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LIVRE CINQUANTE-DEUXIEl\fE.
prisonniers
a
l'armée de Silésie, el lui tue
10
mille hommes, sans presque aucune perle de son coté. - A peine déliné
<le Blucher, il se rejette par Guignes sur Schwarzenberg, qui avait franchi la Seine, et l'oblige
a
la repasser en désordre.
- Combats de angis et de Montereau les 18 et 19 février . - Pe1·tes considérables des Russes, des Bavarois et des
Wurtembergeois. - Un retard survenu
il
Montereau permet au corps de Colloredo, qi.1'011 allait prendre tout entier, de se
sauver. - Grands résultats obtenus en quclques jours par Napoléon . - SituaLion compléLement changée. - Événements
militaires en Belgique,
il
Lyon, en Italie, et sur la frontiere d'Espagne. - Révocation des ordres envoyés au prince Eugene
pour l'évacuation de l'ltalie. - Renvoi de Ferdiaand Vlf en Espagne, et úu Pape en Italie. - La coalition, frappée de ses
échecs, se décide
a
demander un armisticc. - Euvoi du prince Wenceslas de Liechtenstein a Napoléoa. - Napoléon feint
de le bien accueillir, mais, résolu
a
poursui vre les coalisés sans relache, se hornea une conventiou verbale pour l'occupa–
tion pacifique de la ville de Troyes. - Résultat inespéré de cellc premiere période de la campagne.
Partí le 25 au matin de Paris, Napoléon ar–
riva le meme soir
a
Chálons-sur-Marne. Déja un
grand nombre de fuyards, soldats et paysans,
encombraient cette route. Les habitants de CbaJ
loas, auxquels sa présence rendait Ja confiance,
criaient beaucoup :
Vive l'Empereur
!
mais en y
ajoutant :
Abas les droits réunis
!
tant la révoltc
contre-le régimc établi
commen~ait
a
devenir
générale. C'était,
a
frai dire, Je eri de l'égoi:Sme
local contre le plus nécessaire des impots, que
tous
l~s
flatteurs du peuple, a quelque classe
qu'ils appartiennent, ont également p1'omis d'a–
bolir, sanspouvoir jamais Je remplacer, maisqui,
dans Je moment, signifiait en réalité :
A
bas
le
régime irnpérial.
Seulement, les Chalonnais qua–
lifiaient ce régime par ce qui les froissait Je plus
en
Jeu~
qualité de vignerons de la Champagne.
Napoléon
n'y
prit garde, se montra doux , screin,
accucillant, et les gagna tous par sa tranquille
attitude.
Berthier l'avait précédé a Cbálons. Le vieux
duc de Valmy, toujours chargé de l'administra–
tion des dépots , s'y était rendu de son coté. Mar–
mont,_Ney
y
étaient accourus. Ils étaient fort
troublés, quoique ordlnairernent Je danger les
intimidát peu; mais n'ayant dans les mains que
des débris, ils demandaient avec instancc des
renforts, et se flattaient en voyant arriver Napo –
léon que ces renforts allaient suivre. Malheureu–
sement
il
ne leur apportait que lui-meme; c'était
beaucoup certainement (et on ne lardera pasa
en avoir
la
preuve), mais ce n'était pas assez
pour résister
a
Ja masse d'ennemis déchainés
contre Ja France. Ses lieutenants Jui diren t que
saos doute
il
amenait des forces
a
sa suite. -
Non, répondit-il avec sang-froid; et, apres les
avoir consternés par cette réponse, il les ranima
hientot par la hardiesse et la profondeur des
vues qu'il développa devant eux . 11 semhlait
que, débarrassé des soucis amers qui l'accablaient
a
París, et redevenu soldat, il retrouvat en r en–
trant dans sa profession toute sa sérénité d'ame,
au point de découvrir des ressources ou personne
n'en ·rnyait. ll parla longuement ::\ ses maré–
chaux, et leur exposa la situation
a
peu pres
comme il suit.
Ses forces se réduisaient pour ainsi dire
a
ce
que les maréchaux amenaient avec eux : Víctor
avait
a
peu pres 7 mille fantassins et
5,500
ca–
valiers; 1\farmont,
G
mille fantassins et 2,!:íOO ea–
valiers; Ney, 6 mili e fantassins. Ces trois maré–
chaux possédaient en outre
120
bouches
a
fcu
assez bien attelées. A douze licues de Ja, c'est-a–
dire a Arcis-sur-Aube, le général Gérard avait
une division de réserve de
G
mille hommes ;
a
dix-huit Jieues, c'est-a-dire
i1
Troycs, le maré–
chal Mortier avait
1
!:í mille soldats de la vieille
garde, infanterie et cavalerie; ce qui portait ces
divers rassemblements
a
46 ou 47 millehommes.
Lefehvre-Desnouettes arrivait avec Ja cavalerie
légere de Ja garde, comptant 5 mille chevaux,
et avec quelques mille hommes d'infanterie, soit
jeune garde, soit hataillons tirés des dépots ; ce
qui supposait en total cinquante et quelques mme
hommes dans la partie Ja plus menacée du ter–
ritoire, non compris, il est vrai, la seconde divi–
sion de réservc qui s'organisait sous lé général
Hamelinaye a Troyes, la cavalerie qui se formait
sur la Seine sous Pajol, et les rassemblements de
gardes nationales. C'était bien peu assurérnent
contre les
220
ou
250
mille soldats éprouvés qui
mar chaient contre Ja capitale, sans parler de
ceux qni devaient survenir bientÓt. A P.aris se
formaient encore deux divisions de jeune gatde,
et quelques nooveaux hataillons de ligne; sur la
route de Bordeaux
s'avan~aient
plusieurs divi–
sions d'Espagne, et l\facdonald enfin arrivait par
JesArdennes avec unedouzainedemillé bommes.
Mais ces rcnfortsdevaient etre plus que surpassés
par ceux que l'ennemi attendait, et pour le pre–
mier moment, pour Je premier choc, on avait
50 mille hommes contre
250
mille. Napaléon ne
dit pas toute la vérité a ses Jieulenants, de peur
de les décourager, mais il ne s'en éloigna guere.