LIVRE CINQUANTE ET UNIE!UE.
" plus heureux qu'elles? N'iriez-vous pas tous
,, finir
a
l'échafaud, comme les Guadet, les Ver–
" gniaud, les Danton? Et, d'a illeurs, que faut-i l
" it
la France en ce moment? Ce n'est pas une
" assemblée, ce ne sont pas desorateurs, c'cst un
" général.
Y
en a-t-il parmi vous?
Et
puis ou
" est votre mandat? La France me connait; vous
«
eonnait-elle?... Elle m'a deux fois élu pour
" son chef par plusieurs millions de voix, et
" vous, elle vous a, dans l'enceinte étroite des
" départements, désignés par quelques centaines
" de suffrages pour venir voter des lois que je
'' fais, et que vous ne faites point. Je cherche
" done vos tilres, et je ne les trouve pas.
Le
"
tróne, en tui-méme, n'est qu'un assemblage de
"
quelques pieces de bois recouvertes de velours.
(t
Le tróne, c'est un homme, et cet homme, c'est
" moi , avec ma volonté, mon caractere et ma re–
" nommée ! C'est moi qui puis sauver la France,
" et ce n'est pas vous. Vous vous plaignez d'abus
" commii, dans l'administration : dans ce que
" vous diles, il
y
a un pcu de vrai, et beaucoup
" de faux. M. Raynouar<l a prétendu que le ma–
'' réchal Masséna avait pris Ja maison d'un par–
«
ticulierpour y établir son état-major.
i1
(Le fait
s'était passé
a
Marseille, ou le marécbal Masséna
avait été envoyé extraordinairement.)
«
M. Ray–
" nou;rd en a menti. Le maréchal a occupé
" temporairement une maison vacante, et en a
" indemnisé le propriétaire. On ne traite pas
" ainsi un maréchal chargé d'ans et de gloire.
" Si vous aviez des plaintes
a
élever,
il
fa llait
.. attendre une autre occasion que je vous au–
" rais offerte rooi-meme, et la, avec quelqucs–
" uos de mes conscillers d'État, peut-etre avec
" moi, vous auriez disculé vos griefs, et j'y au–
" rais pourvu daos ce qu'ils auraient eu de
" fond é. Ma is l'explication aurait eu lieu entre
" nous,
car c'est en famille, ce n'est pasen pu–
"
blic qu'on lave son tinge sale.
Loin de la, vous
" avez voulu me jeter de la boue au visage. Je
«
suis, sachez-le, un homme qu'on tue, mais
«
qu'on n'outrage pas. M. Lainé est un méchant
" homme, en correspondance avec les Bourbons
11
par l'avocat Deseze. J'anrai l'c:eil sur lui , et
" sur ceux que je croirai capables de machi–
" nations crimioelles. Du reste, je ne me défie
" pas de vous en masse. Les onze douziemcs de
" vous soot e.xcellents; mais ils se laissent con-
" duirc par des meneurs. Rctournez dans vos
ce
départements, allez dire
a
la France que, bien
«
qu'oo lui en dise, c'est
a
elle que J'on fa it la
" guerre autant qu'a moi , et qu'il faut qu'elle
t
défende non pas ma pe.rsonne, mais son exis–
cc
tcnce nationale. Bientót je vais me mettre
a
la
" tete de l'armée, je rejetterai l'enncmi hors du
" territoirc, je conclurai la paix, quoi qu'il en
(( puisse couter
a
ce que vous appclez mon am–
i(
bition; je vous rappellerai aupres de moi,
" j'ordonnerai aloi·s l'impression de votre rap–
" port, et vo us sercz tout étonnés vous-memes
11
d'avoir pu me tenir un pareil langage, dans
ce
de tellcs conjonctures. ,,
Ce discours inconveoant, et qui, pour quelques
trai ts justes, en contenait beaucoup plus d'en–
tierement faux (car, s'il étaít vrai que Napoléon
pouvait seul sa:.Lver la France, il était vrai aussi
que ·seul
iI
l'avait compromise; car, si tel grief
allégué était inexact ou exagéré,
il
y en avait
a
citer une multitudc d'autres odieux et insuppor–
tables), ce discours consterna tous ceux qui l'en–
tenrlirent, et cut bientót un déplorable retentis–
sement. Effectivement chacun le rapporta
a
sa
fa<;on, et le résultat fut que Napoléon parut
a
tous les yeux avoir contre lui les représentants
de la France, fort soumis jusquc-Ja, c'est-a-dire
la France elle-meme. Jamais le rapport du Corps
législatif publié tcxtuellemcnt n'aurait produit
un si malheureux eífet. On y aurait vu qu'il y
avait des abus dans l'administration intérieure,
et que le Corps Jégislatif en souhaitait Je redres–
sement, on y aurait vu aussi que le despotisme
de Napoléon commen9ait
a
peser
a
l'universa–
lité des citoyens; mais on y aurait vu surtout
que le Corps législatif voulait la paix, qu'il la
voulait sur la base de nos frontieres naturelles,
que, sur ce terrain,
il
conseillait au gouverne–
ment de ne pas reculer, et invitait Ja France
a
se lever tout cntiere. Une telle déclaration valait
bien qu'on supportat quelques critiques, assuré–
meot tres-ménagées, et fort au-dessous de ce
qu'elles auraient pu etre.
Toutefois il fallait s'adresser
a
la France, il
fallait chercher
a
exciter son zelc, et Napoléon,
a
défaut des pouvoirs publics trop peu pressés
de le servir
a
son gré , avait imaginé de choisir
des commissaires extraordinaires dans Je Sénat,
de les prendre parmi les plus grancls person–
nages militaires ou civils de chaqu e province, de
les envoyer ainsi chez eux, ou ils étaient sup–
posés avoir de l'influence, pour y employer leur
autorité a faciliter la levée de la conscripti9n, Ja
rentrée des impóts, les prestations en nature,
l'instruction et l'orga nisation des corps, le dé–
part des gardes nationales, l'action enfin du gou–
Yernement en toutes choses . lis devaient avoir,