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LIVRE CINQUANTE-DEUXIEl\fE.
les ycux
sm~
Jui comme un clrnsseur sur sa proie,
étílit pret a Je suivre pour Je prendre en qucue
ou en flanc. En meme temps,
il
réitéra ses in–
stances pour qu'on organisat
a
París de nouveaux
bataillons,
a
VersaiJles de nouveaux escadrons,
afin d'ajouter promplement
1B
mille hommes
aux 2?> mille qu'il avait directement sous
la
maio. S'il en arrivait la, il était
a
peu pres en
mesure de tenir tele
a
tous ses eonemis; car, se
joignant
a
Mort.ier vers Troyes avec
~.o
milJc
hommes,
il
le portait
a
80
millc, se joignant vers
Chálons
a
Macdonald, il le portait
a
?> 5 milJc, et
c'était presque assez, soit contre Schwarzenberg,
soit contre Bluchcr. Napoléon s'appliqua aussi
a
tracer Ja route militaire de J'armée, depuis Pa–
rís jusqu'aux bords del'Aubc, et il décida qu'elle
pa.ssernit par Ja Ferté-sous-Jouarre, Sézanne,
Arcis et Briennc (voir la carte nº 62) , direction
Ja plus central e, et sur laquelle il
fit
r assembler
des ressources de toute cspece. Prévoyaot qu'il
aurait bien des fois
a
manrouvrer de J'Aubc
a
Ja
Marne,
il
prcscrivit d'entourer Sézanne de palis–
sades, et d'y former un vaste magasin de den–
rées et de munitions de guerre. A Brienne meme
ou il était campé,
il
assit sa position de la maniere
Ja mieux adaptéc au terrain.
JI
établit
a
Dien–
ville sur l'Aubc sa droile, qui devait se composer
de la divi ion Ricard, détachée de Marmont, et
de Gérard, qui, en cas d'attaque, avait ordre d'ac–
courir de Piney
a
Dienville. (Voir Ja carte nº 62,
et Je plan détaillé des cnvirons de Drienne, carle
nº 65.) Il étahlit son cenbre, consistant dans les
troupes de Victor, au viUage de la Rothiere, au
milieu d'une plaine que traversait la grande
route, avec la garde en réserve ; il pla<;a enfin sa
gauche, composée du corps de Marmont,
a
Mor–
villiers, le long d'un coteau assez élevé en avant
du bois d'Ajou. 11 enjoignit
a
chaque chef de
corps,
a
Marmont notamment, de s'entourer
d'ouvrages de campagne, pour compenser notre
infériorité numérique dans le cas tres-probable
d'une attaque prochaine. Ainsi campé surl'Aube,
presque a égale distance des deux roules que Ja
1
Des hisloriens, des auteurs de mémoires, n'ayant pas Ju
In corrcspondance de Napoléon , ne sachant pas ce qu'il fai–
sait, le déclarent presc¡ue fou, pou1· s'étre arreté a Brienne
apres le combat du 29, et avoir voulu y livrer une sccondc
batailleavec <les forces si disproportionnées. On voit s'il était
fou , pa1· l'exposé que Dous venons de fairc, et s'il est sa¡;e de
ju¡;e1· un lel homrne, lorsqu'on ne connait pas ses intentions,
d'apres des <locumcnls authcntiques. Le ma1·éehal Ma1·rnont,
dans ses Mémoires, se récrie cont11e l'ordrc que Napoléon luí
donna de se retranche1· a Morvillicrs. Le général Koch, ex–
cellcnt écrivain militaire et bien autrement séricnx dans ses
j ugements que le maréchal Marmont dans les siens, dcmanLIC
coalition devait etre tentée de suivre,
il
attcn–
dait deux ol1oses: premierement que ses moyens
achevassent de s'organ•ser, sccondement que
l'ennemi commit quelque grosse faute. Cette
dcrniere chance, il élait Join d'en désespérer,
connaissant bien ses adv{Jrsaires, et
il
regardait
la situation comme fort améliorée depuis le
com~
bat de Brienne. 11 l'écrivait ainsi
a
sa femme,
a
Joseph,
a
l'archichancelier Cambacéres, aux ducs
de Feltre et de Rovigo, pour qu'a París on Je dit
a
tout le monde, pour qu'on se rassurat, et qu'on
s'occupat avec plus de zcle des diverses créations
qu'il avait 011données
1 •
Pendant ce temps, de graves questions s'agi–
taient au camp des coalisés, questions
a
la fois
poliliques et militaires. La question politique
consistait
a
savoir si on traiterait avec Napoléon,
la question militaire si on s'arreterait
a
Langres,
ou si on entrcprendrait tout de suitela troisieme
période de la guerre, avant de s'elre assuré par
quelques pourparlers que la paix était impossi–
ble. NatureJJement le parti des esprits ardents,
a Ja tete duque] étaient les Prussiens et Alexan–
dre, par les motifs que nous avons rapp0rtés, ne
voulait ni traiter ni s'arreter. Le parti modéré,
a
Ja tete duquel étaient les Autrichiens et quel–
ques hommes sages des diverses nations coali–
sées, voulait le contraire. C'était
a
lord Castle–
reagh, arrivé cnfin au quartier général, qu'il
appartenait de prononcer.
Chacun pour l'attirer lui avait concédé d'avance
l'objet principal de ses vreux , c'est-a-dire la
création du royaume des Pays-Bas, ce qui pro–
curail
a
l'Angleterre l'avantage d'óter Anvers
a
la France, de placer les cmbouchures des flcuves
sous une main capable de les défendre, et enfin
de pouvoir demander
a
la Hollande, en retour de
si bcaux dons, Je cap de Bonne-Espérance, qui
cst le Gibraltar de la mer des ludes, comme l'llc
de France en est l'ile de l\falte. Lord Castlcreagh
avai t
a
faire
a
ses arnés une autre confidencedont
il
éprouvait quelque embarras a parler' c'était
u n pr ojet de mariage entre la pPincesse Char-
commenl on pouvuil \'OuloÍl', avec 50 mi lle hommcs, livrer une
sccondc butuille a to.utes les armées <le la coalition. On voit,
d'uprcs ce qui préccdc, quclles élnicnt les véritables inten–
tions de apoléon . L'ennerni pouvant opél'er par Troyes ou
par Ch<\lons, il devait se tenir entre deux, de maniere á cou–
l'ir su1· celle des dcux routes qui scrait monacée, ne cherchan.t
pas une bataillc générale, comrne
011
l'cn ac<!use, rna,is tllchunt
de pourvoir á toutes les éventualités uvcc ce qu'il avait,
c'cst-á-dire avec p1·esquc ríen.
11
n'y a done qu'a admirer
a
la
fois son génio el son caraetere <lans ccllc situ.ation éll•ange,
et prcsque sans égalc dans l'histoirc.