L'INVASION. -
JANV1ER
18i4.
565
tions, se réservant au dernier mornent, avec le
secours de la populati'on et des dépóts, d'orga–
niser une défense opiniatre de la grande cité qui
contenait ses ressources, sa famille, son gouver–
nement, et la clef de tout le théatre de la guerre.
11 ordonna ,encore quelques autres mesures
relatives
a
la Belgique,
a
l'Italie, a Murat, au
Pape. 1"1écontent du général Decaen
a
cause de
l'évacuation de Willemstadt, il le rcmplac;a par
le géoéral l\faison, qui s'était tant distingué dans
les dernieres camp_agnes. 11 laissa pour instruc–
tion
a
ce dernier de s'établir dans un camp re–
tranché en avant d'Anvers, avec trois brigades
de jeune garde, avec les bataillons du 1
or
corps
qu'on aurait eu le temps de former, et de s'at–
tacher
a
retenir les ennemis sur l'Escaut par la
menace de se jcter sur leurs derrieres s'iJs mar–
chaient sur Bruxclles. II prescrivit
a
Macdonald
de se replier sur l'Argonne, et de
la
sur la
~Iarnc,
avec les
oº
et
1'1°
corps, et le 5ª de cavalcrie. 11
manda 'au prince Eugene de lui envoycr, s'il le
pouvait sans compromettre la ligne de l'Adige,
une forte division qui, passant par Turin et
Chambéry, viendrait renforcer Augereau. 11
s'ohstina dans le silence gardé envers l\lurat,
lequel devenait tous les jours plus pressant, et
menac;ait de se joindre
a
la coalition si on ne lui
cédait l'Italie
a
la droite <lu Pó. Enfin, ne sachant
que faire du Pape a Fontainebleau, oú des cou–
reurs ennemis pouvaient venir l'enlever, et ne
voulanl pas encore le rendre de peur de compli–
qucr les affaires d'Italie, il le
fit
partir ponr
Savone, sous la conduite du coloncl Lagorsse,
qui
~vait
su, en le garqant, allier le respecta la
vigilance. Les Autrichiens n'ayant pu jusqu'alors
ni foreer l'Adige, ni approcher de Genes, Savone
était encore un lieu sur
1,
Ces dispositions terminées, Napoléon résolut
de partir. L'lmpératrice devait en son absence
exercer la régence comme elle
l'~vait
fait pen–
dant la eampagne précédente, en ayant le prince
archichanceli~r
Carµbacéres pour conseiller se–
cret. Joseph était chargé de la seconder, de la
remplacer meme si elle quittait Paris, car, en se
proposant de défendre Paris
a
outrancc, Napo–
léon n'était pas décidé
a
y laisser sa femme et
son fils exposés aux bombes et aux boulets,
t
M. Fain et d'aulres écrivains ont prétendu que Napoléon
fit des ce jour partir le Pape pour Rome. C'es t une erreur,
.démontrée par des documents certains. Le dépar t de Fon–
tainebleau fut bien le commenccment du voyage qui ramena
le Pape
a
Rome, mais ne fut point ordonné avec l'intention de
l'y envoyer acluellement.
Ce
ne fut que plus tard que Napo-
peut-etre meme
a
la captivité' si la coalition
parvenait
a
forcer les défenses improvisées de la
capitalc. En cas de retraite de l'Impératrice dans
l'intérieur de l'Ernpire, Joseph et les
autre~
freres de Napoléon actuellement réunis a Paris
devaient donner l'cxemple du courage a la garde
p.ationalc, et mourir s'il le fallait pour défendre ,
un tróne plus important pour eux que ceux
d'Espagne, de Hollandc ou de Westphalie, car
c'était non-seulement le plus grand, mais le seul
qui restat
a
leur famille.
Outre les précautions prises contre l'ennemi
extérieur, Napoléon avait songé aussi
a
en pren–
dre quelques-unes contre l;ennemi intérieur,
c'est-a-dire contre les menées tendantes a rendre
a
la France ou la République ou les Bourbons.
L'archichancelier Cambacéres, le duc de Rovigo,
avaient
re~u
ordre d'étendre leur surveillance
jusque sur les princes de la famille impériale, et
en particulier sur cert&ins dignitaires, ,tels que
M. de Talleyrand par exemple, qui ne cessait
d'inspirer a Napoléon les plus singulieres ap–
préhensions. Quoique privé du plus remuant de
ses associés, du duc d'Otrante, envoyé en mission
aupres de Murat,
1\1.
de Talleyrand était fort
a
craindre. Napoléon voyait distinctement en lui
l'homrne autour duque!, daos un
momeo~
de
revers , se grouperaicnt ses ennemis de toutc
sortc, pour édifier un nouveau gouvernement
sur les débris de l'Empire renversé. Apres avoir
ressenti un goút fort vif pour M. de Talleyrand,
et lui en avoir inspiré un pareil, se sentant privé
maintenant du plus sur moyen de plaire' la
prospérité, se rappelant en outrc combien il
avait blessé en diverses occasions ce grand per–
sonnage,
il
se disait qu'il avait fait tout ce qu'il
fallait pour en etre ha'i; il s'y attendait done, et y
comptait. ll le craignait surtout depuis que lenoqi
des Bourbons était prononcé; car, bien qu'en–
gagé par sa vie et ses opinions dans la Révolution
fran c;aise, l'ancien év éque d'Autun, aujourd'hui
prince et marié, avait une si haute naissance,
tant de flexibilité d'esprit, tant de moyens d'etre
utile
a
l'anciennc dynastie, que sa paix avec elle
ne pouvait etre difficile. Napoléon voyait done
en lui un rcdoutable instrument de contre-révo–
lution. Avec de tels pressentiments,
il
aurait
léon donna l'o\·dre de l'y laisser renlrer, et par des motifs que
nous ferons connallre en leur lieu. Les archives de la secré–
tairerie d'État contiennen t des instructions de Na poléon et
des lettres du colonel Lagorsse qui ne laisscnt de doule sur
aucun de ces points.