupés désormais que d'achever
notrc destruction.
Quclle que füt l'activité de Napoléon,
il
ne
pouvait etrc pret
a
faire face
a
l'ennemi que
lorsquc déja une portion notable du territoirc
aurait été envahic, et
a
l'inconvénicnt de laisser
occupcr les provinccs matéricllcmcnt les plus
fertilcs, moralc¡ncnt les meiUcurcs, s'ajoutait Je
dangcr de pcrmett're
da~s
de grands centres de
population des :r:nanifestations séditieuses, et d'y
laisser proclarqer publiqucment le nom des Bour–
bons. Daos un parcil état de choscs, obtenir un
armistice, meme
a
des conditions fort dures, cut
été un bonhcur au milicu d'un immcnse-malhcur,
car la marche de l'invasion cut été suspcndue,
et si I'on n'était pas parvenu
a
s'cntcndrc avcc les
puissanccs coalisécs, on aurait du moins gagné
les dcux mois indispensables cncore
a
la création
de nos moyens de défense. Napoléon avait trop
de sagacité pour croirc que des ennemis que leurs
fatigues et l'hiver le plus rude n'avaient point ar–
retés, suspcndraicnt leur marche dcvant de
simples pourp.arlcrs. Il était meme convaincu
qu'ils avaiént rcnoncé a traitcr, et qu'ils ne vou–
laient plus conclure la paix que dans Paris mcmc.
Néanmoins essayer ne coUtait ríen, et le pis, en
cas d'insucces, était de rcstcr dans la situation
actucllc. D'ailleurs, d'apres ce qu'avait vu
l\'1.
de
Saint-Aignan, d'apres bien des r apports venus
des provinces envahies,
il
existait entre les coa–
lisés de graves dissentiments. L'Autrichc,
a
en
croire ces rapports, était offusquéc des préten–
tions de la Russie, et inclinait
a
la paix. Effec–
tivemcnt l'cmpcreur Frani;ois, outre qu'il aimait
sa fillc, ávait pcu de pcnchant
a
augmenter
l'im–
portancc de la Russie,
a
satisfairc les jalousies
maritimes de l'Angleterre, et,si on lui abandon–
nait ce qu'il ambitionnait en Jtalie, était peu
t–
etre capabledcs'arreter. Or,
l'
Autrichcs'arretant,
tout le monde était obligé d'agir de memc. A
ces suppositions, qui n'étaicnt pas dénuées de
vraiscmblance, il y en avait une scule a opposcr,
mais bien plausible, c'est que, par craintc de se
désunir, les coalisés, les Autrichicns compris,
(
résisteraient
a
toute satisfaction individuelle'
memela plus conwletc. Copime
en~rc
ces chances
diverses, si les
bo~nes
l'emportaient, on ét.ait
sauvé,
~apoléon
:ri'hésita pas a faire une derniere
tentative de négociation, quelque peu d'cspérance
qu'il eut de réussir.
Il songea d'abord
a
~nvoycr
au camp des
all!és M. de
Ghamp~gpy
(le duc de Cadore), qui
avait été ministre des relations extérieures, plus
ancienncment ambassadcur a Vicnnc, et qui
jouissait de !'estime de l'empercur
Fran~ois.
Pourtant sur la réflexion
for~
simple que, pour
obtenir acces aupres des monarques alliés, on ne
pouvait pas choisir un personnagc trop impor–
tant et trop COQsidéré, NapoJéon se décida
a
en–
voyer M. de Caulaincourt lui-meme. 11 lui confia
la double mission qe traiter de la paix, et, si on le
pouyait sans témoigner trop d'effroi, de chcrcher
a obtcnir un armistice. Quant
a
la paix, les con–
ditions étaient toujours celles que nous avons
précédcmment indiquécs, e'est-a-dire la ligne
du Rhin, mais la grande lignc, celle qui, en
suivant le Wahal, enleve
a
la Hollande le Bra–
bant septentrional. Toutefois la prétention d'ex–
clure Ja maison d'Orange était abandonnée. La
prétcntion de créer en Westphalic un Étªt pol]r
le roi Jérome l'était aussi. En Italie, la Francc,
cédant une part
de
territoire
a
l'Autrichc, sans
ricn
e~iger
ppur ellc-memc, persis.tait néanmoins
dans le désir d'une
do~ation
pour le prin(!e Eu–
gene, pour la pripcessc Élisa, et, s'il se pouvait
meme, pour les frercs de Napoléon,
Jérón~c
et
Joscph. On voit que la différcncc avec le projet
de
p~ix con~u
par Napoléon le lendemain des
propositions de Francfort, n'était pas tres-sen–
sible. Rclativemcnt
a
l'armisticc, M. de Caulain–
court~
afin de gagner l'Autrichc, devait offrir
sous main de luí livrer immédiatement les places
de Vcnise et de Palma-Nova, ce qui emportait
Ja conccssiop de la ligoe de J'Adigc. Ccllcs de
Hambourg et de Magdebourg devaient etre aussi
livrécs immédiatement
a
la Prusse, toujours dans ·
la vuc d'obtcnir une suspcnsion d'armes. La con–
séqucnce naturclle de l'évacuation de ces quatre
places en Italie et en Allemagnc eut été la ren–
trée tres-prochainc des garnisons, ce qui aurait
procuré 1
o
millc homqies au moins
a
l'arméc
d'Italie, et 40 millc
a
celle du Rhin.
La seulc objectiQn qu'on put faire
a
1'envoi de
M. de Caulaincourt, c'était la difficulté de se pré–
scnter aux ministres de la coalition , quand
aucu n rendez-vous n'avait été assigné pour né–
gocier, et que l'indication de Manheim, contenuc