L'lNVASION. -
JANVIER
'18U.
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daos la lettre de
,M.
de Bassano du 16 novembre,
n'avait eu aucune suite. Cependant on était daos
une situation a
ne
pas tenir compte des consi–
dérations d'amour-propre,
et
les inquiétudes
croissant a chaqµe instant,
il
fut coµvenu que
M.
de Caulaincourt
se
renqrait sur-le-champ auJ!:.
avant-postes fran<¡ais, que de
la
il
écrirait a l\L de
Metternich pour lui dire que, sur les assurances
apportfes en son nom par
M.
de Saint-Aignan,
et
sur son invitati_on formelle de renouer les né–
gociations, on ne voulait pas qu'un retard de la
France prolongeat d'une heure les maux de l'hu–
manité; que lui, M. de Caulaincourh se transpor–
tait done aux avant-postes, pret a se rendre a
Manheim, lieu déja indiqué, ou en toute autre
ville dont
il
plairait aux monarques
alljé~
de faire
choix.
Si M. de Caulaincourt, arrfvé aux avant-postes,
y
était laissé dans une position humiljante,
ce
qµi était possible, il
y
aurait a cette hurniliation
Úne certaine compeqsation, ce serait de prouver
que Napoléon voulait la paix, que les dífficultés
n,e
venaient plus de son enteterpent, et de luí
ral'I}ener l'opinion de la France par le spectacle
des
traítemeq.t~
auxquels son négociate9r serait
exposé.
Toutes choses étant ainsi réglées, M. de Cau–
laincourt pa;rtit le
o
janvier pour les avant-postes
franc¡ais, en laissant a
l\f.
de la Besnardiere, le
commis le plus habile du- départcment, le soín
de le remplacer aux affaires
~trangeres.
Napo–
léor1 se préparait
a
par!ir bíentót lui-meme pour
appuyer de
~on
épée les négociations que M. de
Caulaincourt allaít cssayer
de
rouvrir par son
influence.
M. de Caulaincourt se rendít a {.unéville, lieu
fafi1.eux par un traité conclu dans des temps plus
heure4x, et, en arrívant au píed des Vosges,
rencoQtra pos armées se retirant
précipít~m
ment,
et
précédées, ¡ians leur retraite, de tous les
foactionnaires en fuite. U entendit les propos des
troup.eset
des populations, il vit la misere des
officiers,
la
{lésertion des jeunes soldats, et l'au–
dac~
toute nouvelle du partí royaliste, qui, sans
etre populaire, se faisait écouter
CQ.
parlant de
pai.x, de légalité, de liberté meme. Excellent ci–
toyen
et
brave militaire, M. de Caulaincourt
avait
le
creur navré de voir nos provinces enva–
hies et nos armées dans une sorte de déroute.
Aux chagrins du citoyen se joignaient chez luí
les chagrins du pere, car
il
avait attaché a la for–
tune de Napoléon sa propre fortune, c'est-a-díre
cel}e de
~es
enfants, et
il
était profondément
aflligé du danger qui mena<¡ait le tróne impérial.
11 se ha ta de peindre
a
Napoléon les choses tel!cs
qu'elles étaient, de lui signaler surtout l'abattc–
mént de certaíns chefs militaires, qui n'étaient
pas ínfidcles, mais découragés, et le supplia,
apres avoir bien réfléchi
a
la situation, de lui
envoycr des conditions de paix plus acceptablcs.
En meme tcmps
il
écrivit a M. de Metternich,
pour luí dire qu'étonné de son silence, fort diffi–
cile
a
expliquer en se référant aux communica–
tions de M. de Saint-Aignan,
il
venait provoquer
une réponse , et l'attendre aux avant-postes ,
pret
a
se rendre partout ou l'on voudrait négo–
cier.
Lorsque cette especc d'interpellation parvint
par l'intermédiaire de M. de Wrede a M. de
l\fetterních, elle embarrassa un pcu ce derníer,
car, apres les dérr10nstrations pacifiques qu'on
avait faites, refuser de traiter eut été une incon–
séquenc~
choquante, meme dangereuse, les deux
partis s'appliquant avec soin
a
conquérir l'opi–
nion publique, soít en Europe, soít en Francc.
l\L de l\fetternich et l'cmpercur Fran<¡ois étaient
toujours disposés
a
négocíer, avec un peu plus
d'ambition,
il
est
vrai, du cóté de l'Italie; mais
chez les autres coalisés, deptJis que sur le désír
de l'Angleterre, et par la vive impulsion des pas–
sions allemandes, on avait décidé la continuation
des hostilités, les imaginations s'étaient de nou–
veau enflammées. Les facilités inattendues qu'ils
avaient rencontrées en pénétrant en Suisse et
en France, leur avaient persuadé qu'il n'y avait
plus qu'a marcher en avant, pour tout terminer
conformément
a
leurs vreux les plus extremes,
et, a les entcndre, on eut dit qu'ils n'avaient plus
d'autre ennemi
a
craindrc que leurs propres
divisions. Elles étaient grandes,
il
est vrai.
Alexandre toujours mécontent de l'entrée en
Suisse, ne voufait pas qu'on opprimat le partí
populaire au profit du parti aristocratique, tan–
dis que J'Autriche agissait exactement dans un
sens entíerement opposé. L'Autriche ne voulait
pas qu'on sacrifiat les Danois au prince de Suede,
le roi de Saxe
a
la Prusse, et Alexandre désirait
cxactement le contraire. Les Tyroliens deman–
daient
a
passer tout de suite sous le sceptre de
l'
Autriche, et la Baviere demandait
a
etre préala–
blementindemnisée. L'Angleterre ne songeaitqu'a
fonder la
~onarchie
de la maison d'Orange, pour
fermer
a
la France le chemín de l'Escaut, et l'Au–
triche, avantd'adhérer
a
cette prétention, voulait
que l'Angleterre lui promit son influence contre la
:flussie. Au milieu de ce cliaos, prendre un partí